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PORTRAIT
J'ai regardé par dessus son épaule,
Comme on lorgne au delà des toits,
Et je t'ai vue, et c'était drôle,
Absente, c'était pourtant toi.
Je t'observais, lui me parlant,
Et m'apprêtais à lui répondre,
Mais j'eus le temps, sous son débit lent,
De sentir nos regards se fondre.
J'ai croisé tes yeux, restés figés,
Sous la laque de ta photo,
Tes prunelles sur moi dirigées,
Gardaient plaisir et joie totaux ;
Il a pu se demander ce qui
Me faisait sourire dans ses mots,
Il n'avait su ce carré exquis,
Qui m'offrait ton image en émaux
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Lui n'avait rien su, tournant le dos,
Mais j'avais aperçu ton portrait,
Lui, voûté comme sous un fardeau,
Me dégageait soudain tes traits.
Ton visage gardait dans les pupilles,
Même au fond des sombres venelles,
Les lueurs qui te venaient, jeune fille,
Quand nous osions péché véniel
Il a reculé bientôt son épaule,
Cachant à ma vue tes doux yeux verts,
Mais tu continuais à jouer ton rôle,
Et je t'ai devinée à travers
(Recueil "Souscrire" 1986)
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Ces interférences conservent,
à mes yeux, une note humaine complémentaire
au praticien de l'être. Certains présentent un
cabinet à instruments, à graphiques et schémas,
à échantillons et à vitrines de matériel.
D'autres offrent une salle d'attente emplie de photos de voyages,
un bureau aux murs tapissés d'aquarelles ou de dessins.
Quelques uns du carrelage et des parois laquées de
blanc, d'autres des rideaux, des tapis, des étagères
de livres et d'objets, des portraits familiaux, voire des
recueils de poésie
Rigueur clinique, ou chaleur
des êtres, tout est affaire de vie et plus encore d'existence
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Et
en guise de conclusion
Je voudrais terminer sur d'ultimes
strophes, qui dépeignent un mode de fonctionnement,
une orientation générale de l'activité
correspondant naturellement et sans la moindre, la plus injustifiée
alors aussi, notion de prétention, ou de vérité
pure.
Une sorte de résumé, qui utilisera encore la
voie des rimes pour y poser la voix des êtres et décrire
un chemin spécifique spontané, parce que chacun
puise dans sa manière, sa nature, ses critères
d'existence, sans guère voir autre chose qu'une marque
de fabrique et un mode de fonctionnement placé par
la vie entre les croyances peut-être reçues et
les critères probablement fabriqués pour déterminer
ses propres processus en vue d'exister au mieux
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J'AI
MIS MA VIE A LA FENÊTRE
La vie est comme une
fenêtre,
Devant laquelle, par tous temps,
Défilent chaque jour des êtres,
Qui sont perdus, ou combattants,
Qui quelquefois vont se permettre
De prendre la main qu'on leur tend.
La vie est comme une fenêtre
Qui laisserait entrer le temps,
Qui sait faire le beau, le piètre,
Des jours secs, d'autres s'égouttant,
Qui quelquefois pourrait admettre
Qu'on n'en espérait pas autant.
La vie est comme une fenêtre
Derrière laquelle on nous attend,
Un regard profond, qui pénètre,
Et une oreille qui entend,
Où quelquefois peut disparaître,
Un chagrin qui nous pesait tant.
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La vie est comme
une fenêtre
Qui s'ouvrirait de temps en temps,
Dedans, on peut voir apparaître
Des gens, calmes ou bien s'agitant,
Qui quelquefois vont voir renaître
Une vie derrière leurs battants.
La vie est comme une fenêtre
Qui permettrait, tout juste à temps,
De laisser sècher le salpêtre,
Que les jours gardaient persistant,
Ou quelquefois écrit des lettres
Qu'on relira encore longtemps.
J'ai mis ma vie à la fenêtre,
Qui regarde couler le temps,
Qui reçoit et qui donne aux êtres
Une expérience en les guettant,
Qui quelquefois va transparaître
Entre les lignes les contant
(Recueil Tirs 1986)
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Deux des derniers recueils,
non cités ici, s'appellent « Retenir
» et « Souvent pire ». Toute une symbolique
intéressante. Que retenir de toutes ces pages, ces
lignes, ces strophes ? Surtout pas la plus minuscule prétention
à un savoir particulier, même pas à un
savoir faire spécifique. Non, seulement que, sans rien
y pouvoir et sans mérite, un banal hasard injuste,
certains osent quand d'autres demeurent spectateurs, quelques
uns parlent lorsque leurs interlocuteurs se taisent, et il
persistera perpétuellement des êtres qui s'exprimeront
pour les autres, des créateurs et des expérimentateurs.
Ne voyez, ne lisez dans ces strophes, ces phrases, ces dessins,
toute cette expression, que partage, des traces laissées
sur les lieux de nos vies
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Jacques Blais
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