Combien de fois dans nos publications navons-nous
pas évoqué le couple infernal que constituent
ensemble le monde politique, et tous ses serviteurs
directs et indirects, et notre petit univers médical
! Comme notre titre le suggère, il est question
maintenant de chirurgie. Et pas nimporte laquelle,
sil vous plaît : de lexercice de la
neurochirurgie en France. Le bien placide Bulletin de
lOrdre des Médecins de novembre 2005 ose
même titrer sous la signature dArlette Chabrol
: Neurochurgie : la pénurie est inéluctable.
Peut-être le public ne le sait-il pas, mais la
France possède un des taux les plus bas des pays
industrialisés de neurochirurgiens. Au Japon,
ils sont 3000. En Italie, ils sont 1800. Chez nous,
le chiffre des praticiens ( militaires non compris)
est de ... 378. Ce qui nous place, peu glorieusement
avouons-le, au même niveau que la Roumanie. Il
nest pas utile dinsister sur la difficulté
extrême de cette spécialité, et
sur la très longue formation quelle nécessite.
Pour répondre correctement aux besoins de la
population, il faudrait, selon le Pr Jacques Brunon
( Saint-Etienne) au moins 450 à 500 neurochirurgiens.
La très grande majorité des neurochirurgiens
exerce dans des hôpitaux publics. Pour comprendre
comment on est parvenu à une telle situation,
un retour en arrière est indispensable. Depuis
1958, les établissements hospitaliers sont classés
de la façon suivante. Tout au sommet de la hiérarchie
trônent les CHU, réservés à
quelques métropoles, où est enseignée
la médecine et où siègent les unités
de recherche. Puis viennent un cran en dessous les centres
hospitaliers régionaux (CHR). En dessous, toute
ville de quelque modeste importance tient beaucoup,
souvent pour des raisons électorales, à
avoir son centre hospitalier général.
Enfin, parents pauvres de nos campagnes, figurent les
hôpitaux locaux. Que viennent donc faire les neurochirurgiens
dans cette hiérarchie ? Et bien, cest très
simple. Le maire de chaque ville étant, de droit,
le président du conseil dadministration
de son centre hospitalier, fait tous ses efforts pour
que son établissement, souvent le plus gros employeur
de son secteur, puisse prendre du galon. Or pour passer
de banal centre hospitalier général à
la place enviée de centre hospitalier régional,
une seule condition est nécessaire. Disposer
dun service de neurochirurgie. Même sans
être informé de la complexité des
négociations entre les pouvoirs politiques multiples,
on comprend pourquoi les effectifs de cette spécialité
dépendent uniquement de décisions politiques.
Linvestissement financier pour créer de
tels services dans le privé est tel, les évolutions
de la mise en cause judiciaire de plus en plus facile
pour des actes chirurgicaux à haut risque et
la charge de travail invraisemblable font que la situation
ne risque guère dévoluer. Nos jeunes
confrères ne veulent plus dune telle vie.
Qui les en blâmerait ? Quand on sait quil
faut une bonne douzaine dannées pour former
un neurochirurgien, les malades que nous sommes tous
un jour ou lautre ont quelques cheveux blancs
à se faire. Serons-nous obligés, comme
pour les généralistes de demain, dimporter
des neurochirurgiens dautres pays ?
Oui, décidément, dans ce dossier encore,
médecine et politique sont comme lhuile
et leau. Ils ne peuvent pas se mélanger.
Quau moins les électeurs le sachent pour
ne plus se laisser séduire par les discours trompeurs
de ceux qui passent leur temps à vouloir instrumentaliser
la médecine à leur seul profit personnel.
Au besoin, en détruisant les médecins.
Cest ce que veulent les citoyens ?
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver,
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