EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 507
 
 
 
    16 juillet 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

 Le médecin, le malade et l’ordinateur  

Photo de l'auteur Docteur Françoise Dencuff lui écrire

A la suite d’un échange sur la liste de discussion d'Exmed, il semble intéressant de réfléchir ici quelques instants et en quelques lignes sur l’impact de l’ordinateur dans la relation médecin / malade.
Depuis quelques années, les PC et autres Mac ont envahi le bureau des toubibs. Qu’ils soient portables ou fixes, le médecin est obligatoirement « distrait » par ce drôle de compagnon. Mais qu’en est-il du patient, comment la relation s’en trouve-t-elle modifiée ?

retrouver la confiance

Depuis toujours la confiance que nous mettons dans notre interlocuteur repose essentiellement sur deux facteurs :
L’un rationnel, nous avons confiance dans ses compétences (réelles ou supposées) et éventuellement nous avons déjà pu vérifier la pertinence de ses actes ou décisions.
Le second, irrationnel et parfaitement subjectif, repose sur…le regard. Cette façon qu’il aura de nous regarder dans les yeux, sans chercher à fuir notre propre regard, même si nous lui posons des questions dérangeantes. Cette subjectivité est heureusement ou malheureusement notre premier critère de confiance. Viennent ensuite le ton de la voix, les jeux de séduction ou de pouvoir, les mots employés…
Mais l’impression première du regard noue le lien entre les protagonistes. Une fenêtre ouverte sur…l’âme de l’autre.

restaurer la conscience

Pour qu’il y ait création du lien, il faut aussi inscrire la relation dans l’espace et le temps.
L’espace de la relation médecin-malade est matérialisé par le bureau. Un espace plus ou moins large qui permet un face à face confortable et à priori dégagé.
J’ai longtemps réfléchi à l’opportunité de cet espace. Il me semblait qu’il devait gêner une relation compatissante et attentive, mettre une frontière, signe de la distance que nous voulions maintenir avec les patients. Puis j’ai réalisé que cette distance ne nous appartenait pas, en tout cas pas à nous seuls, les médecins. Elle est aussi importante pour le malade. Une sorte de no man’s land nécessaire à un certain recul face à leurs souffrances. Un espace de protection permettant l’intégration des informations, souvent difficiles à entendre, à comprendre et a fortiori à intégrer.
Cet espace permet aussi une observation plus rigoureuse de tout ce qui se dit autrement que par les mots.
C’est donc un système, avec ses règles qui se trouve modifié par l’arrivée d’un nouvel acteur.
Dans la conversation entre les participants de la liste, nous faisions un parallèle avec les moments où nous nous penchions sur les pages du Vidal pour trouver les informations dont nous avions besoin. Est-ce que le patient ne se sentait pas là aussi en marge de notre attention ?

renforcer la compétence

Il semble pourtant que les patients soient plutôt rassurés par ce genre d’attitude. Ils ne sont pas dupes des imperfections de leur médecin. Il n’y a que le médecin lui-même qui croit trop souvent à son omnipotence.
Mais la présence d’un ordinateur est d’un tout autre ordre. Un peu plus haut je parlais de système et de nouvel acteur. En effet l’écran de l’ordinateur rajoute un nouvel espace. Rien à voir avec un livre. Il représente une fenêtre, ouverte sur un monde extérieur à celui du bureau.
Outre cet aspect, il attire l’œil du médecin qui alors parle…à la fenêtre.
Il est évident qu’il ne serait pas raisonnable de rejeter ce que peut apporter l’informatique dans la gestion des cabinets médicaux ou l’acquisition de nouveaux savoirs, mais il n’est pas non plus raisonnable que le soignant s’abrite derrière pour effacer la personne en face de lui.
Il n’est pas évident que la gestion informatisée des dossiers médicaux soit une avancée pour les patients. A moins que l’on accepte de la faire…en dehors de la consultation.
Le cadre et les exigences particulières de la relation soignant-soigné n’acceptent pas l’intrusion de « distractions ». Et nous en revenons alors au temps, un temps privilégié où, idéalement, le seul interlocuteur ne peut être que le malade.
Regarder un écran, mobiliser notre attention pour ne pas faire de fautes de frappe, gribouiller de petits dessins…autant de rupture dans l’attention et donc de risques majeurs d’erreurs de diagnostic ou de prescriptions. Mais plus encore de risques de frustrations de la part des malades…patients mais jusqu’à quand ?

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :«Ordinateur ou ordonnateur ? Funèbre question.»
Mon pompiste


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________

Lire La LEM 506 Le dû du don François-Marie Michaut

Lire La LEM 505
Qualité des soins hospitaliers Gabriel Nahmani

Lire La LEM 504 Dé...formation médicale Françoise Dencuff