Informer…du latin informare : façonner, former une idée dans l’esprit… ce n’est qu’au XIVème que ce mot prend le sens de mettre au courant. Le sens premier ne reviendrait-il pas à la mode ?
C’est en regardant Envoyé Spécial le 17 juillet dernier que me sont venues ces quelques réflexions (1).
Notre métier de médecin exige de plus en plus des informations claires. Qu’il s’agisse des informations que nous délivrent les industries pharmaceutiques, les fabricants d’appareillage ou celles que nous donnons à nos patients.
Le mot à la mode : transparence est-il vraiment judicieusement employé ? Et l’éthique respectée ? Le façonnage des esprits appartient-il au passé ?
Il est évident que la confiance est essentielle pour recevoir une information. Mais cette confiance est souvent trahie. Parler d’une information transparente suggère que celle-ci n’a… aucune consistance. Or c’est justement l’inverse qui est recherché. Les mots dont usent et abusent les tenants du politiquement correct finissent par troubler notre compréhension.
Et c’est dans la confiance que nous avons dans l’émetteur que l’information prend sa « chair ». C’est elle qui va nous permettre d’intégrer le contenu de ce qui nous est dit.
Comment être en confiance avec quelqu’un que nous rencontrons pour la première fois. A fortiori lorsqu’il s’agit d’informations virtuelles ?
Vous remarquerez qu’il est question d’Être en confiance et non pas d’Avoir confiance. Simple question de sémantique ? Pas du tout. Avoir suppose que vous cherchiez à prendre quelque chose qui appartient à l’autre. Avoir confiance revient à prendre la confiance que l’autre a dans ce qu’il vous dit. Être en confiance vous replace dans vos propres sensations. Qu’est ce que je ressens face à l’autre, aux infos qu’il veut me donner. Qu’est-ce que j’entends, je vois ? Autant de façons de repérer les mensonges, contradictions et autres manipulations.
La confiance se doit d’être accordée de prime abord et ce sont les incohérences verbales et non verbales qui nous alertent. Si nous prenons comme exemple la façon dont le diagnostic d’un cancer est abordé, le patient sera sensible non seulement à l’information elle-même, souvent niée dans un premier temps, mais surtout aux mots employés et à l’attitude du médecin. Inconsciemment celui-ci peut laisser passer ses doutes et ses peurs qui envahiront instantanément l’esprit du malade et mettront en jeu la confiance et donc la compétence qu’il est censé donner au praticien. La brutalité avec laquelle un certain nombre d’entre nous se débarrasse des résultats d’examen « douloureux » pour le patient sont à la fois une certaine façon de se protéger de nos propres peurs mais aussi des réactions émotionnelles du patient. Mais nous oublions alors la dimension « façonner » ce qui aura souvent pour résultat de rendre le patient lui-même agressif à notre égard. La confiance ne sera pas au rendez-vous, tout au plus la peur : peur d’être mal soigné, négligé, peur de nos incompétences en matière de soins. Bref la relation duelle si précieuse pour les soins tournera autour de la peur et non de la confiance.
La première attitude consiste à faire la différence entre le contenu de l’information délivrée et la personne qui nous la donne. Ce qui nous est utile est uniquement la qualité de l’info. Que la personne nous plaise ou pas… Souvenez-vous comme nous réussissions beaucoup mieux à l’école quand le prof (ou la) était gentil. C’est une attitude particulièrement néfaste dans les milieux professionnels que d’attendre de l’autre reconnaissance, gentillesse. Nous pouvons exiger le respect mais l’affect n’a rien à voir dans ce type de relation. Tout le monde il est pas beau ni gentil. Et les Georges Clooney ne sont pas légion.
Ensuite il sera question de la forme donnée à cette information. L’exigence du toujours tout dire, médiatisée à outrance, manque singulièrement de respect par rapport à ce que peut ou veut entendre le patient. Un de mes confrères, particulièrement habile dans ce genre d’exercice vient régulièrement me voir exaspéré parce que « ses » patients n’ont pas entendu quand il leur a dit qu’il ne pouvait rien faire de plus et que de toute façon la partie était presque finie. Et je lui répète alors que c’est le patient qui décide quand et comment il sera à même d’intégrer le fait qu’il va mourir. Aucun mot, aucune « transparence » informationnelle n’y changera rien. Juste un peu de patience…
Enfin pour recevoir une information il nous faut accepter de… ne pas savoir. En effet si nous gardons le contrôle sur l’information, celle-ci vient heurter nos propres idées. Le rejet est alors immédiat. L’internet médical n’a qu’un défaut, il donne l’illusion à tout un chacun de tout avoir compris de sa pathologie et surtout des traitements à appliquer. Certains de nos confrères ont certainement gagné beaucoup d’argent et de reconnaissance des patients mais ils ont singulièrement compliqué la tâche de ceux qui mettent les mains dans le cambouis.
Toute vérité n’est pas bonne à dire ! Le dicton de nos anciens est toujours d’actualité surtout lorsque, comme dans le reportage sur les voyages chamaniques, les journalistes ne font qu’effleurer le sujet sans réaliser une véritable enquête, notamment sur ce qui se passe au retour. Et là ,il est question de l’éthique de nos professions. Nous entendons beaucoup trop parler de bioéthique.
Tout le monde peut se poser des questions sur le clonage, les mères porteuses, le devenir des embryons congelés…
Mais tout le monde se doit de réfléchir à l’impact du mot qu’il prononce pour que nos paroles ne se transforment pas en serpents et en crapauds (2).
Notes :
(1) Le même reportage télévisé a fait l’objet sur ce site de la LEM 559 parue la semaine dernière, avec un abord tout différent : Tourisme hallucinogène de Nicole Bétrencourt http://www.exmed.org/archives08/circu559.html ( NDLR )
(2) Les Fées, Contes de ma Mère L’Oye, Charles de Perrault, Folio Classique
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