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xxxSavoir communiquer est devenu une sorte de qualité indispensable à tous ceux qui sont investis d’un pouvoir, du plus modeste au plus prestigieux. Prenons un instant pour nous pencher sur quelques aspects de la relation éventuelle entre la communication et le monde des soins de santé. Et, plus particulièrement encore, celui de la médecine.
xxxCommuniquer est un verbe très fort, son origine latine le dit clairement : communicare, rendre commun ( communis). C’est à dire partager, transmettre aux autres ce qu’on a avec ou en soi. Le cousinage verbal avec la communion de la chrétienté en souligne encore l’importance. Et une odeur discrète de transcendance religieuse.
Revenons à la médecine. Les théoriciens de la communication de l’école de Palo Alto aux États-Unis dans les années 1970 (1) nous ont beaucoup appris, en partant notamment des approches de la cybernétique. Deux notions simples méritent notre attention. Pardon de ce rappel pour ceux qui sont familiarisés avec l’analyse systémique.
xxxD’abord, dès que nous sommes en interaction avec d’autres personnes, il n’y a jamais de passage d’une information en sens unique d’un émetteur vers un récepteur. Voilà qui suggère la relation traditionnelle de celui qui sait ( le professeur ou le maître ) vers celui qui ne sait pas ( l’étudiant ou l’ignorant ). Si l’on se donne la peine d’observer, à toute action dans un sens correspond une rétroaction en sens inverse. Dans le vivant, et en particulier le domaine biologique, aucun message ne peut être transmis uniquement d’un point A vers un point B. En retour, le point B renvoie obligatoirement une information au point A.
xxxLa deuxième notion mise en valeur par les chercheurs du groupe de Palo Alto, les pionniers de l’approche systémique dans le fonctionnement mental, est qu’on ne peut pas ne pas communiquer. Même le mutisme le plus total, la passivité la plus massive ont un sens. Le seul problème est d’en décrypter la présence et surtout la fonction.
xxxSans aller plus loin dans ces notions théoriques (2), il devient évident qu’on entre sur un territoire dans lequel les choses ne sont ni simples ni univoques. Adieu les certitudes naïves de celui qui pense détenir un savoir, et pouvoir en faire facilement bénéficier les autres. Nous sommes à l’opposé de toutes les recettes du genre : devenir un parfait communiquant en dix leçons.
Alors quand on voit fleurir un peu partout des gens qui promettent, au moyen de formations qu’ils assurent et dont ils vivent, d’apprendre aux uns et aux autres la bonne communication, notre esprit critique doit être en éveil. Pas plus que l’enseignement de ce qui se nomme la pédagogie n’a jamais été capable de transformer de médiocres enseignants en professeurs sachant entraîner avec enthousiasme leurs élèves dans les jardins de leurs disciplines, une formation en communication ne peut pas modifier les capacités d’entrer en contact avec les autres.
xxxTout juste peut-on aider à lever quelques inhibitions névrotiques chez certains professionnels. Quand, de plus, des références à des notions à la mode au contenu à géométrie variable comme le coaching ou le développement personnel sont mises en avant, la plus grande méfiance devrait être de rigueur chez les décideurs.
Notre ami Mathieu Cossu, dans son site consacré aux dérives sectaires http://www.prevensectes.com insiste depuis des années sur le fait que le domaine de la formation, comme celui de la santé, est une cible préférentielle pour le recrutement des sectes.
xxxHélas, il a été tellement dit sur tous les tons que la formation était dans tous les métiers une nécessité absolue pour nous adapter au monde de demain que notre esprit critique a été anesthésié. Pour le plus grand bénéfice des habiles parleurs et vendeurs de promesses invérifiables, prétendre apprendre les règles de la communication optimale est devenu un remarquable sésame.
xxxQu’il soit indispensable de se poser des questions sur la qualité des relations humaines quand on est dans le domaine des soins n’est plus une idée neuve. Certes les tenants de la science pour la science, de la technique pour la technique, de l’administration pour l’administration et même de l’argent pour l’argent existent toujours, et continueront d’exister.
Mais, oser enfin valoriser la dimension humaine peut aussi devenir un objectif pour nos professions. Ne plus tout miser sur les promesses des technosciences pour régler tous nos problèmes de santé présents et futurs serait déjà un pas significatif.
cccPermettre aux étudiants, comme aux professionnels en exercice, de consacrer une partie de leur temps pour chercher et découvrir pourquoi et comment améliorer leur compétence personnelle dans et par leurs relations avec les autres, malades ou collègues de travail, irait dans le bon sens. Certes, il est inhabituel de ne pas vouloir encadrer de façon uniforme telle ou telle formation ( tant on craint des abus éventuels ), mais on entre là dans le domaine du non systématisable, du non standardisable. En couture, on parlerait de sur-mesure au lieu de confection industrielle. Dans les métiers manuels, ce serait le savoir faire artisanal face aux produits industriels finis.
cccEt si, paradoxalement, la crise économique actuelle nous conduisait enfin à reconsidérer dans tous les domaines d’activités nos vraies priorités pour l’avenir : cesser de nous couper de tous nos liens humains ?
Références :
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/École_de_Palo-Alto
(2) Pour aller plus loin dans l’abord théorique de la question , et ses relations directes avec la médecine générale, le lecteur peut consulter les deux documents
http://www.exmed.org/pages/dqs8.html
http://www.exmed.org/pages/dqs7.html
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