xxxLa pertinence, pour ne pas dire la qualité, d’une consultation médicale ne dépend pas uniquement de la compétence technoscientifique du praticien, ni même de son habileté dans le domaine de la communication.
Le soignant, car tout est qui est dit ici, titre compris, ne concerne pas seulement les médecins mais aussi tous les professionnels des soins qu’ils soient psychologues, infirmiers ou membres d’autres professions paramédicales, n’est jamais enfermé dans un rôle de one-man show.
Nous sommes toujours au moins deux dans ce type de rencontre.
xxxCertes, dans la tradition populaire, le docteur, son nom le dit, c’est celui qui sait, celui qu’on surnomme avec un amical respect : la Faculté.
Et comme il a longtemps été le seul à pouvoir pénétrer dans l’intimité des corps vivants et morts, et accéder aux arcanes des esprits malades, son auréole d’homme ( ou de femme) de confiance demeure vivace dans nos esprits.
La propagation fulgurante, depuis le début du XXème siècle, de connaissances médicales de plus en plus précises au sein de populations au bagage scolaire en expansion a peu à peu changé la donne. La foi du charbonnier, gobant sans le moindre esprit critique tout ce qui émane des blouses blanches est en voie de disparition. La confiance ne veut plus être aveugle mais éclairée. Qu’il existe des déviations, des excès, des abus, des incompétences, des appétits financiers ou idéologiques dans l’information de masse livrée au public ne change rien à l’affaire : la confiance, plus que jamais nécessaire pour bien soigner, ne peut plus reposer sur de simples arguments d’autorité.
xxxCe n’est pas auprès de nos lecteurs habituels qu’il faut insister sur l’importance que l’internet a prise dans la diffusion des connaissances, aussi bien sérieuses que fantaisistes ou franchement charlatanesques. La Toile, on en parle souvent sur ce site, est devenue le tiers inévitable de la relation duelle classique patient-soignant. Cette configuration triangulaire, qui ailleurs a fait les beaux jours du théâtre comique, n’est pas sans poser des problèmes difficiles dans la rencontre médicale.
En effet, la tentation devient grande, pour le malade qui s’est informé plus ou moins bien par lui-même ( ou, de façon encore plus délicate par un de ses proches souvent éloigné du monde médical ) de se forger son propre diagnostic, et de vouloir l’imposer au médecin, avec les traitements dont il a entendu parler.
Les médecins apprennent - à leurs dépens - qu’ils sont eux-mêmes incapables de se soigner. Dans ce cas, nous tombons dans les plus grossières erreurs, et, hélas pour eux, il en est souvent ainsi quand nous avons à nous occuper de la santé de nos proches.
Il ne peut pas y avoir de médecins amateurs, tout simplement, n’en déplaise aux promoteurs zélés de l’automédication et aux boulimiques friands de tout ce qui touche le domaine de la santé.
xxxVotre médecin, pour vous soigner au mieux, doit pouvoir conserver sa liberté. Si vous cherchez à le manipuler, voir même à le piéger, pour cautionner l’idée que vous vous faites de votre situation médicale, comprenez bien que c’est contre vous que vous agissez ainsi. Car son expérience lui permet très vite de comprendre que vous engagez ainsi avec lui une sorte de bras de fer, et il va perdre un temps fou à se sortir du piège que vous lui avez tendu.
On ne le dit pas assez, mais il existe aussi une compétence extrêmement utile aux soins de qualité de la part des malades. Le premier point est de faire l’effort de se débarrasser des informations qui ont été glanées de ci de là. La seule chose importante pour le médecin, c’est ce que vous ressentez vous, raconté à votre façon, et surtout sans chercher à mettre des mots savants dessus. Sans chercher à imposer quoi que ce soit, car cela ne peut que se retourner contre vous. Les praticiens ont tout simplement horreur de ceux qui jouent aux petits docteurs. La relation de soins, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise est, par nature même, fortement inégalitaire. Le malade ne peut et ne doit pas plus se mettre à la place du médecin que le médecin à la place du malade. Et si cette asymétrie semble quelque peu choquante à votre esprit démocratique, consolez-vous en vous disant que chaque médecin, tôt ou tard, est contraint de passer à son tour dans la position du malade.
Renforcer notre compétence d’utilisateur intelligent des soins de santé passe par une attitude simple. Cesser de penser que plus on consomme de biens et de services médicaux, mieux on se porte. Ce qui est absolument faux. La survenue si fréquente de maladies iatrogènes en est un témoin préoccupant. A l’opposé, il s’agit de remettre le médecin dans sa vraie position : pas celle du fournisseur de prestations, juste celle du clinicien. C’est à dire de celui qui utilise comme principal outil diagnostique et thérapeutique ce qu’il observe par lui-même.
Les prétendus miracles de la médecine, et tous les progrès techniques dont on parle, ne changent strictement rien à cette donnée fondamentale : dès que votre médecin s’éloigne de la clinique, il devient dangereux pour vous. Cela vaut bien un petit effort, vous ne trouvez pas ? Et, même pas besoin d’être altruiste pour cela, bien égoïstement, c’est la meilleure stratégie possible pour être bien soigné.
Une fois que votre, notre, médecin a fait son travail de clinicien en toute liberté, le temps est venu de retrouver son indispensable esprit critique et de lui dire utilement, au fil des différentes rencontres, tout ce que nous avons sur le coeur et dans la tête.
NDLR : Cette lettre illustre l’article 13 de notre
CHARTE D'HIPPOCRATE . Lien
-- 13°) Je prendrai le temps et la peine d’écouter les malades et les familles, leurs demandes, de m’assurer de leur compréhension et d’utiliser la communication et le dialogue tout au long de la démarche de soin.
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