xxxVolontairement provocateur, ce titre vient reprendre la grande accusation des opposants à la Loi Bachelot de modernisation du système de santé : la santé n’est pas une marchandise comme les autres ! On y entend la crainte d’une application de la logique d’entreprise au financement de l’hôpital public, en particulier, et du monde des soins en général.
Un petit rappel ne semble pas inutile : qu’est-ce qu’une entreprise ?
xxxL’entreprise est un agent économique qui a diverses fonctions et objectifs : produire (des biens ou des services), vendre ses produits en répondant aux besoins des consommateurs, réaliser des profits (et donc produire au moindre coût).
L’entreprise est aussi un groupe humain organisé et hiérarchisé. Enfin l’entreprise dispose de trois moyens pour « produire » : les moyens humains, les moyens techniques et les moyens financiers.
Alors la santé est-elle une entreprise ? Autrement dit la santé est-elle susceptible de produire, de vendre et de réaliser des profits ?
Encore une fois cette simple question met en évidence le paradoxe fondamental et l’hypocrisie ambiante. La santé ne peut pas être une entreprise, par contre la maladie … oui !
Démonstration : la maladie produit des soins, les vend, et en tire profit. Elle dispose de moyens humains, techniques et financiers. Donc les soi-disant entreprises de santé sont, en fait, des entreprises de maladie.
xxxMais direz-vous, la maladie ne fait pas de profits puisque notre bonne mère Sécu, et de nombreux hôpitaux et cliniques, sont en déficit. Encore un paradoxe : la maladie génère des profits exorbitants mais l’assurance maladie croule sous les dettes.
Nos « grands administrateurs » pourtant tirent, eux aussi, bénéfice de l’entreprise maladie. Il suffit de compter le nombre de personnels des différentes branches de l’assurance maladie (1) pour en être convaincus. Sans parler des profits des assurances complémentaires qui jouent sur la peur et l’avidité.
Alors pourquoi ce discours permanent sur le déficit, pourquoi le refus des soignants d’être assimilés à des « moyens humains » ?
Tout simplement parce que la formation des soignants se base sur l’ambiguïté. Si nous mettons de côté les personnels qui ne pensent qu’à remplir leurs portefeuilles d’action, la plupart d’entre nous sommes persuadés que nous sommes là en chevaliers blancs de la santé. A nous les honneurs de « sauver des vies » et tout ce qui se met en travers de notre charge-sabre-au-clair est instantanément perçu comme l’ennemi.
Mais depuis le début de nos études, nous sommes avalés par le monde de la maladie et ses bénéfices astronomiques. Nous sommes formés, formatés à lutter contre la maladie, pas à entretenir la santé. Pas intéressant la santé, pas de gloire, pas de profits.
xxxDepuis quelques années les patients sont, eux aussi, entrés dans le cercle de l’entreprise maladie. Ils ont revendiqué, par l’intermédiaire de leurs associations, le titre de clients, d’usagers. Et eux aussi se sont laissés piéger par l’idée qu’ils étaient des usagers de la santé.
Voilà l’entreprise au complet. Alors pourquoi prendre des airs de béguines au sortir du confessionnal lorsqu’une loi, parfaitement manipulatrice au demeurant, met en avant les exigences de rentabilité. Nous avons voulu rester dans notre petit monde d’illusions et de pouvoir.
La chute est brutale, sera-t-elle enfin salutaire ? Oserons-nous enfin reprendre la santé des PATIENTS en main, refuser les diktats administratifs, les pressions des actionnaires (État compris), les violences des clients, les magouilles de Big Pharma ?
Oserons-nous enfin nous réapproprier la prévention sans attendre que les politiques, si soucieux du bien être de leurs électeurs, nous soufflent un texte qu’ils ne savent pas lire ?
Oserons-nous cesser nos petites guerres de territoire, mettre le Conseil de l’Ordre devant ses responsabilités, refuser l’ingérence des « entreprises du médicament » (compléments obligatoires de l’entreprise maladie) ?
Oserons-nous défendre plus largement que notre seule médecine les autres moyens humains utiles à la santé, exiger pour eux des traitements décents, des embauches suffisantes ?
Et vous, clients-usagers, quand donc prendrez-vous en main votre santé et nous reconnaîtrez comme vos alliés indispensables ?
Il est grand temps de sortir enfin de l’hypocrisie. Nous voulons être acteurs de la santé ? Fort bien. Alors écrivons ensemble le script de notre futur, ne laissons personne, sous quelque prétexte que ce soit, nous l’imposer.
(1) NDLR :
En 2001, Stratégies Magazine n°1193 avance le chiffre de 101 957 salariés de l'Assurance maladie.
En 2006, selon Santé Magazine, on comptait en France 61 200 médecins généralistes, et 54 100 spécialistes.
NDLR : Cette lettre illustre l’article 1 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 1°) Mon objectif prioritaire sera de rétablir et de préserver la santé physique et psychique des hommes sur le plan individuel et collectif .
Cet objectif prendra en compte le contexte de l’environnement professionnel tout en respectant celui du patient, et du vivant dans son ensemble.
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