Tout corps longtemps plongé dans un bain de lexique
Reçoit une poussée de mots physiologiques.
Toute l'anatomie en bizarres expressions,
Vient se réciter là en longue floraison :
Quand mon corps est trop las, il n'en fait qu'à sa tête,
Mais moi, je fais la tête où trop fort il m'embête.
Tôt levé du pied gauche, il me sort par les yeux,
Et je traîne la jambe en me sentant bien vieux.
J'ai bu un tord-boyaux donnant la gueule en bois :
Avoir la dalle en pente est mauvais pour le foie …
Je me fais de la bile, estomac talonné,
Le cœur au bord des lèvres et un coup dans le nez.
Car trop lever le coude, aviné, le nez bas,
Donne si mal au cœur que j'ai les membres las.
Je bois comme une éponge, imbibé jusqu'au cou,
Et mes yeux ne sont plus en face de leurs trous …
Ces verres dans le nez, me mettent à quatre pattes.
Mon haleine est de bouc, je marche en cul-de-jatte.
Je suis de mauvais poil, je vais tourner de l'œil,
L'alcool suce ma moelle et m'emmène au cercueil.
Je marche sur la tête, aussi bête qu'un pied,
Et je me mords les doigts d'être dans ce bourbier.
D'ailleurs, un doigt de vin, sans avoir la main lourde
On s'en lèche les doigts, faisant l'oreille sourde.
C'est donc l'oreille basse, à genou, cul béni,
Que je vois combien boire est un péché puni…
Qu'on fasse les doux yeux ou bien un doigt de cour,
Fait une belle jambe à ceux qui restent sourds.
Faire un peu de genou, du pied, ou bien de l'œil,
Avoir la main légère, osent parfois l'écueil !
Qu'on se paye leur tête ou qu'on leur rie au nez,
Il faut tendre l'oreille pour les ouïr protester.
N'allez pas de main morte, et ne perdez la main ;
Je mets ma main au feu que leurs cœurs n'auront rien.
Je me fais des cheveux, tout plein de mauvais sang,
J'en ai gros sur le cœur, ce sera dent pour dent ;
Ou peut-être œil pour œil si on m'a dans le nez,
Restant bouche cousue , le coup de main donné.
Pour avoir la main verte, il faut un tour de main,
Pour se faire la main sans trop de mal crânien…
Mettre main à la pâte, avoir tout bien en main
Avoir le nez bien creux, botter l'arrière-train,
Ne pas baisser les bras, ne pas perdre la main,
Et à l'huile de coude aller jusqu'à plus faim ...
Si tous les bras cassés ne sont pas des manchots,
Beaucoup de bras croisés me font froid dans le dos.
Si tous les bras armés faisaient du corps à corps,
On aurait des corps-morts au fond de chaque port.
Avoir un pied-à-terre avec les pieds dans l'eau,
Nous fait toucher du doigt l'étrangeté des mots.
C'est en tendant l'oreille qu'on va du mauvais bord …
Même avec le nez fin on a parfois bien tort.
Avoir le doigt dans l'œil à chacun il arrive
Chaque tête de pipe est bien souvent rétive.
J'ai le cœur sur la main, pas la main sur le cœur ;
Haut-le-cœur, hauts-les mains, n'ont pas même hauteur.
J'ai un chat dans la gorge et de poule la chair ;
Les années ont bon dos comme excuse légère.
La poisse est dans ma peau, je suis sourd comme pot ;
Donc… je tire la langue et j'en ai plein le dos.
Sur mes vieilles épaules appuie le poids des ans,
J'ai la peau sur les os à vous glacer le sang.
Chauve comme un genou, je fais front, je me bats,
Fais des pieds et des mains marchant cahin-caha.
Mon petit doigt me dit d'attaquer du bon pied ;
Ne pas courber le front ni le genou plier ;
Valet de pied ne suis, donc je leur ris au nez,
Leur fais un pied de nez sans la main leur donner !
Adroit de la main gauche et gauche de la droite,
Je n'ai plus la main leste ou plutôt les mains moites.
Et si mes coups de cœur, viennent bien de la tête,
Ne suis l'homme de main qui joue les trouble-fêtes.
Si je saute pieds joints ou tête la première,
Ce n'est pas synonyme en vue du cimetière !
Cette litanie longue, il vaut mieux que j'arrête,
Quand de la tête aux pieds, tout organe s'y prête ;
Le corps est un royaume où chaque pouce est roi,
Et trop s'y attarder ferait toucher du doigt,
Combien l'anatomie au langage fait loi,
Et par le bout du nez, nous mène malgré soi.
Je vous casse les pieds, alors je me tiens coi.
Et pour la bonne bouche, argue l'ultime fois …
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