Sur le modèle de ce qui se passe dans le domaine des découvertes pharmaceutiques, la productivité d'innovations vraies dans le domaine de toutes les sciences est en train de s'effondrer sous nos yeux. Les professionnels de la recherche, les pauvres, font tout ce qu'ils peuvent pour dissimuler cet état de fait. Une telle attitude de protection de son pré carré, qui peut faire un instant illusion auprès des médias, est bien compréhensible. Mais l'essoufflement de l'inventivité des esprits scientifiques pose un vrai problème pour notre avenir humain.
Laissons de côté certaines attitudes, plus émotives que fondées sur des faits démontrés, systématiquement opposées à la science. Il en a toujours existé dans nos sociétés, comme s'il y avait, pour certains, une attirance irrésistible vers des mondes autres que celui que nous croyons connaître par les yeux de la science. Tentation obscurantiste de la pensée magique diraient quelques uns, avec un haussement d'épaule libérateur.
Qu'est-ce qui cloche en ce moment dans notre science omniprésente, toute auréolée d'un prestige écrasant, amplifié par les techniques envahissantes qui y plongent leurs racines ?
Un biologiste britannique, de grand renom planétaire, ose mettre les pieds dans le plat. Rupert Sheldrake, qui est, excusez du peu, pionnier de l'étude du vieillissement cellulaire (l'apoptose) et l'auteur de la brillante théorie des champs morphogénétiques, propose un ouvrage particulièrement stimulant pour des esprits nourris au lait de la connaissance scientifique.
Avec un sens pratique tout britannique, l'ouvrage « Réenchanter la science »(1) dresse le constat suivant.
La science actuelle est en fait fondée sur un certain nombre de croyances, dont l'évidence est reconnue telle qu'il n'est nul besoin d'en vérifier la pertinence. Ceci, qui n'est jamais enseigné nulle part, mais dont nous sommes tous imbibés dès l'école, ressemble comme deux gouttes d'eau à une idéologie religieuse. Même si elle se garde comme de la peste de parler de quelque dieu que ce soit !
Voici, juste pour aiguiser l'appétit de lecteurs qui ne rechignent pas à faire travailler leurs cellules grises, le credo en dix points (comme les tables de la Loi de Moïse) qu'il est urgent de questionner avec le plus grand soin.
Je les reprends, tels que l'auteur les écrit page 16 et 17:
1°) Tout est essentiellement mécanique. Les chiens, par exemple, sont d'avantage des machines complexes que des organismes vivants capables d'intentions. [...]
2°) La matière est inconsciente. Elle n'a ni vie intérieure, ni subjectivité, ni point de vue. La conscience humaine n'est elle-même qu'une illusion produite par l'activité physico-chimique du cerveau.
3°) La quantité totale de matière et d'énergie reste constante (à l'exception du Big Bang, quand toute la matière-énergie de l'Univers est apparue subitement).
4°) Les lois de la nature sont immuables. Elles sont aujourd'hui ce qu'elles étaient au commencement et seront ainsi à jamais.
5°) La nature n'a aucune intention, l'évolution n'a aucun but ni direction.
6°)Tout héritage biologique est matériel, porté par le bagage génétique, l'ADN et d'autres structures physico-chimiques.
7°) L'esprit est situé à l'intérieur de la tête, la conscience n'est que le résultat de l'activité cérébrale. [...]
8°) Les souvenirs sont stockés sous forme d'empreintes matérielles par le cerveau, et disparaissent, comme lessivés, au moment de la mort.
9°) Les phénomènes inexpliqués tels que la télépathie ne sont que des illusions.
10°) La médecine mécaniste moderne est la seule qui soit réellement efficace. Fin de citation.
Un dixième, et ultime, postulat qui ne peut laisser personne indifférent du côté de la médecine. C'est le procès, à charge comme à décharge, de l'idéologie matérialiste portée par la science que nous sommes conviés à ouvrir. Et pas seulement pour le plaisir (non négligeable) de l'intellect. En 1905, la France a décrété la séparation de l'Église et de l'État. En 2013 se pose logiquement la question de la séparation de la science matérialiste avec ses dogmes et de l'État.
Le débat public après la parution de ce livre, et sans fleuret moucheté, est déjà lancé dans les pays d'expression anglophone. Nos esprits nationaux dûment labellisés vont-ils avoir peur de discuter la pertinence scientifique de la table des commandements de la science ? La «laïcité» scientifique, un joli titre médiatique.
Hélas, le silence de la presse nationale autour de la proposition pleine d'espoir de Sheldrake de «Réenchanter la science» n'incite pas à l'optimisme.
Quoi qu'il en soit, lecteur, qu'il soit bien noté que, pour qui veut bien se donner la peine de chercher, des lieux d'expression et des espaces de liberté intellectuelle sont accessibles
Notes :
(1) Rupert Sheldrake , Réenchanter la science, éditions Albin Michel, août 2013, 388 pages, 437 références bibliographiques, 24 euros.
(2)
La confusion, volontiers entretenue, entre les inventions de la science et les innovations des techniques, de plus en plus spectaculaires, est aussi fréquente que trompeuse pour les non spécialistes.(NDA)