Rodrigue, as-tu du cœur ? demandait-on au Cid :
Du cœur, il en avait ! De grand cœur, l'intrépide !
En faisant de bon cœur son devoir jusqu'au bout,
C'était du cœur au ventre ! Et pas de ventre mou !
De ce genre de cœur, l'époque n'en fait plus
Pour le cœur à l'ouvrage, on est souvent déçu.
Tout cochon a au cœur un homme qui sommeille,
Nous disent nos bons psys, prodigues en conseils.
D'autres disent l'inverse et la main sur le cœur,
Se frappent alors le cœur en moralisateurs.
En avoir le cœur net, c'est pour les philosophes
Qui ont toujours à cœur le blâme ou l'apostrophe.
La mémoire du cœur est la reconnaissance
Et donc l'ingratitude en est la déficience.
Le cœur a ses raisons que la raison ignore :
Le cœur a-t-il raison quand il s'oppose au corps ?
Quand on vise le cœur, on frappe à côté
Et l'on manque sa cible en n'ayant rien touché.
Contre mauvaise chance, il nous faudrait bon cœur :
La chose est vite dite et engage l'auteur.
Si le cœur vous en dit essayez d'en sourire,
Si c'est à contre cœur, le résultat est pire…
La rancœur refoulée, sur le cœur se blottit :
Le cœur dément souvent ce que la bouche dit…
Si le cœur sur la main est chose bénéfique,
Le cœur sur autre part serait acrobatique.
Loin des yeux, loin du cœur est dicton pessimiste
Qui met la rage au cœur à nos idéalistes.
Pour la dette de cœur, richesse est insolvable :
Nous restant sur le cœur, elle nous fait coupable.
Os court :
« Le coeur découvre, la tête invente. »
Arthur Cravan, poète et boxeur britannique (1887-1918)