Le site Expression médicale (Exmed) a été fondé il y a dix neuf ans sur une triple prescription imaginée par mon ami Jacques Blais (1). La deuxième injonction, vraiment prémonitoire, n'est autre que : « Restaurons la conscience». Balayons la petite voix interne qui nous dit le bien et le mal, et tâchons de dépasser le constat mécanique de tout soignant devant un sujet conscient ou non.
Quand un travail de recherche clinique de plus de dix ans respecte toutes les règles des méthodes scientifiques, il est difficile pour un médecin de le négliger. Quand le sujet abordé concerne les états de conscience modifiés peu habituels chez des sujets sains et sans artifice pharmacologique, autrement dit un domaine renvoyé habituellement, non sans une certaine condescendance, à la parapsychologie, l'attention vigilante est stimulée. Chacun sait que toute connaissance scientifique évolue par ses marges, par ses insuffisances, par ses points qui demeurent incompréhensibles par ce que nous savions déjà.
L'existence du livre « Voyage aux confins de la conscience » de Sophie Dethiollaz et Claude-Charles Fourrier, publié en 2016 par Trédaniel, m'a été révélée par un lecteur fidèle d'Exmed que je remercie ici. Il s'agit de la publication d'une expérimentation rigoureuse qui a pris la forme de l'accompagnement d'un sujet (Nicolas Fraisse) présentant des capacités de conscience hors du commun, hors de toute pathologie mentale détectable.
Que le lecteur ne s'attende pas à un récit recherchant le sensationnel à tout prix. Nous ne sommes pas dans la science-fiction ni le spiritisme inspiré des soeurs Fox en 1847.C'est l'histoire d'un lent et minutieux cheminement commun dans le respect des procédures scientifiques, et avec la prudence d'interprétation qui s'impose devant des découvertes étonnantes (2).
Il est, à mon sens, indispensable de poursuivre jusqu'au bout la lecture de l'ouvrage, tant ses conséquences sont majeures pour notre façon de concevoir la réalité dans laquelle nous vivons. Autrement dit notre paradigme scientifique, pour reprendre le terme de Thomas-Samuel Kuhn (3).
Que la conscience, y compris dans ses états les moins usuels, devienne un objet de premier plan de la recherche scientifique est une perspective stimulante. Aussi intellectuellement «défrisant» celui puisse sembler à beaucoup d'esprits.
Que la réalité des manifestations étudiées rende caduque la croyance implicite des neurosciences ne peut laisser indifférent aucun individu doté d'esprit critique. Quelle est cette croyance « fondatrice» ? Que la conscience humaine est une fabrication purement matérielle de notre cerveau. Il n'existe en 2017 aucune preuve de la pertinence de cette opinion. Le pari implicite est que les neurosciences, à grands coups de technique et d'images finiront bien par démontrer un jour la justesse de leur postulat. On n'y est pas.
Si l'on accepte d'aller encore un peu plus loin, comme le font déjà certains physiciens fondamentalistes en France, on se heurte à la question de la nature physique de la conscience. Matière, affirment les neurosciences. Énergie soutiennent les autres.
Pour les non spécialistes, comme moi, ressort un malaise puissant. Celui de la schizophrénie dans laquelle nous vivons en ce moment. Tout le monde macroscopique des sciences continue de se conformer à l'espace temps défini par Einstein. L'infiniment petit ( le monde des atomes et des particules pour simplifier) est régi, lui, par les lois hermétiques de la physique quantique. Ce qui semble vrai à grande échelle devient faux à petite échelle, et réciproquement. Ce qu'on nomme la matière est plein de vide, et le vide lui-même est plein d'énergie. Paradoxe, quand tu nous tiens, on se sent pas bien.
Pour terminer de façon un peu moins grave, espérons que l'examen de conscience que nous venons de faire ici mérite que nous soyons pardonnés pour nos péchés - par ignorance - contre la connaissance.
Amen et bonne lecture.
Notes de l'auteur :
(1) Un peu plus sur Jacques Blais
(2) Sylvie Déthiollaz, docteure en biologie moléculalre, dirige l'Institut Suisse des Sciences Noétiques (Genève)
(3) À propos de Kuhn
Os court :
« Une seconde de conscience critique équivaut à une vie de travail aveugle. »
Mahamat Harroun ( écrivain architecte N'Djamena Tchad 1992)