Formation
économique 13
D'un
caducée à l'autre n°62
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Hippocrate
- Pour que la théorie économique utilise des catégories
dont la précision ne déborde pas son objet, il faut
qu'elle commence par définir son objet.
Exocrate
- La pensée économique reste tellement sous perfusion
idéologique qu'il faut d'abord, je crois, commencer par se
mettre d'accord sur ce qu'est une définition, faute de quoi
la prétendue définition de l'objet de l'économie
risque d'être un énoncé qui ne circonscrit pas
les limites du sous-ensemble économique de l'ensemble des
activités humaines. Ce préalable me semble d'autant
plus souhaitable qu'il faut continuer à respecter ce qu'il
nous enseigne pour parvenir à distinguer des catégories
précises tout au long du processus d'élaboration théorique
en économie aussi.
Hippocrate
- Je suis avant tout un praticien et un clinicien. Les jeux de miroir
des logiciens, du genre de la définition d'une définition,
ne sont pas ma tasse de thé.
Exocrate
- Se mettre d'accord sur ce qu'est un définition scientifiquement
exploitable n'est pas bien compliqué. Tu fais d'ailleurs
quotidiennement appel à des principes de ce genre dans l'exercice
de la partie scientifique de ton art. L'usage est d'appeler " définition
" plusieurs sortes d'énoncés. Parmi ces sortes, commençons
par éliminer la plus grosse part des énoncés
qui figurent dans les dictionnaires et les glossaires. Ils indiquent
des significations et non pas des définitions logiquement
bien établies. Il ne reste alors que deux sortes d'énoncés
qui constituent des définitions, c'est-à-dire des
délimitations d'ensembles dont on peut dire que tel objet
en fait ou n'en fait pas partie.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
Le
revenu du capital, nous savons, pour l'essentiel, ce qui le légitime
et comment il est régulé dans une économie
libre gérée pour ce qu'elle tend à être.
Mais le revenu du travail ? Nous n'avons aucun doute sur sa légitimité.
Mais comment se forme-t-il ? D'où vient la disparité
des rémunérations du travail ? Est-ce que la mécanique
des échanges marchands a pour effet imparable de privilégier
l'un des deux revenus, du capital et du travail, par rapport à
l'autre ? S'il y a privilège, en quoi consiste-t-il ? Sans
réponses techniquement correctes à ces questions,
nos appréciations sur les effets sociaux majeurs d'une économie
libre sont nécessairement beaucoup plus objectives que subjectives.
D'un
caducée à l'autre n°63
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut 7/7/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- N'est-ce pas en théorie des ensembles qu'on distingue deux
sortes de définitions ?
Exocrate
- C'est beau, la mémoire bien entraînée !
Hippocrate
- Entraînée mais sélective, comme toutes les
mémoires. Je n'arrive pas à me remettre en tête
les noms donnés à ces deux définitions.
Exocrate
- La définition en extension et la définition en compréhension.
Une
définition
en extension est une liste des éléments d'un ensemble.
L'inventaire anatomique des os de la main est une définition
en extension. Une définition en compréhension énonce
une propriété qui appartient exclusivement aux éléments
de l'ensemble défini. La propriété d'un os
humain d'être une vertèbre définit en compréhension
un ensemble. Ces deux définitions n'ont pas le même
statut. Seule une définition en compréhension garantit
une homogénéité logique de l'ensemble défini.
C'est, en économie, en partie pour cette raison et en partie
parce que des définitions en extension sont très souvent
impossibles à établir qu'il convient de faire surtout
usage de définitions en compréhension. Ce n'est pas
sans soulever de redoutables problèmes terminologiques.
Hippocrate
- Je veux bien le croire. De la définition de la définition
en compréhension, comment passes-tu à une définition
de l'économie ?
Exocrate
- Je me méfie des roueries de mon intellect quand il court
de droite et de gauche comme un chien flairant la piste. J'accumule
une à une les observations qui conduisent raisonnablement
à une vraie définition en compréhension de
l'économie.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.2.
Convenons d'appeler " rente totale " le revenu global de l'épargne
et " salaire total " le revenu global du travail.
Le
revenu global de l'épargne n'est pas composé que de
profit proprement dit. Mais n'entrons pas ici dans des détails
techniques qui ne changent rien d'essentiel à l'évolution
du revenu global du travail. Dans une économie bien réglée,
c'est le taux de profit sur capital qui commande les taux d'intérêt
dont certains déterminent une autre sorte de revenu global
de l'épargne que des profits. Même quand ce n'est pas
le cas, les taux d'intérêt ont la même caractéristique
que les taux de profit sur capital : leur hausse est toujours suivie,
tôt ou tard, d'une baisse. Sur longue et très longue
période, ils ne sont pas affectés par une tendance
à la hausse non plus qu'à la baisse.
Les
loyers, les fermages et d'autres sortes de redevances perçues
par des propriétaires sont des chiffres d'affaires d'où
il résulte, après déduction d'un certain nombre
de coûts, une marge de profit, positive quand les coûts
ne sont pas supérieurs au chiffre d'affaires. Les plus-values
sont des gains mais pas des revenus, comme les moins-values sont
des pertes mais pas des dépenses. Plus-values, moins-values,
successions, gains aux jeux font varier des patrimoines, parfois
dans des proportions considérables. La répartition
qui est susceptible de s'en trouver modifiée est celle des
patrimoines et non pas celle des revenus. Or ce que nous voulons
maintenant étudier est la répartition des revenus,
qui sont des flux, et non pas celle des patrimoines, qui sont des
stocks.
Bien
que le mot " rente " ait été employé en théorie
économique pour désigner ce qui est en fait, pour
son bénéficiaire, un chiffre d'affaires d'une sorte
particulière - celui que procure la propriété
de la terre agricole exploitée par un fermier -, utilisons-le
pour regrouper sous le nom de " rente totale " les revenus de l'épargne.
La rente totale a la même caractéristique que les profits
et les intérêts qui en sont les composants : sur longue
et très longue période, elle n'est pas affectée
par une tendance à la hausse ou à la baisse des taux
de profit et des taux d'intérêt.
De
son côté, le revenu global du travail n'est pas composé
que de salaire au sens étroit que nos mÏurs réglementaires
donnent à ce mot. Du point de vue qui est ici le nôtre,
toutes les sortes de rémunération du travail sont
des salaires.
D'un
caducée à l'autre n°64
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut 7/7/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- Quelles sont les observations qui, selon toi, conduisent à
une vraie définition de l'économie ?
Exocrate
- Une définition repose sur des conventions de vocabulaire.
La première que je soumets à ta sagacité consiste
à convenir de dire qu'est socialement naturel ce qui survient
par un enchaînement logique de pratiques sociales qu'il est
dans la nature de l'homme d'avoir. Y compris dans la nature de l'homme
médecin, bien sûr.
Hippocrate
- Je ne vois vraiment pas où tu veux en venir.
Exocrate
- Ma définition commence par : " l'économie est le
système socialement naturel " au lieu du plus lourd début
de phrase : " l'économie est le système constitué
par un enchaînement logique de pratiques sociales qu'il est
dans la nature de l'homme d'avoir ".
Hippocrate
- Tu veux, dans l'ensemble des pratiques sociales, identifier un
sous-ensemble de pratiques économiques. Les soins médicaux
font partie des pratiques sociales. Ne font-ils pas également
partie des pratiques économiques puisqu'ils sont le plus
souvent fournis à titre onéreux ?
Exocrate
- L'échange, contre paiement, ou le don de soins médicaux
font partie des pratiques économiques. Une conception de
l'économie qui admet que les soins médicaux sont eux-mêmes
des pratiques économiques ne procède pas d'une définition
en compréhension de l'économie. Si tu estimes que
l'économie indéfinie est ou peut devenir une menace
pour la santé et pour la médecine, alors tu ne restes
conséquent avec toi-même qu'en entrant dans les considérations
de ceux qui proposent une définition en compréhension
de l'économie. Si tu as besoin de tenir en respect des énarques,
il te faut cette arme.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail...
4.2.
Convenons d'appeler " rente totale " le revenu global de l'épargne
et " salaire total " le revenu global du travail.
Le
revenu global de l'épargne n'est pas composé que de
profit proprement dit. Mais n'entrons pas ici dans des détails
techniques qui ne changent rien d'essentiel à l'évolution
du revenu global du travail. Dans une économie bien réglée,
c'est le taux de profit sur capital qui commande les taux d'intérêt
dont certains déterminent une autre sorte de revenu global
de l'épargne que des profits. Même quand ce n'est pas
le cas, les taux d'intérêt ont la même caractéristique
que les taux de profit sur capital : leur hausse est toujours suivie,
tôt ou tard, d'une baisse. Sur longue et très longue
période, ils ne sont pas affectés par une tendance
à la hausse non plus qu'à la baisse.
Les
loyers, les fermages et d'autres sortes de redevances perçues
par des particuliers en leur qualité de propriétaire
sont des chiffres d'affaires d'où il résulte, après
déduction d'un certain nombre de coûts, une marge de
profit, positive quand les coûts ne sont pas supérieurs
au chiffre d'affaires. Les plus-values sont des gains mais pas des
revenus, comme les moins-values sont des pertes mais pas des dépenses.
Plus-values, moins-values, successions, gains aux jeux font varier
des patrimoines, parfois dans des proportions considérables.
La répartition qui est susceptible de s'en trouver modifiée
est celle des patrimoines et non pas celle des revenus. Or ce que
nous voulons maintenant étudier est la répartition
des revenus, qui sont des flux, et non pas celle des patrimoines,
qui sont des stocks.
Bien
que le mot " rente " ait été employé en théorie
économique pour désigner ce qui est en fait, pour
son bénéficiaire, un chiffre d'affaires d'une sorte
particulière - celui que procure la propriété
de la terre agricole exploitée par un fermier -, utilisons-le
pour regrouper sous le nom de " rente totale " les revenus de l'épargne.
La rente totale a la même caractéristique que les profits
et les intérêts qui en sont les composants : sur longue
et très longue période, elle n'est pas affectée
par une tendance à la hausse ou à la baisse des taux
de profit sur capital et des taux d'intérêt.
De
son côté, le revenu global du travail n'est pas composé
que de salaire au sens étroit que nos mÏurs réglementaires
donnent à ce mot. Du point de vue qui est ici le nôtre,
toutes les sortes de rémunération du travail sont
des salaires. Pour exemple, un pourboire est un élément
de salaire. Qu'il en ait conscience ou non, un médecin libéral
s'attribue un salaire sur le montant des honoraires encaissés
par son cabinet.
D'un
caducée à l'autre n°65
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- Quelles sont donc à tes yeux les pratiques strictement
économiques ?
Exocrate
- Il y a trois pratiques sociales auxquelles il paraît logiquement
viable et politiquement sain de réduire le champ de l'économie
proprement dite. Toutes trois comportent l'usage de l'argent.
Hippocrate
- Pour le sens commun, l'économie est avant tout ce qui a
trait à l'argent. Dès qu'il est question d'amour (non
tarifé), de santé, d'art, de spiritualité,
cela ne fait pas plus partie de ce que le même sens commun
appelle spontanément l'économie, me semble-t-il.
Exocrate
- Sur ce point, le sens commun est plus clairvoyant que les économistes
qui, dans leur écrasante majorité, paraissent craindre
de rapetisser l'économique à des considérations
d'intendance. L'une des pratiques sociales dont tout le monde s'accorde
à considérer qu'elle est économique, c'est
celle de l'échange marchand. La convention qui fait qualifier
de marchand un échange est : l'un des termes de l'échange
est un service rendu et l'autre une quantité d'argent ou
un autre service rendu.
Hippocrate
- Quand j'achète du pain chez le boulanger ou de l'essence
chez le pompiste, c'est pour le service que ces objets me rendent.
C'est vrai aussi que quand un patient vient me consulter, c'est
pour que je lui fournisse un service - en réalité
un panier de services.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.3.
Le revenu global (R) est, par définition, égal à
la somme de la rente totale (r) et du salaire total (s).
La
loi économique qui régit la répartition du
revenu global est beaucoup plus facile à expliquer en ayant
recours à quelques notations et déductions algébriques,
avec le danger que cela représente : prendre un effet pour
une cause et réciproquement. Puisqu'il n'y a de revenu proprement
dit que de l'épargne placée ou par du travail fourni
contre rémunération, c'est par définition que
le revenu global (R) est égal à la somme de la rente
totale (r) et du salaire total (s).
Puisque
R = r + s, dois-je déduire que r = R - s en voulant dire
: la rente totale (r) est ce qui reste du revenu global après
répartition entre les travailleurs du salaire total (s) ?
Ou bien dois-je, au contraire, déduire que s = R - r en voulant
dire : le salaire total (s) est ce qui reste du revenu global après
répartition entre les rentiers en tant que tels de la rente
totale (r) ?
Voyons
bien que, comme nous le constations presque à vue d'Ïil depuis
plusieurs générations, le revenu (R) est susceptible
de croître. Plaçons-nous dans l'hypothèse de
cette croissance. Est-ce que la hausse du revenu global (R) entraîne
mécaniquement une hausse de la rente totale (r) ? Non. L'assiette,
pour ainsi dire, de la rente totale (r) est d'une part un total
d'épargne placée (E) et d'autre part un taux moyen
de rentabilité (de rendement, de rapport) de cette épargne.
La croissance du revenu global (R) n'implique pas nécessairement
une croissance de même proportion de l'épargne placée
(E), non plus qu'une élévation du taux moyen de rentabilité.
Il peut même y avoir stabilité de (E) et baisse du
taux moyen de rentabilité de l'épargne placée
avec une croissance de (R) pourvu que s'élève assez
vivement la productivité de (E), c'est-à-dire sa capacité
à produire des marchandises composées.
L'évolution
de la rente totale (r) étant, de période en période,
indépendante de l'évolution du revenu global (R),
c'est au salaire total (s) que revient la part de (R) qui n'est
pas absorbée par la rente totale (r). C'est pourquoi nous
constatons sur longue période une augmentation des salaires
réels plus importante que celle non seulement de la rente
totale (r) mais aussi que le revenu global (R). De l'équation
R = r + s, il faut déduire non pas que r = R - s mais que
s = R - r.
Sautons
à la conclusion la plus importante, à charge de revenir
sur la démonstration qu'il est prudent et souvent nécessaire
de reprendre de plusieurs façons pour tenter de la prendre
en défaut. Le cours naturel d'une économie libre n'est
pas le maximum de rente totale, non plus que le maximum de profit,
sous contrainte d'un salaire total minimal pour assurer la paix
sociale. C'est très exactement l'inverse : le maximum de
salaire total (s) sous contrainte d'une rente totale suffisante
pour assurer le rétablissement ou le maintien du plein-emploi
ainsi que l'augmentation du salaire total (s) plus rapide que celle
du revenu global (R). Mais il est tout aussi vrai qu'il ne faut
pas injecter cette dernière vérité dans la
mentalité collective pour maintenir l'enfermement dans une
culture du conflit social.
D'un
caducée à l'autre n°66 27/7/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- Ce que nous allons admettre de l'économie ne vaudra qu'à
titre d'hypothèse jusqu'à ce que, entre autres conditions,
nous ayons établi qu'il est possible de définir en
compréhension ce qu'est une marchandise. Ma deuxième
observation, en vue d'une définition de l'économie,
est que l'existence, indispensable, de dépenses publiques
impose la pratique de contributions obligatoires.
Hippocrate
- Tout aussi socialement naturelle que la pratique des échanges
marchands ?
Exocrate
- Oui, très résolument oui, malgré la mauvaise
humeur atavique du contribuable en tant que tel. Pour tout un bouquet
de causes faciles à observer dans tous les aspects de la
vie sociale et pour toutes les activités professionnelles,
le développement des échanges marchands, dont ceux
qui assurent l'intendance des soins médicaux, est largement
tributaire de la hauteur des contributions obligatoires et de la
qualité de la gestion des dépenses publiques. Selon
ce qu'est cette qualité, il existe dans chaque pays et à
chaque instant un plancher des contributions obligatoires au-dessous
duquel l'insuffisance des dépenses publiques freine le développement
des échanges marchands et un plafond au-dessus duquel c'est
l'excès des dépenses publiques qui freine le développement
des échanges.
Hippocrate
- Le seuil d'insuffisance n'est-il pas d'autant plus bas et le seuil
d'excès d'autant plus haut que la qualité de gestion
des dépenses publiques est meilleure ?
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
Après
un premier survol de la théorie de la répartition
et avant d'en tirer une théorie du salaire par qualification
professionnelle - comment se fait-il que le salaire moyen d'un généraliste
exerçant en situation libérale s'établisse
à ce niveau et non pas à un autre sensiblement différent
? -, reprenons d'une façon plus analytique la démonstration
de la loi qui régit la répartition du revenu global.
Ce faisant, nous allons vérifier que nous aboutissons bien
au même constat sur une propriété essentielle
d'une économie libre, lourde de plusieurs implications politiques
qui, c'est le moins qu'on puisse en dire, ne sont pas minimes :
discours et mesures sur la répartition imposée pour
corriger les injustices de la répartition naturelle procéderaient-ils
d'une illusion d'optique et n'auraient-ils, en définitive,
pour effet essentiel que de faire prospérer inutilement des
appareils bureaucratiques ?
4.4.
Comme pour les taux de profit et les taux des intérêts
payés par les entreprises, il existe deux taux de rente totale
: un taux de rente r sur la valeur de l'épargne placée
E, un taux de rente r sur la valeur du revenu global R.
Puisque
nous avons admis, bons arguments à l'appui croyons-nous,
qu'un cabinet médical est une entreprise parmi toutes les
autres sortes d'entreprise, prenons l'exemple du cabinet médical
en " solo ". Sa création et sa viabilisation économique
ont nécessité une mise en capital (en fonds propresÉ
dont le montant est généralement inconnu du premier
intéressé). Son exploitation produit un chiffre d'affaires
- le montant des honoraires perçus. Si le salaire, toutes
cotisations sociales comprises, que le praticien s'octroie est bien
calculé pour rémunérer normalement la mise
en capital, il y a une marge de profit (M) pour assurer cette rémunération.
Cette marge (M) rapprochée des ventes (V) donne un taux.
Le même profit (P) rapproché du capital (C) donne un
autre taux.
Généralisons
cette observation. Le profit (P) est une marge, le capital (C) un
stock, le chiffre d'affaires (V) un flux. Dès qu'il y a une
marge (M) dégagée par un flux de ventes (F) produit
en mettant en Ïuvre un stock (S, au sens le plus large du mot "
stock "), alors il y a d'une part le rapport de M sur F et d'autre
part le rapport de M sur S. C'est peu différent quand il
s'agit d'intérêts payés par une entreprise.
Dès qu'il y a un intérêt, qui est un coût
(C), sur un principal, qui est un stock (S), participant au financement
d'une entreprise réalisant des ventes, qui sont un flux (F),
il y a d'une part le rapport de C sur S, ou taux d'intérêt
sur principal, et le rapport de C sur F, ou taux d'intérêt
sur chiffre d'affaires.
Dans
le cas de la rente totale (r), le stock c'est l'épargne placée
(E), le flux le revenu global (R). Un des taux de rente totale (r)
est par rapport à la valeur de l'épargne placée
(E) : r / E. L'autre taux est par rapport à la valeur du
revenu global (R) : r / R. Il n'est vraiment pas besoin d'être
un grand mathématicien pour voir au premier coup d'Ïil qu'il
existe forcément un troisième rapport qui lie ces
deux taux : r / R = r / E fois E / R.
D'un
caducée à l'autre n°67 4/8/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- La recherche par modélisation économétrique
du niveau optimal des cotisations obligatoires est secondaire par
rapport à l'identification et à la mise en Ïuvre des
mesures d'amélioration de la qualité de gestion des
dépenses publiques.
Hippocrate
- De grande portée sera le progrès accompli dans notre
pays quand il y deviendra commun de s'attacher dans le secteur privé
à honorer les apports au bien commun du secteur public et
dans le secteur public à honorer les apports au bien commun
du secteur privé.
Exocrate
- Cela fait partie des égalités hors desquelles l'aspiration
à la justice sociale sert trop facilement de masque aux spoliations
que la convoitise et les partis pris idéologiques inspirent.
Je me demande parfois s'il serait bon de lister en amont de la théorie
économique les égalités principales que l'économie
ne doit pas enfreindre et en aval celles qu'elle peut et ne peut
pas ajouter.
Hippocrate
- Cet exercice serait intéressant. Gardons-en l'idée
en réserve.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
Trois
conventions de vocabulaire facilitent grandement l'analyse de la
répartition du revenu global (R). De plus, elles évitent
plusieurs erreurs de gestion. C'est ce que nous allons commencer
par montrer avant de revenir à la théorie de la répartition
et du salaire.
Supposons
vouloir comparer les résultats d'un cabinet médical
et d'une pharmacie. Les chiffres qui nous intéressent ici
sont les suivants. Le capital, le chiffre d'affaires annuel (honoraires)
et la marge de profit du cabinet médical sont respectivement,
en milliers de francs, de 200, 800 et 20 mille. Le capital, le chiffre
d'affaires annuel et la marge de profit de la pharmacie, eux aussi
en milliers de francs, sont respectivement de 1 000, 3 000 mille,
100 mille.
4.6.
Appelons " rentabilité " le rapport r / E et, plus généralement,
n'appelons " rentabilité " que les valeurs relatives de type
marge / stock.
Disons
de la rente totale (r) procurée par l'épargne placée
(E) et exprimée en pourcentage de la valeur de l'épargne
placée, soit r / E fois cent, qu'il s'agit d'une " rentabilité
" et rien que d'une " rentabilité ", comme pour tout rapport
de type marge / stock.
Le
profit du cabinet médical par rapport à son chiffre
d'affaires est de 2,5 % (20 / 800). Le profit de la pharmacie par
rapport à son chiffre d'affaires est de 3,3 % (100 / 3000).
La pharmacie est-elle plus rentable que le cabinet médical
? Non. Pour calculer une rentabilité, il faut rapprocher
une marge, en l'occurrence de profit, d'un stock, en l'occurrence
de capital : 10 % pour le cabinet médical (20 / 200), 10
% pour la pharmacie (100 / 1 000).
4.7.
Appelons " profitabilité " le rapport r / R et, plus généralement,
n'appelons " profitabilité " que les valeurs relatives de
type marge / flux.
Disons
de la rente totale (r) exprimée en pourcentage du revenu
global (R), soit r / R fois cent, qu'il s'agit d'une " profitabilité
" et rien que d'une " profitabilité ", comme pour tout rapport
de type marge / flux. Cet artifice de vocabulaire est prescrit depuis
une bonne vingtaine d'années par plusieurs auteurs d'ouvrages
assez renommés de gestion d'entreprise mais les économistes
continuent dans leur grande majorité à l'ignorer.
Il convient parce que la marge considérée est souvent
de profit. Entre un intérêt et un dividende, l'un et
l'autre perçus par un particulier, seul le second est du
profit proprement dit mais l'un et l'autre appartiennent à
la catégorie des revenus de l'épargne placée.
Le
défaut, très courant, de distinction entre la profitabilité
et la rentabilité conduit à des erreurs d'observation
et de décision dont voici un exemple. Une pharmacie vend
d'une part des médicaments et d'autre part de la parapharmacie.
La profitabilité des médicaments peut fort bien être
inférieure à celle de la parapharmacie alors que la
rentabilité est, elle, inverse : meilleure pour les médicaments
que pour la parapharmacie. Le pharmacien qui ne juge de la " rentabilité
" que par des profitabilités - c'est courant, très
courant - clame haut et fort que ses marges sur les médicaments
sont trop faibles et qu'il est obligé de les compenser en
vendant le plus possible de parapharmacie. Son diagnostic est faux.
Le remède qu'il applique va à l'encontre du but recherché
: plus le chiffre d'affaires de la parapharmacie grimpe et plus
la rentabilité proprement dite de la pharmacie dans son ensemble
baisse.
D'un
caducée à l'autre n°68 10/8/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- La troisième observation qui me semble appropriée
pour guider le choix d'une définition de l'économie
recouvre en partie celle que nous venons d'examiner. La pratique
de la subvention privée et publique est tout aussi socialement
naturelle que celle des échanges marchands et des contributions
obligatoires.
Hippocrate
- Du point de vue du contribuable, l'impôt est une subvention
qui lui est imposée.
Exocrate
- Les contributions obligatoires constituées par des impôts
sont des subventions prélevées sur les particuliers
et, en dernier ressort, rien que sur eux (c'est une illusion de
penser que tous les impôts acquittés par les entreprises
ne sont pas répercutés dans les prix de ce qu'elles
vendent). Ces subventions prélevées financent les
dépenses publiques, conjointement à des emprunts si
emprunts publics il y a - et il y en a aujourd'hui beaucoup. Parmi
ces dépenses, il y a les subventions accordées par
les pouvoirs publics.
Hippocrate
- De même que la charge en intérêts et principal
des emprunts publics non encore amortis.
Exocrate
- Les subventions accordées ne sont pas constitutives d'un
revenu au sens du mot " revenu " que l'usage ordinaire a privilégié
: produit perçu par un particulier en retour - en re-venu
- d'un service fourni par lui. Assimiler des subsides à un
revenu n'est pas socialement naturel puisque cela revient à
considérer que les apports financiers à la collectivité
de celui qui prend la peine de fournir un service en échange
d'un service n'est pas socialement plus nécessaire que la
prise en charge par la collectivité de tout ou partie du
train de vie, si modeste soit-il, de celui dont le revenu est trop
faible et, à plus forte raison, nul.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
Les
deux premières conventions de vocabulaire qui facilitent
grandement l'analyse de la répartition du revenu global (R)
et qui évitent des erreurs de gestion portent sur l'emploi
des mots " rentabilité " (toute marge sur stock) et " profitabilité
" (toute marge sur flux). La troisième est relative à
l'emploi du mot " productivité ". Quelles oreilles n'ont-elles
pas été aujourd'hui rebattues de " productivité
" ? Nous allons nous attarder un peu sur cette notion parce que
les économistes lui font dire et font dire à un peu
tout le monde des choses qui n'existent pas comme elles sont présentées.
4.8.
Appelons " productivité " le rapport R / E et, plus généralement,
n'appelons " productivité " que les coefficients de type
flux / stock.
Disons
du rapport entre le revenu global (R) et l'épargne placée
(E) qu'il constitue une " productivité ", c'est-à-dire
une capacité à produire le flux (R) au moyen du stock
(E). La capacité de l'épargne placée (E) à
produire une rente (r), nous sommes déjà convenus
de dire que c'est une " rentabilité ". La capacité
du revenu global (R) à produire une rente (r), nous sommes
déjà convenus de dire que c'est une " profitabilité
". Puisque toute une marge sur flux, c'est-à-dire toute profitabilité,
multipliée par le rapport entre le flux généré
au moyen d'un stock et ce stock, c'est-à-dire par une productivité,
est nécessairement égale à une marge sur stock,
c'est-à-dire une rentabilité, toute profitabilité
fois la productivité qui lui correspond est égale
à une rentabilité.
Faut-il
dire que cette relation d'égalité, que nous allons
appeler PP'R (Profitabilité fois Productivité égale
Rentabilité), décrit une loi économique ? En
vérité, elle en révèle plusieurs, comme
nous allons le constater. En elle-même, elle est inéluctable
: partout où il y a une rentabilité, la relation PP'R
est forcément satisfaite. Nous y reviendrons après
avoir examiné un peu plus avant ce qu'est et ce que n'est
pas la productivité.
Dans
le cas d'un cabinet médical, comme dans celui de n'importe
autre sorte d'entreprise, sa productivité est le rapport
entre le montant du chiffre d'affaires et le capital. En reprenant
l'exemple numérique donné dans la leçon précédente
et exprimé en milliers de francs, la productivité
est de 800 / 200 = 4. En multipliant la profitabilité correspondante
de 2,5 par cette profitabilité de 4, on obtient bien la rentabilité
de 10 %. Mais la productivité dont nous sommes entrain de
parler n'est pas celle, fallacieuse, dont la conception aujourd'hui
dominante de l'économie fait si grand cas.
D'un
caducée à l'autre n°69 24/8/00
Une
pratique plus saine de la médecine
Hippocrate
- Un cas particulièrement remarquable de la nécessité
de la subvention est celui de la nourriture, de l'habillement, du
logement, des soins médicaux et de l'argent de poche du conjoint
" cent professions " (sans profession), des enfants, des personnes
âgées dont la retraite est trop faible ou inexistante,
des handicapés. Ces prises en charge sont très manifestement
des devoirs naturels.
Exocrate
- Autre cas : le savoir. J'ai déjà eu l'occasion de
te signaler que le savoir n'est pas une marchandise. Or l'accumulation
de savoirs est indispensable à l'amélioration de ses
conditions de vie par l'homme. Le financement par des subventions
de travaux qui participent à cette accumulation, dans un
cadre privé ou public, ne peut pas être assuré
par du capital et des ventes. Cette accumulation étant socialement
naturelle, son subventionnement l'est aussi.
Hippocrate
- Mais tu considères que les soins médicaux pouvant
être financés par des mises en capital et par les ventes
de leurs prestations par les médecins et les auxiliaires
médicaux, il est socialement naturel que leur fourniture
soit une activité marchande et non pas une activité
subventionnée.
Exocrate
- Oui, après formations initiales des médecins et
des auxiliaires médicaux et en applications de découvertes
elles plus ou moins financées par des subventions publiques
et privées. Chaque fois qu'il peut y avoir une activité
marchande à la place d'une activité subventionnée
parce que la nature de cette activité s'y prête, c'est
presque toujours préférable. La quantité et
la qualité des libertés et des pouvoirs diffusés
dans le corps social en sont nettement accrus.
Hippocrate
- Pour ce qui est des libertés, je vois ce que tu veux dire.
Mais pour ce qui est des pouvoirs ?
Exocrate
- Nombreux sont, malheureusement, nos contemporains qui considèrent,
souvent sans en être clairement conscients, qu'à toute
organisation sociale - une nation, une région, un syndicat,
une entreprise, une famille, etc. - est attachée une quantité
fixe de pouvoirs à exercer et de tâches à exécuter.
Ils ne voient pas que toutes les centralisations réduisent
la quantité de pouvoirs en circulation et réduisent
aussi les champs d'initiatives cependant que toutes les décentralisations
et beaucoup de reconnaissances d'autonomie ont l'effet contraire.
Ils ne voient pas un corps social dont les cellules sont douées
de plus ou moins de vitalité parce qu'ils n'entendent pas
vanter les mérites du courage d'entreprendre et de la liberté
de prendre des initiatives.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.9.
La productivité du travail n'existe pas.
Le
courant actuellement principal de la pensée économique
s'est efforcé de tirer plusieurs concepts et lois de la notion
de productivité. On ne peut qu'approuver cette tentative
tant il est évident que la prospérité dépend
du progrès des capacités à produire plus et
mieux. Mais il y avait une question préalable à laquelle
il aurait été préférable d'apporter
du premier coup une réponse claire.
Qui
ou quoi a la capacité de " produire des richesses ", étant
entendu que cette dernière expression est une façon
dangereusement figurée de dire : produire des marchandises
composées ? Du fait que pour produire, il faille travailler
ne résulte pas que ce sont les seules quantités et
qualités de travail qui déterminent les quantités
et les qualités produites. Ce sont les quantités et
les qualités de travail outillé. Cet adjectif change
tout.
Il
n'y a pas d'un côté la productivité du médecin
et de l'autre côté la productivité des équipements
que le médecin utilise dans l'exercice de son métier.
Cela n'empêche pas la majorité des économistes
actuels de distinguer la productivité du travail et la productivité
des équipements - du capital physique, disent-ils - comme
s'il était possible de séparer ce qui est d'une part
dû au travail et d'autre part aux équipements. Dire
que le travail et le " capital physique " sont des " facteurs de
production " n'autorise en aucune façon à considérer
qu'il existe d'une part une capacité à produire du
travail non outillé et d'autre part une capacité à
produire des outils indépendamment de leur mise en Ïuvre
par des travailleurs.
La
productivité d'un cabinet médical, d'un hôpital
ou d'une clinique, d'un laboratoire et de n'importe quelle autre
sorte d'entreprise existe. Elle est d'autant plus grande que chaque
franc investi dans cette entreprise participe à la production
de plus de chiffre d'affaires.
Formation
économique 13
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