VENT DE NORDET
Un froid
matin, saison d'hiver,
Destinée déposa sur terre
Un nourrisson
au coeur des Flandres,
Là
où la Deule creuse méandres.
La neige
tombait abondamment,
Fin saupoudrage
du firmament.
Entre flocons
se faufiler,
Première astuce pour exister.
Lille l'accueillit
en murs d'enceinte,
Près
des malades, femmes enceintes
Pour déglutir
bonne parole
Auprès de maîtres ès paraboles.
Enseignement
de chirurgie,
Médecine, gynécologie,
Pour transformer
le carabin
En gentilhomme
bon médecin.
Des pontes
butinant le savoir
Dans l'espoir
de le faire valoir.
A cette
fin, battre campagne,
Ne pas jouer
à "qui perd gagne".
A subsister,
parfois comblé
En semant
petits grains de blé,
Distraitement, sans y penser,
Capital
vie fut dépensé !
LE MANDARIN
A mes Maîtres,
en souvenir de reconnaissance
Mai soixante-huit,
furent dénigrés, Aujourd'hui, dans l'ombre
portés, Vénérés Maîtres,
nos mandarins Laissèrent une empreinte, c'est certain.
Celui d'endocrinologie
Un maître
de cérémonie,
Précieux à la phrase ampoulée,
Bon enseignant,
marquis lettré.
L'angiologue, véritable cabris,
Feu follet,
de science un puits ;
Des anecdotes
il nous contait,
En s'amusant,
on apprenait.
Cloclo le
prof de dermato,
Toujours
pressé, genre parano,
Au cirque
exhibe les cas curieux, Petites véroles et pellagreux.
En chirurgie
abdominale,
Le diagnostic
se veut banal ;
Toujours
on peut le rectifier,
A ventre
ouvert, le vérifier.
En neuro-psy,
le cinéma,
Le boss
marquis de Carabas,
Cape noire
posée sur les épaules, L'homme en blanc
interprète un rôle.
En neuro-chir,
un grand patron
Dont le
savoir sidère, confond ;
Habile dans
le neurologique
Un novateur,
figure mythique.
En obstétrique
et gynéco,
L'expert
en muscles périnéaux ; Patron paisible,
chef de famille,
Suit le
"travail" en père tranquille.
Notre gériatre,
imbu, cassant,
Regard hautain
et méprisant.
Émile, empereur aux pieds des lits, Se fait narrer
pathologie.
Médecine interne, honoré Maître,
Homme toujours
prêt à s'entremettre Pour apaiser les pires
souffrances, Minimiser toutes les outrances.
Paternalistes, proches ou hautains,
Du grand
savoir des mandarins
On engrangeait
progressivement
Des connaissances,
les éléments.
Décriés, à l'opprobre voués,
Un héritage
ils ont laissé
Et nous
devons à leur mémoire
Transmettre
à d'autres leur faire savoir.
TEBESSA
Époque rêvée des colonies
Où,
dit-on, régnait l'infamie.
Piètre figure en vérité
Que ce tableau
du temps passé, Comparé aux événements
De guerre
civile du moment.
Jeunesse
dorée, pas de soucis.
De l'Algérie,
un raccourci
D'idées prônées par les Médias,
Romans célèbres
de Jules Roy.
L'aventure
nous tendait les bras,
Motivée par un doctorat.
Plongeon
dans une "guerre sans non"
Odeur de
poudre, bruit du canon. Jouxtant les ruines Gallo-Romaines
S'édifia la base aérienne,
Après
un travail de forçat,
Route de
Négrine à Tébessa.
Pistes baignées
par le soleil Réverbèrent chaleur sans pareille.
Telles des miroirs aux alouettes,
Attirent
les machines insectes, Hélicoptères du même
nom
En parallèle
près des avions.
Avions T1
et "sky-readers",
Sans pilote
ni navigateur,
Semblent
assoupis à digérer
La chair
humaine fraîchement tirée. Délabrer
qui ? bombarder quoi ?
Tout ce
qui vit, l'homme aux abois.
En long
et large du barrage,
On survole
bas pour que Carthage
Soit isolé
de l'Algérie,
Jardin de
France aux fleurs flétries.
Au sol,
l'électrification
Punit de
mort la transgression.
France divisée,
Pieds-Noirs trahis ! Grand bien te fasse, fière
Algérie,
De conquérir
l'indépendance
D'afficher
haut ta suffisance.
Encore te
faut-il élaguer
Rameaux
pourris de l'olivier.
UN REMPLACEMENT
Fraîchement débarqué d'Algérie
Plein de
ressource et d'énergie
Se mit en
quête d'un remplacement
En lieu
et place du commandement.
Vers le
Gris Nez, la côte d'Opale
Le vent
souffla amicalement
Se déportant
timidement
Pour déposer
le visage pâle.
Un temps
d'Articque, tempête et bise
En médecine,
gelures exquises
Chez l'habitant,
se surpasser.
Menace de
prématurité
Rapidement
évacuée
Fut déclenchée
terme dépassé.
MÉDECIN DES CHAMPS
Bien autrefois,
jadis, naguère,
Les bons
élèves littéraires,
De la carrière
médicale
Pouvaient
envisager l'aval.
La belle
époque tôt révolue,
Comme tout
ce qui ne se fait plus,
A emporté,
mis en oubli
L'hippocratique poésie.
Termes colorés
d'anatomie,
Noms condamnés
à l'amnésie
Ou d'autres
que l'on oublie pas,
Tel le triangle
de Scarpa.
La prestigieuse
et ordinale
Savante
prescription magistrale
Précéda l'ordonnance bâclée,
Rejeton
des spécialités.
On y trouvait
du bon latin,
Qu'un vieux
potard, toujours malin,
Se faisait
fort de déchiffrer
Avant de
vous l'administrer.
La chirurgie
du bon pays,
De couleur
n'était pas avare.
Sang bleu
royal, rouge des bâtards
Coulait
sans le moindre dépit.
Ne pouvant
guère péter plus haut
Que son
cul, le médecin des champs Fréquente rustres
et paysans
Dont la
nature est le suppôt.
Les fleurs,
les bois, petits oiseaux,
Compagnons
aux vifs oripeaux,
Un plaisir
simple de campagne,
Sain, pétillant
comme le champagne.
On y retrouve
Marcel Aymé,
La jument
verte renommée,
Fermettes
au délicat fumé,
Des écuries,
l'air parfumé.
Pour les
saisons, les vieux dictons, Ainsi, en septembre dit-on
:
"Purgez,
saignez plus que jamais
Pour maintenir
votre sang frais." Tâcheron humble, non conformiste,
Inculte sachant raisonner.
Poète
quelques heures dans l'année, Médecin des
champs, un humaniste Dont le temps semble mesuré.
Rare privilège
incontesté,
La candeur
de s'émerveiller,
Au corps,
lui reste chevillée.
Un bon bougre,
ce médecin des champs,
Par bien
des côtés attachant !
INCANTATIONS
On en revient
au moyen âge,
Les défilés,
les processions,
Des prières
aux incantations,
Que signifie
tout ce tapage ?
Autrefois
peste et choléra,
Ce jour,
combattre le SIDA.
Il ne se
passe de jour de mois
Sans que
le monde ne larmoie.
Devant ces
vaines lamentations
Dont on
constate l'immixtion,
Gardons
la raison sans ambages.
Fuyons tous
ces aréopages,
Leurs allusions,
leur persiflage.
Soignons,
traitons hors marchandage.
CE BON DOCTEUR
Toujours
souriant, ironique,
Réminiscence nostalgique
Du bon docteur
de mon enfance,
Visage qui
inspirait confiance.
Autant que
mémoire se souvienne,
Puisse pensée
vivre à l'ancienne,
L'image
fixée dans mon esprit
Par sa constance
me surprit.
Ombre portée
campant le corps
Du médecin
et son abord.
A une ascèse
extravertie
Dès
l'origine se convertit.
Battre campagne
jour et nuit
Pour remédier
aux maux d'autrui,
Soulager
et dire un bon mot,
Prescrire
remèdes pianissimo.
Vaquant
de maison en maison,
Conforte,
rassure l'opinion.
Joue parfois
même le trublion
En s'arrogeant
la direction.
Le beau
ne suffit pas au vrai,
Bonté
n'efface pas méfait.
La charité
bien appliquée
Commence
par bien diagnostiquer.
D'aucun
peut être bon praticien
Sans être
aimable, un peu chagrin.
Heureux
qui dans le saint des saints
Trouve phénix,
bon médecin,
Alliant
douceur et compétence,
Éléments d'une sainte alliance.
ANTIBIOTHÉRAPIE
En professant
au quotidien,
On persévère,
on se maintient
Dans la
routine habituelle
Du mouvement
universel.
Un médecin
en réflexion
Sur son
savoir, ses illusions,
Ne trouve
en la thérapeutique
Qu'une vertu
hypothétique.
Dans de
nombreuses maladies
Le virus
peut être soumis
A la bonne
volonté du temps,
Guérison vient spontanément.
Prématurée, l'antibiose
Ceindrait
d'une couronne de roses
Le médecin
à tête pleine
De prescriptions
à perdre haleine.
Intempestive
l'antibiose,
Insecticide
que l'on arrose,
Sélectionne les germes résistants,
Agents du
mal persévérant.
Loin de
moi la vile pensée
Du remède
à controverser.
Bien-fondé de stériliser,
D'éradiquer, aseptiser.
Confrères, évitons d'annexer
De la nature
le franc succès
Qui lui
revient du fond des âges
Avant que
l'homme ne devint sage.
Dieu nous
préserve des faux amis
Plus dangereux
que l'ennemi.
Réservons là aux insoumis,
Chère
antibiothérapie
Médecine, art d'incertitude,
Liée
aux mauvaises habitudes.
Science
des probabilités
Qui conduit
à l'humilité,
A celle
de ne jamais savoir
Le résultat
du bon vouloir
L'H.T.A.
ou le triomphe de la médecine
L'hypertension c'est mon dada,
Illustre
cheval de bataille,
Mon idole
ma passionnaria,
Sans elle
pas de médecine qui vaille.
L'unique
outil du beau travail
Porte le
nom de tensiomètre.
Dans le
métier pas de détail,
En son sein
règne le souffle en maître
L'hypertension dites "essentielle",
Le gagne
pain confraternel.
Les médecins
et leur chapelle
Lui doivent
un culte, fière chandelle.
Maladie
dégénérative
Numériquement bien définie,
Avec approche
qualitative
N'excluant
pas chiffres insoumis.
Concept
plutôt que maladie
Entité des plus passionnantes,
Découvrir en catimini
Des symptômes
chez les biens portantes
Terrain
de choix ou l'on essaime,
Le traitement
doit se suivre a vie,
N'existent
guère dans ce domaine
Demi-mesures
ni pénurie.
Choix varié
des hypotenseurs :
Antihypertenseurs centraux,
Alpha bloquants,
béta bloqueurs,
Normotenseurs, vaseur-vaso.
I E C et
diurétiques,
Leurs multiples
associations.
Tous les
inhibiteurs calciques
Et descendance
à profusion.
L'hypertension dites organique,
De chirurgie
bénéficie.
D'origine
moins ésotérique,
L'étiologie différencie.
Mesure de
pression artérielle,
Développée par Riva-Rocci,
D'une médecine
moment essentiel
Puisque
l'hypertension guérit.
Sidaction
Déesse drogue et Dieu capote
Dorment
satisfaits. Messe consommée,
Des médias
l'oracle a parlé !
En partition
quelques fausses notes,
La sécession
des affidés
D'un groupuscule
bien faisandé.
Tristesse,
amertume, affliction
Résument la soirée "SIDACTION".
L'apothéose Télévision
Rendre coupables
les biens portants
De l'être,
s'avère désobligeant,
Pouvant
prêter à confusion.
On s'efforce
de faire acclamer
La séropositivité
Par une
salle entièrement acquise
A l'immortalité
promise.
D'éminents maîtres es verbiage
Exhibent
une brochette de paumés,
Telles des
bêtes curieuses d'un autre âge,
Des marginaux,
des frelatés.
Ceux mêmes
qui roulent carrosse en or
Décrètent le bien, plantent le décors,
Ordonnent
au bon peuple exploité,
En clair,
de se déshabiller.
Résultante d'une société
D'éloquente permissivité.
Produit
de la facilité,
Laisser-aller, prix à payer !
Paradoxe
de modernité,
Encourager
toutes les grossesses
A risque.
Étudier leurs faiblesses
Pour mieux
s'adapter à traiter,
Risquer
une prématurité.
Louanger
les avortements
Des femmes
et bébés bien portants.
D'un même
élan très spontané,
Une vie,
une mort pour s'acharner !
Depuis le
serment d'Hippocrate,
Les médecins
ignorent les diktats.
Ils soignent
tout, indistinctement,
Malades
qui souffrent et leurs tourments.
Personne
ne peut leur demander
De faire
un choix ou d'honorer,
Pathologie
privilégiée
D'étiologie à négliger.
A chacun
sa spécialité,
Les moutons
seront bien gardés.
Les bons
apôtres, les échotiers
A leur écran,
chasse gardée.
Les politiques
au parlement,
S'il plaît
à Dieu, le jugement !
SOUFFRIR
DE DOULEURS
"Nous ne
sommes pas immortels, et la médecine ne nous guérira
pas de tous les maux, contrairement à ce que veulent
nous faire croire les délires médiatiques."
Docteur
J. M. Gomas. Médecin de fin de vie
Sans remonter
à la genèse
Prophétisant nombre malaises,
La souffrance
toujours existât
Quelque
fut desiderata.
Si enfanter
dans la douleur,
Pendant
des siècles fut un honneur,
Présentement calamité
De mettre
au monde un nouveau-né.
Pensez donc
ce qu'il faut souffrir,
Les statistiques
parlent de mourir,
Comme si
la mort, coquin de sort,
Épargnait toujours matador.
Comme les
trompettes de Jéricho
Le sonnent
à tout vent tous échos,
Souffrance
prévient, témoigne, alarme
Sans entraver
le flot des larmes.
Indissociable du plaisir,
Considérer peiner, souffrir
Comme la
suprême récompense,
Martyr sublime,
pardon d'offense,
Du chrétien
c'est la Rédemption,
Du païen
l'abomination.
Peste à
combattre pour le commun,
A écarter
de son chemin.
A la souffrance
insoutenable,
Un nombre
d'antalgiques valables
Opposent
un utile recours,
Lâche
qui ne porterait secours.
Le moribond,
le cancéreux
Trouveront
refuge heureux en eux.
Tout à
la gloire médicale
De soulager
misère fatale.
Le recours
aux tranquillisants,
Remède miracle de notre temps,
Diminuera
à point nommé
Grâce
au courage à volonté.
Sans être
adepte de l'ascétisme
Ni vain
disciple du dolorisme,
Loisible
et sage d'admirer
Les hommes
enclin à respecter,
Les grandes
lois universelles
D'évolution bien naturelle.
Certes,
la recherche du plaisir
Se poursuivra
dans l'avenir,
Comme on
le fit dans le passé.
De la douleur,
en effacer
Les affres
universalisées,
Le rêve
fou d'hommes insensés.