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RETOUR
Des jours de couleur et de vent
Sur des heures d'oubli et de sable,
Et puis des pensées qui souvent
Peuvent déclasser l'indispensable.
Retrouver les douleurs d'avant,
Les heures à œuvrer sur la table,
Et les questions aux noms savants,
Bientôt les feuilles et le cartable.
La lumière manque en se levant,
Et le soir semble moins aimable,
Le journal de nouveau se vend,
Qui rapporte les faits blâmables.
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Des oiseaux vifs, des niaoulis,
Et quelques ifs à l'air sévère,
La brise de mer au doux coulis
Qui borde l'outremer de vert...
De faux reliefs aux tons polis,
Et ces vieux ponts sur les rivières,
Queques lieux brefs aux noms jolis,
Avec des fleurs sur les barrières.
Pourquoi cette impression salie,
Ces traces de pluie sur le verre,
Et d'où vient donc ce teint pâli
d'un temps qui paraît bien couvert ? |
PROFIL
Un volcan, un lac, et un profil,
Comme si les rêves avaient besoin,
Sur leurs reliefs, d'une médaillle,
Pour ajouter aux monts, aux îles,
Un visage qui garde ce loin
A portée de main, d'entrailles...
Un lagon, des palmes, et se faufilent
Des traits en plus, un air en moins,
Et cette trame qui forme maille,
Pour y trouver le chef de file,
Ce repère, ce souvenir du coin
Où mémoire et site ont des failles.
Un basalte, à couleur basophile,
Comme un tableau peint avec soin,
Hachant l'épure avec la paille,
Et cette image qui tire son fil,
Elle admet reliefs et points,
Et met l'espoir sur les semailles.
Un univers nu, ou la ville,
Un doigt de fée ou bien un poing,
Et ce profil qui semble braille,
Silhouette douce sur gypsophiles,
Lignes tracées sur champ de foin,
Les pulpes en devinent la taille.
Un toit de chaume, un campanile,
Des odeurs, fumée, un suint,
Des yeux rieurs, un crin bataille,
Et c'est le soir qui se profile,
Quand s'étire le mois de juin,
Le cieil qui cuit, s'apaise et piaille...
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DEUX MERES EN
DEUIL
C'est l'histoire de deux femmes, de deux mères,
L'une est Turque, ici en banlieue,
L'autre Afghane, là-bas à mille lieues,
Elles ne portent pas leur voile de la même manière,
Mais elles portent toutes deux le deuil d'un fils
tué,
Auquel elles ne pourront jamais s'habituer.
L'un est mort au foot sur un terrain vague,
Comme d'une espèce d'énorme blague,
Il a juste récupéré une balle
perdue,
Dans la tempe, en marquant un but.
L'autre, c'était sur un champ de mines,
Qui a donné aux consciences bonne mine.
Il a juste reçu, cibles confondues,
Dans le corps des éclats d'obus.
Une femme ici tord ses mains d'effroi,
Quand l'autre, là-bas, mord ses doigts, soudain
seule.
Une sœur ici tremble fort de froid,
Et un frère là-bas semble mort sans
linceul.
Partout vont les mères et les enfants,
Pourtant si amers et souvent souffrants.
Elles entendent toujours, par delà le vallon,
Leurs garçons qui courent et jouent au ballon.
Et quand la poussière obscurcit le ciel,
La moindre lumière est si essentielle.
L'une ferme aux étoiles la grille du cimetière
,
Et la femme aux fleurs regarde les cieux,
L'autre clôt sous le voile la grille de ses
paupières,
Et la femme aux pleurs referme les yeux.
Et cet air Tadjik qui déchire les cordes
C'est toute une musique qui bientôt sanglote,
Dans ce soir tragique que les phrases mordent,
C'est un air magique qui vient et complote.
Et les deux maudissent ces feux qui, par hordes,
Déchirent la toile de ce ciel de nuit.
Et les deux vomissent ces dieux qui s'accordent
Pour tisser le voile pour couvrir les bruits.
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PRINTEMPS
Par un jour de clarté et de lumière,
Qui va si bien aux yeux des femmes,
Dans une heure d'aparté peu coutumière,
Où quelques riens vont faire des gammes,
Un printemps de beauté et d'herbes fières
S'ouvre et vient s'offrir aux âmes.
Une nuit de cécité sur la verrière,
Les volets sereins ont fermé leurs lames,
Comme une cité clôt ses paupières,
Mais dehors l'airin est un peu oriflamme,
La lune a quitté la rivière
Pour un ciel marin où elle joue la Dame
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C'est
un soir de ciel et de lueurs
Qui colore teint et chevelures,
Instants d'essentiel et de couleurs
Dont l'air atteint l'enluminure
D'une femme de miel et de chaleur,
Yeux châtains et cheveux de dorure.
C'est un jour de duel d'ombres et de pâleur,
Couleurs incertaines contre flou d'allure
Tantôt conte cruel et lot de malheur,
Et parfois destin de belle écriture,
Mais dans la ruelle où poussent les fleurs
Un regard mutin est une aventure.
A l'heure d'obscurité sur la sablière,
Où derrière son chien progresse une femme
Dans la vacuité calme d'une clairière,
Les bruits quotidiens d'un soir proclament
La tranquillité tacite d'une carrière
Dont le comblanchien est le sésame. |
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