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UN MONDE DE COLERE
Le monde est colère, et le ciel est pluie,
La nuée est tonnerre et la terre est bruit,
Les rivières débordent les plaines en
désordre,
Et il pleut des cordes, les mains vont se tordre,
Partout sous le vent, les toiles en torchis
Brisent des auvents dans un grand gâchis.
Le monde ne tolère et ne gère l'ennui,
Rogue, la galère vogue dans la nuit,
Les lanternes sourdes, yeux de loups en hordes,
Rendent les mains gourdes, les regards se bordent
De cernes, et souvent, grâce aux dos fléchis,
Regardent en rêvant l'eau qui réfléchit.
Le monde est austère, et l'amour le fuit,
Mais parfois mystère est plus fort que lui,
Et des airs qui portent, surgissent et s'accordent,
Des musiques fortes qui rythment en concorde,
Un charme émouvant et qui vous enrichit,
Met une larme devant vos cils blanchis.
Le monde est sévère, surtout pour autrui,
Et il persévère à détruire
ses fruits,
Des averse lourdes et des vents qui mordent,
Et de simples gourdes que des lèvres abordent,
Soudain un savant pense un cap franchi,
Au soleil levant un monde s'affranchit.
30
Août 2002
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DANS
SON REGARD
Dans son regard, des branches,
Un ciel et des oiseaux,
Car son œil ici est miroir,
Dans ses pensées un dimanche,
L'herbe où furète un museau,
Une surprise pour le soir.
Dans sa mémoire des planches,
Une simple croix de roseaux,
Et dans son œil un reflet noir...
Dans son regard une tendresse,
Une douceur et l'amitié,
Car son œil est ici accueil,
Qui vient, qui parle et caresse,
Souhaitant que vous l'imitiez
Pour la rejoindre sur le seuil.
Parfois pourtant une tristesse
Refoule au loin toute pitié,
Et dans son œil se lit un deuil...
Dans son regard une rivière,
Un lac paisible ou un torrent,
Car son œil ici est alarme
Et ses pupilles sont prière,
Une demande à un parent,
Ou celle qui introduit le charme.
Mais tout dépend de la manière,
La crainte ou le calme apparent,
Et dans son œil coulent des larmes...
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Dans
son regard l'étincelle
Qui met le feu à la chaleur,
Car son œil ici est réaction,
L'image qui vient est celle
Qui mêle la vie à la couleur,
Et évacue l'agitation
De l'âme, ce qui recèle
Un fond de peine et de douleur,
Et dans son œil une question...
Dans son regard quelque doute,
Hésitation de l'incrédule,
car son œil ici est frayeur.
Que sont donc ces maux qui coûtent,
Ces yeux qui partent en pendule,
Comme s'ils attendaient d'être ailleurs ?
Parfois les mots se perdent en route,
Et c'est la peur qui les module,
Mais dans son œil reste un veilleur...
22 Octobre 2002
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Tant de poèmes écrits
sur ce thème du regard, des yeux et de leur
apparence, mais encore plus de la signification
lue, devinée, derrière ces couleurs
magnifiques ou ces reflets subtils. Quoi de plus
expressif, de la douleur au bonheur, à la
joie, et soudain de nouveau cette allure de ciel
qui se voile, de nuages sur la manière de
dire, ces bordures qui se grisent en faire-part
ou ces paupières qui s'alourdissent comme
les volets que l'on ferme, le rideau baissé
sur le soir d'une boutique. Ce thème exploité
sur tous les tons ne fait que traduire ce que trahit
la lumière au fond des pupilles, quand on
se montre essentiellement visuel. Ce qui n'ôtera
rien aux autres sens, des parfums jusqu'aux caresses
et aux murmures.... |
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L'ILE
L'île, avec ses longs doigts de branches,
Ecrit, de ses arbres qui se penchent,
Des vérités écrues sur le sable,
Qui résumeront l'indispensable.
Et la mer qui vit sur un temps bleu
Tente chaque matin de dire tant mieux.
L'île croit tous les jours en sa revanche,
Quand les arbres retroussent leurs manches
Pour agiter des ombres appréciables
Sur des lumières non négociables.
Les hommes, sous leurs propos insidieux,
Se figurent tous être ainsi dieux.
L'île, derrière ses yeux pervenche
Et son air propret du dimanche,
N'a, pour se rendre présentable,
Besoin que de l'indiscutable,
De l'eau pour lui baigner les yeux
Et du vent qui peigne ses cheveux.
L'île, au cœur de terre étanche
Sous sa robe de mer blanche,
Pense qu'une solitude coupable
Ou bien cette latitude enviable
Placent à part ses chemins creux
En lui prêtant son air radieux.
L'île sent la mer sur ses hanches,
Quand au soir, tirant leurs clenches,
Ses habitants quittent leurs tables
Sur des propos inexorables,
Et l'île qui s'endort sous les cieux
A grande tendresse pour ses vieux.
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D'HABITUDE
D'habitude...
D'habitude c'est le soleil
Qui s'éteint sur la mer,
Et un frisson nous vient.
Le vent s'endort pareil
Les vagues au goût amer
S'apaisent aussi, souvent...
D'habitude...
Mais la fureur de ce ciel
Montrait la cruauté des flammes,
Et tant de déchirures,
mais l'horreur de ce fiel,
Dans la violence des drames,
N'était que meurtrissure...
D'habitude...
D'habitude le sable blanc rougit
Quand la lumière du soir s'en va
Et quand les grandes palmes bruissent
Mais seules vivent les bougies.
Sur la plage ponctuée d'écarlate où
rêva
Cette femme en sang, ses seins blêmissent |
D'habitude...
D'habitude le ciel orange
Est un signe de bonheur
Dans un pays tranquille
Où défilent ces étranges
Femmes portant des fleurs
Où les temples sont mille
Hébétude...
Hébétude de ceux qui vivent
en se demandant pourquoi,
Dans la peur et l'effroi,
L'enfer aux brûlures vives
Et ceux qui demeurent cois
En ayant bizarrement froid |
D'habitude...
D'habitude les bruissements
Sont de brise et de ressac,
Et les couleurs de poinsettias
Les heures embaument doucement,
Offrandes et fruits en sacs,
Frangipaniers et acacias...
Hébétude...
Hébétude de l'île des dieux,
Qui ne peut comprendre
Pourquoi ses yeux lui mentent,
Et comment donc les dieux
Tombent pour la surprendre
Sur les têtes sans attendre ? |
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Hébétude...
Turpitudes d'un monde en vrai délire,
Mystique, cabalistique, et de pouvoir,
Qui tue, brûle, pleure et meurtrit...
D'habitude la brise dans l'arbre devient lyre,
D'habitude la mer se brise avec espoir,
D'habitude la vie des êtres a d'autres cris....
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16
Octobre 2002 |
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Une impression étrange,
juste après cet attentat si meurtrier de Bali, celle
d'avoir parcouru ces mêmes lieux à peine trois
mois plus tôt, dans une ambiance et des circonstances
si différentes. Ce sentiment d'envahissement des religions
entre Philippines et Indonésie, de l'Islam intégriste
de Zamboanga à l'Hindouisme zen de Bali, en passant par
ce mélange étrange entre Bouddhisme et Islam à
Jakarta. Le tout sur un fond de chrétienté si
effroyablement hypocrite aux Philippines. Avec surtout, en toile
de fond, cette exploitation invraisemblable de la crédulité
des peuples, qui expriment ou adhèrent certainement à
ce genre de besoin, mais dont on ne peut jamais lucidement,
s'empêcher de penser avec un minimum de clairvoyance que
leur apprendre à savoir cultiver correctement trois récoltes
de riz par an au lieu d'une serait tellement plus profitable
que de leur répéter sur tous les tons et pour
le bénéfice de tous les dieux la même rengaine
en forme de cantique : « mon frère, verse tes offrandes
sur l'autel en procession, donne à ton prêtre ta
dîme, approvisionne le compte en banque suisse dont tu
vois ici les coordonnées sur l'internet américain,
et le reste te sera donné pas surcroît...» |
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