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Centrafrique
Abécédaire
Suite
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Bororos
Les Bororos représentent une des nombreuses ethnies
constituant des minorités dans cette République.
Ils viennent du Nord, du Tchad, et ont la particularité
d'être très grands, de type longiligne, habillés
de bleu comme les touaregs, et spécialisés dans
le commerce et la transhumance de grands troupeaux de boeufs
Bagharas, des bovins à longues cornes très ouvertes.
Installés dans un endroit, ils ne tardent pas à
règner sur le petit commerce local, en dominant rapidement
les prétendants locaux.
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Je crains, même en abordant maintenant la lettre C,
que ce catalogue soit interminable, mais comment résumer
en vingt pages un vrai livre de 200 ?
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Centrafrique
Ce grand pays, d'une surface supérieure à celle
de la France, pour une population atteignant à présent
3,7 millions d'habitants, à l'époque 2 millions,
est situé en plein centre de l'Afrique, sur le fleuve
Oubangui, avec des frontières touchant le Congo, le
Soudan, le Tchad, le Zaïre, le Cameroun. C'est un pays
tropical, entre équateur et cancer, mais plus proche
de l'équateur. Population très mélangée,
avec 65 % d'analphabètes, malgré un décret
de Bokassa obligeant à 80 % de succès au baccalauréat
pour les quelques lycéens. Après tout un taux
de réussite identique à ce qu'est devenu notre
propre parchemin national de base.
Congo
La période des années avant 69 distinguait le
Congo « Brazza » et le Congo « Kinshasa
» ou Belge. Les évènements depuis les
coups d'état de Mobutu dans les années 60, une
époque mouvementée ensuite, ont amené
le nom de Zaïre en 1971.
Le Congo demeure aussi la référence africaine
de Tintin. Et il est criant de vérité, en allant
un jour dans une pirogue très effilée, rendre
visite sur l'autre rive du fleuve au Congo, que l'on entrait
complètement dans un décor de Hergé.
Une Caravelle, le porteur aérien en vogue dans cette
décennie, tourna un jour plusieurs heures au dessus
des têtes, elle servait à célébrer
l'anniversaire de la réconciliation de Bokassa et Mobutu,
qui s'offraient un déjeuner volant tranquille... et
économique !! dans cet avion.
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Circonstances
Ce paragraphe d'explications est important. Pourquoi la République
Centrafricaine, en effet? De prime abord, mon idée
à l'issue du stage de formation de Marseille avait
été d'opter pour Madagascar, la destination
la plus éloignée proposée au choix des
postes. Les circonstances ont orienté notre vie autrement.
Arrivés au choix de Centrafrique, nos responsables
militaires ont annoncé que, par suite d'un manque de
chirurgiens dans les effectifs sélectionnés,
un poste centrafricain à qualification chirurgicale
n'était pas fourni. Un médecin d'autre formation
voudrait-il bien accepter cette affectation ?
La suite mérite une courte pause en forme de retour
en arrière, entre autres vers une évocation,
dans le texte sur Arménie, de la pratique chez moi
des revanches internes. Lors de ma 4ème année
de médecine, j'avais échoué à
l'épreuve toute théorique de ce que je nommerai
« la chirurgie sur papier » consistant à
rédiger des questions de chirurgie plutôt que
de réellement opérer. Le stylo contre le scalpel.
Première étape de la revanche interne, d'une
part ayant modifié ma stratégie d'apprentissage
par la rédaction de fiches concentrées, j'ai
l'année suivante obtenue une telle note à l'écrit
que j'ai été dispensé d'oral. D'autre
part j'ai mis à profit cette année pour proposer
mes services à l'hôpital tout neuf de ma ville,
dépourvu de personnel, devenant pour une année
responsable unique et intégral des urgences, un incroyable
apprentissage de mon métier d'une inestimable utilité
ensuite, comme l'avait été un premier séjour
prolongé dans une maternité parisienne pour
y apprendre à accoucher. Et je tenais ma deuxième
revanche, me montrer à moi-même que je serais
sans aucune difficulté capable de tenir un poste chirurgical
de brousse, laissé à moi-même. Une autre
composante est d'ordre onirique. Dans toutes les vies, les
individus sont amenés un jour à rêver
une situation un peu irréaliste, mais pas tant que
cela. La mienne était du genre : je suis dans un paquebot
en croisière au milieu de l'atlantique. Une passagère
est victime d'une urgence, une appendicite à opérer
absolument. Le bateau ne peut rebrousser chemin, la distance
étant la même que pour poursuivre. Et le médecin
de bord est malade, indisponible, ivre, ou passé par
dessus bord. On s'affole, on supplie, et je décide
sans une seconde d'hésitation de pratiquer l'intervention
à la place du spécialiste.
Lors de mon internat dans un hôpital privé parisien,
j'avais servi d'assistant à un patron chirurgien à
de nombreuses reprises, histoire de complèter mon salaire,
telle était mon expérience chirurgicale.
J'ai dit oui instantanément à cette proposition
de poste de chirurgie en brousse, comme l'accomplissement
d'un rêve. Et j'en ai été infiniment heureux...
.
Nous développerons largement ce chapitre de la chirurgie.
Quelques autres aperçus auparavant.
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Climat
Le climat de Bangassou est de type équatorial, une
longue saison sèche de novembre à Mars à
peu près, et la pluie ensuite. En sècheresse,
la température est aux alentours de 28 à 34°,
parfois davantage. On perd très rapidement 8 à
10 kilos dans un travail dense, occasionnant une intense
transpiration. La saison des pluies est finalement agréable,
lavant le ciel, il fait moins chaud, 25°, il pleut souvent
extrèmement fort la nuit, avec de terribles orages,
des éclairs gigantesques, le lendemain il y a 10
cm d'eau partout sur le sol. Mais tout moisit, les vêtements
se recouvrent de proliférations de filaments verdâtres.
Et les réserves d'eau, dans de nombreuses bassines,
cuvettes, dans des bidons placés sous les bords du
toit, se constituent aisément en eau presque propre.
Les autochtones s'amusaient beaucoup de nos comportements,
racontant toute la journée comment « madame
docteur, elle a marché pieds nus, comme nous, dans
l'eau devant la case...»
Conditions de vie
La vie n'a rien de comparable à une vie citadine.
Nous ne disposions ni d'eau, ni d'électricité,
ni de journaux, de télévision bien évidemment
encore moins, de cinéma. Une radio acquise sur place,
un poste à transistors puissant, permettait de capter
régulièrement à certaines heures des
chaînes émettant de France pour les pays étrangers.
Nous avions emporté quantités de livres, arrivés
tardivement après un périple en bateau très
long de notre cantine métallique.
L'éclairage était fourni par cette fameuse
lampe à pression de pétrole, une sorte de
lampe à gros manchon qui s'illumine sous l'effet
du gaz produit pas la diffusion d'une vapeur de pétrole
enflammée, provoquée par le pompage intense
et prolongé d'un piston dont on lâche d'un
coup la pression. Excellent éclairage pour une pièce
de la case.
A la saison de leur maturation, cet éclairage attirait
certains soirs des nuées de centaines de termites,
venant se griller sur place en un ballet surréaliste.
Les populations locales se régalent de termites cuites
sur la braise.Lorsque je devais sortir de nuit, j'emportais
une torche à piles, et un bâton dont je frappais
le sol pour éloigner les serpents. Nous en avons
vu plusieurs au total, dans et hors de la maison, certains
glissant paisiblement devant nos pas brutalement arrêtés,
d'autres roulés en anneaux au bord des chemins, ou
un se dressant brutalement devant le volet juste ouvert
sur le jardin.
La case était de l'habituel modèle colonial,
meubles en bois rouge local lourd, lits munis d'une moustiquaire
accrochée à un baldaquin pour les nuits.
Le commerce local parvint toujours à nous fournir
le strict nécessaire, produits d'hygiène,
de ménage, tissu, conserves si nécessaire
mais nous mangions essentiellement les acquisitions fraîches
du marché de Simon, ingrédients. Et même,
lorsque ce fut indispensable, couches et autres objets.
Nous avions fait confectionner par un vannier rural un superbe
panier carré qui servit de porte-bébé
longtemps.
Des conditions de vie hors du temps, mais qui ne nous ont
jamais gênés, on s'adapte et s'habitue aisément
à l'absence des ustensiles habituels, et des nécessités
créées par la civilisation. Une fois ou deux,
un cinéma en plein air, film projeté sur un
drap par la Mission pour les populations locales, nous a
rappelé encore Tintin.
Confrère et collections
Les tout premiers temps, j'ai bénéficié
d'un confrère tenant le poste médical et celui
du secteurs dit « des grandes endémies »
pour lequel il effectuait des tournées dans de rutilants
véhicules de l'UNESCO. Ce collègue était
absolument charmant, délicieux, doté d'un
humour dévastateur, et nous avons regretté
son départ rapide, son temps de service étant
achevé. Curieusement, certains êtres ne gardent
pas contact lorsque les conditions changent, je l'ai relancé
en France plus tard, en vain.
Ce garçon s'était passionné d'art authentique
centrafricain. Il avait, de ses tournées dans la
brousse, les villages, la forêt, constitué
un patrimoine extraordinaire d'objets superbes, de nombreux
instruments de musique à cordes, appelés koundis,
d'autres à percussion comme le balaphon,
des vases, des objets de jeu, des sculptures, des instruments
de chasse. La seule information qui me soit parvenue après
son retour a été que sa collection fabuleuse
avait été entièrement pillée
lors de son transport en France... .
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Coopérants
Lui, parce qu'il résidait seul, avait lié quelques
contacts avec des coopérants, enseignants et du monde
agricole, que nous avons rencontré parfois avec lui.
Mais il demeurait également assez à l'écart
des « vrais colons » locaux.
Cette petite population de blancs représentait réellement
une sorte de caricature. Non pas que nous possèdions
quelques qualités différentes, mais dans l'état
d'esprit et l'insertion locale. Le prototype de ces personnes
est un mécanicien, souvent excellent technicien, devenu
ici chef d'exploitation agricole parce qu'unique européen.
Ce genre d'homme, s'il revenait en europe, ne pourrait jamais,
faute de bagage et de diplômes en gestion, en commerce,
en comptabilité, prétendre à un quelconque
poste au delà de la maîtrise d'un atelier. En
afrique ces personnages deviennent des dieux, règnant
sur des quantités d'employés agricoles, et usant
d'une autorité, de méthodes discutables, des
manières d'exploitants coloniaux, durs, souvent rudes,
injustes, brutaux. Ils jouissent évidemment de la crainte
due aux patrons, de l'aura du blanc, parfois ils ont pris
pour femme une autochtone, ce qui leur acquiert les faveurs
des autorités administratives.J'avais du mal avec ces
quelques représentants, ils se montraient surpris que
je ne les fasse pas bénéficier, pour leur personnel,
de passe-droit, si j'avais un programme opératoire
rempli à deux mois de délai, leurs ouvriers
attendaient deux mois comme les autres. Et nous ne partagions
pas leurs beuveries de week-ends, ou leur manière de
parler des populations dont ils tiraient ressources, travail,
et une forme de relation bien plus proche de la peur que du
respect. Un jour où j'étais moi-même malade,
j'avais attrapé la dengue, maladie virale, le cafetier
a très mal pris mon refus de me déplacer pour
une broutille dans son établissement.
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