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 N° 504
 
 
 
    25 juin 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Dé...formation médicale 

Photo de l'auteur Docteur Françoise Dencuff lui écrire

S’il est un domaine où l’opacité est de mise, c’est celui de la formation médicale. Formation continue (FMC) bien sûr qui échappe encore aujourd’hui à toutes les règles de l’éthique.
Courageusement, les dirigeants de la jeune École de Formation Européenne en Cancérologie (EFEC), font le point sur des pratiques trop souvent floues et parfois même à la limite de la malhonnêteté.
L’EFEC est un organisme de formation créé en 2002 par la Fédération Nationale des centres de Lutte contre le cancer et participe donc à la formation continue des personnels médicaux et para médicaux publics et privés.

retrouver la confiance

Comme toujours pour retrouver la confiance il faut analyser le problème sans langue de bois et sans parti pris.
Les médecins sont leurs propres prescripteurs de formation continue. C’est en 1996 que l’obligation est faite aux médecins de se former et depuis le 1er Janvier 2006 l’Evaluation des Pratiques Professionnelles formalise et évalue les formations.
Cette nouvelle réglementation va-t-elle enfin normaliser les pratiques de la FMC ? se demande Michel Arsicault, directeur de l’EFEC. En effet, en cancérologie et dans la plupart des spécialités, c’est l’industrie pharmaceutique qui finance 80 à 90 % de la FMC. C’est donc elle qui prescrit l’offre de formation. Soit elle organise directement les formations soit elle soutient un organisme de formation, une société savante ou des établissements de santé. C’est elle qui décide aussi qui assiste à ces formations, congrès ou réunions d’experts. Et même le récent accord entre le Leem et le ministère de la santé reconnaît qu’un industriel peut se retrouver en position d’unique financeur sur une action de formation.
Pour preuve le code de bonnes pratiques des Entreprises du médicament dans la formation médicale signé le 22 novembre 2006 entre Xavier Bertrand et Christian Lajoux (président du Leem, le syndicat national des industries du médicament). Vous pouvez en trouver le texte sur le site http://www.leem.org
Plus fort encore la revue Prescrire attire notre attention sur la volonté des firmes de faire directement de la publicité auprès du public et sur le soutien qu’elles ont trouvé auprès de la Commission Européenne http://www.prescrire.org www.prescrire.org)

restaurer la conscience

Il faut bien se poser la question des raisons de ce forcing de Big Pharma auprès des praticiens et des patients. La réponse est très simple, il faut continuer à augmenter les bénéfices malgré une pénurie criante de nouveaux médicaments. Logique implacable des marchés.
Pour les firmes cette promotion directe auprès du grand public présente de nombreux avantages : mieux informer des patients fragilisés par la maladie et rendus crédules dans l’espoir d’aller mieux. Ils sont prêts à tout essayer et ont la capacité de convaincre leur toubib, ils constituent une cible privilégié des démarches de médicamentation de l’existence préalable à une extension soutenue du marché pharmaceutique vers de nouveaux besoins (Collectif Europe et Médicament, Fiche documentaire sur l’Information santé : « Information » du public par les firmes pharmaceutiques, une logique commerciale, Mai 2007)
Les informations sur la maladie propagées par les firmes, sans mention d’un nom de médicament sont autorisées en Europe. Et bien sûr il est vivement recommandé d’en « parler à son docteur »…qui ne peut que comprendre alors de quel médicament il s’agit.
Et comme il ne faut pas bouder son plaisir, Big Pharma « invente » des pathologies pour lesquelles des médicaments sont proposés. Pas une invention de toute pièce mais une réunion sympathique de différents symptômes réels et disparates sous une nouvelle entité morbide ou un abaissement artificiel des seuils de normalité, sans oublier de médicaliser les vicissitudes de l’existence que les firmes requalifient de pathologiques
Petit exemple : Lilly a réussi en 1999 à faire approuver par l’Agence du médicament des USA le Prozac® pour le traitement du syndrome dysphorique prémenstruel. En clair pour les troubles de l’humeur avant les règles. Eh oui ! Mesdames, ça en impose n’est-ce pas pour quelques petites réflexions acidulées !
Le Champix® est le dernier en date de ces médicaments créés avant tout pour générer un besoin.
Inutile de préciser que les journalistes sont au mieux mal informés ou au pire complices de ces présentations dithyrambiques dans des émissions qui attirent de plus en plus de public.
Nous ne nous étendrons pas sur le soutien des firmes pharmaceutiques aux associations de patients.

renforcer la compétence

La formation et l’information des médecins sont donc des enjeux majeurs pour la politique de santé dans tous les pays. Mais dans un contexte de plus en plus concurrentiel et des « découvertes » plutôt rares il est fort à parier que le lobby des entreprises du médicament (le politiquement correct de Big Pharma) s’agitera encore autour des politiques comme des mouches autour…d’un pot de miel.
Nous sommes tous responsables, médecins et patients, de céder ou résister à la facilité. Facilité lorsque les firmes payent les formations ou les congrès, facilité quand elles soutiennent les associations de patients, facilité quand nous faisons des prescriptions complaisantes…
Nous pouvons choisir de soutenir les revues indépendantes, de payer nos formations en exigeant qu’elles soient faites par des experts indépendants et à des prix cohérents, nous pouvons refuser de recevoir les visiteurs médicaux. Bref nous pouvons choisir d’être responsables et exercer un contrôle de l’information dont nous avons besoin.
Nous oublions trop souvent aussi que l’union fait la force et que les guéguerres entre praticiens et patients, entre public et privé font un lit bien moelleux pour tous ceux qui cherchent sans relâche à nous imposer une vision mercantile de la santé.
Quelle valeur pourra-t-on accorder aux évaluations des pratiques professionnelles si elles sont directement sous perfusion de Big Pharma ?
Le débat n’est pas nouveau mais rien ne change malgré des déclarations de « bonnes intentions » la main sur le cœur et la tête dans le CAC 40.
Dans le cadre de la nouvelle organisation de la FMC les organismes de formation devront être agréés pour pouvoir délivrer des formations donnant droits à de crédits. Inutile de vous préciser que la bagarre va être saignante.
Note : Vous pouvez aussi lire le rapport des travaux de la mission d’information médicaments sur le site du sénat http://www.senat.fr


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :«Ma réponse tient en trois mots : Im Po Ssible ! »
Sam Goldwyn


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