De qui souffrez-vous?
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CHAPITRE 2 : LE REMEDE MEDECIN

Rien de plus banal que les rencontres qui marquent durablement, parfois définitivement, une vie d'homme. Elles sont en général peu nombreuses, du moins en apparence, ce qui facilite singulièrement le souvenir que l'on peut en garder. Les études de médecine, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises, constituent une longue période de redites d'un même discours; nécessaires, mais fastidieuses. Et insuffisantes, car n'abordant les problèmes de santé de l'homme qu'à travers une philosophie positiviste implicite, digne du siècle dernier. La distorsion entre un contenu qui se veut, et qui est ,de plus en plus scientifique dans son expression, aussi biochimique que possible, et une grille de compréhension du monde pour le moins simplificatrice, a toujours frappé le jeune étudiant que j'étais. Rien d'étonnant quand on a eu l'idée curieuse d'avoir une formation littéraire, modeste, durant ses études secondaires. Socrate, qui fut condamné, dit-on, dans un exemple classique de la grammaire grecque, pour avoir corrompu la jeunesse, n'est pas passé par là sans laisser quelques traces.

Étrange impression que l'on entre en médecine comme on entrait en religion. Ce qui fut accepté sans discussion, ni état d'âme. L'initiation à un jargon ésotérique, où chaque mot est doté d'une signification bien précise, mais aussi possède régulièrement plusieurs synonymes indifféremment utilisables en est le premier stade.. Fièvre, température, pyrexie et hyperthermie ne désignent qu'une seule et même chose : ça chauffe. Puis les sciences fondamentales sont venues renforcer cette spécificité du parler médical, qui n'a rien à envier au latin de nos confrères du 17 ème siècle.

Quelle impression d'ouverture sur le monde de tous les jours, lorsque l'on a la chance d'effectuer, au cours de son externat à Paris, un stage dans le service du Professeur André Bourguignon ! Soudain, on ne parlait plus de molécules ou d'anatomo-pathologie, en nous demandant de remplir chaque matin de longs et fastidieux dossiers d'observations de malades, parcourus, dans le meilleur des cas, par l'oeil distrait d'un interne ou d'un assistant. Nous avions pour seule mission, dans ce service de malades chroniques, de parler, autant que nous le voulions, et comme nous le voulions, avec un ou plusieurs patients.

Chaque mercredi, rituellement, le patron, théâtralement drapé dans sa cape bleue de l'assistance publique, mettant en valeur la blancheur immaculée de sa blouse et de son tablier blanc, dirigeait, de main de maître, la réunion hebdomadaire du service. Là se réglaient, à notre grand étonnement, car nous n'avions jamais vu cela ailleurs, les problèmes de fonctionnement de l'équipe, en présence de tous les intéressés. C'est rassurant de constater que les soins aux malades ne sont pas uniquement dominés par des interrogations d'ordre diagnostique ou thérapeutique, mais comportent, aussi, tout un environnement humain, dont on tient enfin compte. La personnalité des soignants comme des soignés n'est plus considérée comme matière négligeable.

Ces réunions hebdomadaires, après la distribution du "supplément de la semaine des hôpitaux", revue médicale dont s'occupait André Bourguignon, étaient aussi l'occasion de séances de sensibilisation à la relation médecin malade, et plus généralement, à la psychologie médicale. Le patron,médecin des hôpitaux, professeur de médecine légale à la faculté, mais aussi neuropsychiatre et, surtout, passionné de psychanalyse freudienne, nous initiait à une autre vision du monde de la maladie. Ceux d'entre nous qui le souhaitaient pouvaient également faire un exposé sur des ouvrages proposés par le chef de service.

Cela été le temps de découverte de la pensée de René Dubos, à travers son ouvrage " Mirage de la Santé", et aussi d'un certain Balint. Celui-ci, psychanalyste hongrois, réfugié en Angleterre, a eu l'idée, au début des années cinquante, au moment où s'est mis en place le National Health Service, de travailler avec un groupe de douze médecins généralistes sur les aspects psychologiques de la relation médecin-malade. Son ouvrage "le médecin, son malade et la maladie" a été , comme pour tant d'autres médecins, une véritable révélation confirmant l'avenir possible de la médecine générale comme discipline autonome , et non comme sous-produit de la noble médecine hospitalière .

Le médecin est enfin considéré comme étant, en lui-même, un remède, dont il lui faut apprendre, à travers sa propre expérience clinique, les indications, les contrindications et la posologie. Car, comme tout médicament, il est aussi susceptible d'être toxique. Point de vue proprement révolutionnaire, qui n'a pas encore été compris par l'ensemble de la profession, loin s'en faut.

Cet intérêt pour l'apport des idées de Balint à la pratique médicale quotidienne n'est pas resté purement théorique , avec la création quelques années plus tard d'un groupe de formation à la relation médecin-malade. Avec pour modérateur, le docteur Franck Faure, généraliste et psychanalyste bordelais, alors président de la société médicale Balint.

Pour rester aussi concrets que possible, nous allons tenter, à travers trois nouvelles observations de malades, d'aller un peu plus loin dans la compréhension de ce que peut être ce fameux remède médecin.

 

1) UNE GUÉRISON INEXPLICABLE:

C'est varié, une consultation de médecin généraliste. Tous les quarts d'heure, parfois moins, de temps en temps beaucoup plus, le médecin doit instantanément oublier le cas qu'il vient de rencontrer, pour rester disponible au problème nouveau qui va lui être soumis. Cette gymnastique permanente, qui nous fait passer de la suture d'une plaie à la dépression nerveuse, sans oublier la confection des innombrables certificats nécessaires aux actes les plus simples de la vie, constitue l'un des charmes de la profession. Mais, il faut bien le dire, à notre grande honte, nous ne sommes que des hommes et il arrive parfois que notre attention décroche quelque peu.

C'est tout à fait ce qui vient de se passer avec Louise, c'est à craindre . Qu'à soixante et onze ans, on puisse souffrir de douleurs ostéo-articulaires , parce que, comme tout le monde, on a des os qui se sont décalcifiés, et des cartilages en compote, rien de bien étonnant. Examen clinique, puis consultation des radios et de l'analyse de sang confirment la banalité d'une telle pathologie. L'ordonnance est vite expédiée, et la feuille de soins de la sécurité sociale promptement remplie. Dans l' impatience mal camouflée de recevoir le client suivant , le médecin se lève de mon bureau. Louise, toute frêle, toute pâle, toute de noire vêtue, l'observe d'un oeil inquiet, par dessus ses lunettes. Pourquoi ne se décide-t-elle pas à partir ? Il est souvent délicat, surtout pour un jeune praticien , de savoir mettre fin à une consultation, et il ne sent pas très à l'aise quand il lui tend la main.

" Docteur, il faut que je vous dise une chose que je n'ai jamais dite à personne, et dont j'ai particulièrement honte. Ce n'est vraiment pas beau, docteur, surtout pour une femme, mais voilà : je bois ". La surprise a été telle que le silence s'est établi . Et puis dire quoi ? Louise, c'est une vieille connaissance , elle n'a ni l'apparence; ni les réactions d'une femme alcoolique. Et puis, elle s'occupe avec tellement de dévouement de son mari qui perd progressivement la tête. Louise est donc partie de la consultation après avoir laché ce paquet bien encombrant.

C'est sûr, maintenant, l'histoire des douleurs n'était qu'un prétexte qu'elle fournissait; elle demandait surtout une aide d'une autre nature, que le généraliste se sentait bien incapable de lui donner. En effet, les problèmes d'alcool, il n'y connaissait strictement rien. Peu de temps auparavant, pour un cas d'alcoolisme féminin, à la demande du mari, et ne sachant que faire, il avait fait hospitaliser une malade, contre son gré, en service de psychiatrie. Et en précisant bien dans sa lettre que la seule solution possible lui semblait être, étant donné le caractère récidivant de cette alcoolisation, une pose d'implants sous cutanés de disulfirame. Ce produit, dit d'interdiction, donne en cas de prise d'alcool des réactions très pénibles, comme des bouffées de chaleur, des battements cardiaques importants ou des nausées. Les résultats avaient été catastrophiques.

Paradoxe, un de plus, mais de taille. L'alcoolisme est, de l'avis de tous, le plus grave problème de santé publique que nous connaissions. Il touche directement un à deux adultes sur dix, en France, où, vaille que vaille, nous conservons le double record de la production et de la consommation de boissons alcoolisées. La liste des maladies qu'il peut favoriser est impressionnante, et trop connue pour être répétée ici. Nous médecins en avons soigneusement appris durant nos études toutes les complications. Mais, en ce qui concerne le traitement même des personnes atteintes de cette intoxication, nous n'avons reçu aucune formation. Il faut se rendre à l'évidence, pour la science médicale, jusqu'è ces toutes dernières années, le malade alcoolique n'existe pas. Seul le cirrhotique mérite l'attention des médecins. Qu'il n'existe pas encore de chaire d'alcoologie dans les facultés n'est, cependant, pas plus illogique que l'attitude de l'état qui tire un profit direct important de la vente d'alcool, et par ailleurs finance, fort chichement, quelques timides actions de prévention et de soins. L'ensemble de la société n'est pas plus clair en montrant du doigt ces pestiférés de drogués, qui utilisent des produits illégaux, et inconnus des adultes, pendant qu'elle tolère très largement des conduites rituelles d'alcoolisation, qui mettent en jeu de multiples vies. L'hécatombe routière monstrueuse des sorties de bal du samedi soir n'existe pas pour une presse qui parle abondamment de la moindre mort par overdose d'héroïne.

Quand Louise revient en consultation, quelques semaines plus tard, son médecin est dans ses petits souliers. Que va-t-il bien pouvoir lui dire ? Quel traitement lui proposer ? Une cure de désintoxication, il ne sait pas trop ce que c'est, et puis elle va sûrement refuser. Le voilà dans de beaux draps. A peine entrée dans le cabinet, c'est la grande surprise, Louise éclaire son triste visage d'un bon sourire. " Docteur, je ne sais comment vous remercier, mais depuis que je vous l'ai dit, la dernière fois, je n'ai pas retouché à une goutte de vin ".

Incroyable, et pourtant son généraliste y a cru, sans savoir pourquoi. Alors qu'il était persuadé, à l'époque, comme tout un chacun, que la parole d'un alcoolique n'était pas une vraie parole d'homme. Promesse d'ivrogne, n'est-ce-pas? Elle a alors raconté qu'elle avait déjà tenté de dire cela à un autre médecin, mais qu'elle n'avait pas pu. Et que c'était une histoire très ancienne, remontant aux premiers temps de son mariage. Elle aurait tant voulu avoir des enfants. Toute sa vie, elle avait du se contenter d'élever ceux des autres, en buvant son vin blanc. En douce, avec la crainte constante que quelqu'un ne perce son secret. Son mari s'en est sans doute aperçu, mais ne lui en aurait jamais parlé. Les familles ont parfois de ces secrets.

Elle est devenue intarissable, la petite Louise, et elle tente de rattraper le temps de ces années lourdes de silence. Rien d'autre à faire que de l'écouter. C'est maintenant le praticien qui apprend. Elle ne demande aucun médicament à la fin de la consultation qu'elle fixe elle-même, en disant que d'autres personnes attendent leur tour.

Elle est revenue souvent, Louise. Pour ses douleurs et sa tension, avec, toujours, le petit refrain de la reconnaissance, qui met si mal à l'aise. Car, comment ne pas avoir l'impression de n'avoir rien fait dans toute cette affaire ? Elle est toujours de ce monde, bien bien vieille, dans une maison de retraite. Et toujours sobre.

Comment expliquer ce cas, où la malade a réussi à guérir d'une maladie que le médecin, il est parfaitement placé pour en témoigner, ne savait absolument pas soigner? Et qui était même certain du terrible dicton: qui a bu, boira. Impossible d'être plus pessimiste. Il est difficile alors de parler de suggestion du genre; "guérissez, je le veux'. Quelque chose s'est passé malgré lui . Et pourtant, c'est aussi évident, sa présence a servi de révélateur, pour permettre à la malade de sortir de son secret.

Le remède médecin, cher à Balint, qui apparaît ici à l'état quasiment pur, a joué le rôle principal dans cette affaire. Peut-être certains ont-ils du mal à comprendre cette notion. Elle est en fait très simple. Vous connaissez, par expérience vécue, l'histoire de la dent qui vous fait souffrir depuis plusieurs jours, et qui devient indolore dans la salle d'attente du dentiste. Le médecin, par sa fonction, possède une espèce de capacité innée de guérisseur. Sa présence même, dans certains cas, est déjà un traitement.

Or, comme toute thérapeutique, il peut avoir des effets bénéfiques, comme avec Louise, ou toxiques. On imagine facilement , car cela arrive, que l'intervention, parfaitement bien intentionnée et techniquement impeccable d'un médecin puisse aboutir à un mauvais résultat. Nos amis chirurgiens, bien que peu portés sur les problèmes psychologiques, sont bien obligés de constater que la qualité de leurs résultats, pour une même opération, varient formidablement d'un sujet à l'autre. Et cela n'a rien à voir avec la facilité ou la difficulté de l'acte opératoire. Eux disent volontiers que cela dépend du "moral" de leur malade. C'est une explication qui a le mérite de laisser dans l'ombre leur responsabilité personnelle.

Car, ce remède médecin, quand on a constaté son existence, demande à être travaillé, pour le rendre le plus actif, et le moins nocif possible. Dans l'état actuel de l'exercice médical, la seule possibilité de formation dans ce domaine, à mes yeux capital, est offerte par les groupes Balint, où une dizaine de médecins travaillent à analyser, ensemble, les cas concrets sur lesquels ils buttent. Avec l'aide, dans la plupart des cas, d'un analyste, jouant le rôle de leader.

Cependant, il faut rester réaliste. Malgré l'ancienneté et la notoriété du mouvement Balint, seulement deux à cinq pour cent des praticiens ont fait l'effort de consacrer une à deux soirées par mois, pendant trois ans, ou plus, pour perfectionner leur pratique. Le fait qu'une telle formation ne soit reconnue ni par l'université, ni par les organismes de sécurité sociales, et donc n'apporte aucune possibilité de contrepartie financière, n'y est certainement pas étranger. Mais, pour beaucoup, la méthode Balint est considérée comme une façon compliquée de perdre son temps dans des discussions sans fin sur le sexe des anges. Voir une sorte de société secrète aux objectifs troubles. Ces objections, malgré leur caractère un peu excessif, ne manquent cependant pas de bon sens. Il suffit de constater combien il est difficile de définir clairement ce qui se passe dans un groupe de ce type, pour comprendre ce point de vue.

Autant la qualité du travail d'échange, sur le terrain concret des cas cliniques vécus, est capable de satisfaire les participants, autant l'élaboration théorique, l'interprétation, au sens psychanalytique du terme, qui se veut explicative de la relation médecin malade, devient souvent filandreuse et rébarbative. Les travaux écrits, même les mieux intentionnés, par leur formulation ésotérique, se transforment en une puissante contre publicité. Les médecins sont des gens prudents, et savent se méfier de ce qu'ils ne peuvent pas comprendre.

Louise a été, elle aussi, quelqu'un d'important pour l'auteur de ces lignes . Elle lui a prouvé, sans le moindre discours, ce qu'il ne faisait que soupçonner de façon théorique. Il était porteur, lui aussi, comme les autres, de cette qualité de remède médecin. Mais aussi, qu'il n'en n'avait pas la moindre maîtrise, et qu'elle ne se manifestait pas du tout quand et où il le cherchait . Son désir de soigner les autres n'en n'était pas, forcément, le moteur le plus efficace.

Et puis, elle a réussi l'exploit de commencer à initier son médecin à la réalité vécue du sujet alcoolique. Pour lui , auparavant, l'alcoolisme n'était guère qu'un problème de robinet. L'alcool est toxique pour le foie et le système nerveux, tout le monde le sait. La seule solution raisonnable, pour quelqu'un qui a bien compris cela, est d'arrèter les prises excessives d'alcool. En conséquence, le rôle du médecin est d'essayer d'empêcher les gens de boire, en sachant que c'est pratiquement impossible. Cette belle certitude, Louise l'a fait voler en éclat, par sa simple histoire. Cette intoxication se situe dans une existence d'homme, et ne peut être comprise si on la sépare artificiellement de ce contexte vécu.

Enfin, elle a semé en moi une graine, qui s'est révélée féconde par la suite, le doute. Vous savez, ce vieux doute que conseille tant Descartes, dans son discours de la méthode. " Je doute, donc je suis", nous prévient-il.

Et si les malades alcooliques n'étaient pas tous condamnés à répéter, jusqu'à ce que mort s'en suive, leurs dramatiques ingestions? Et si, par hasard, nous pouvions les aider dans cette recherche, comme cela a pu être fait , sans le vouloir, dans son cas ?

2) SAVOIR ATTENDRE:

C'est vraiment une vieille connaissance , le ventre de Monique. Depuis, plusieurs mois, elle revient régulièrement parler des douleurs qu'elle ressent dans l'abdomen. Elle a, bien sûr, bénéficié de tous les examens destinés à découvrir une lésion organique responsable de cet état de fait. Rien de notable, si ce n'est une douleur diffuse provoquée par la palpation du cadre colique, et une image de colon spasmé à la radiographie. Autrement dit, en termes médicaux , Monique présente une colopathie spasmodique.

Que le lecteur non médecin ne se laisse pas prendre à cette étiquette ronflante, car c'est un procédé classique, en médecine comme ailleurs, pour cacher notre ignorance. On aurait pu parler tout aussi bien de colite, ou même de colopathie fonctionnelle. Toujours cette fichue manie de nommer une seule chose de plusieurs manières, qui, entre autre, complique considérablement l'utilisation de l'ordinateur en clinique.

En fait, bien sûr, vous avez reconnu l'une de ces mystérieuses maladies fonctionnelles, dont nous avons parlé auparavant.

Monique, mère de famille modèle de trois petits enfants, commerçante consciencieuse, à l'issue d'une consultation consacrée à ses problèmes habituels de tuyauterie, se met à éclater en sanglot. Elle, d'habitude si maîtresse de ses émotions, éclate littéralement: " je n'en peux plus, c'est devenu l'enfer à la maison, mon mari boit , mais surtout ne lui en parlez pas, il ne le supporterait pas".

Instruit par l'expérience de Louise, et de quelques autres, je me suis bien gardé de vouloir intervenir à tout prix. Après tout, Germain, puisque tel est son nom, ne demande rien. Il ne semble pas en danger vital immédiat, au nom de quoi aller l'ennuyer ?

L'affaire en reste donc là, à la satisfaction de chacun , car, après cette confession, le ventre de Monique semble se calmer. De là à établir un lien entre les deux évènements, la vanité du thérapeute n'hésite guère. Cette fois ci, le remède médecin a fonctionné comme il le souhaitait .

Trois ans après, un beau soir, appel à domicile angoissé de Monique. Là Germain, prostré devant le coffre de sa voiture tente d'extraire d'énormes blocs de pierre. Sans succès, car il tient à peine debout, tellement il est ivre. Que veut-il faire de tout cela, il est bien en peine de l'expliquer, mais il accepte, sans difficulté, la proposition de venir s'asseoir pour parler. Comme certainement beaucoup d'autres, son généraliste pas particulièrement à l'aise dans des situations de ce type, se demandant toujours quelle peut être la réaction d'un sujet qui a perdu la maîtrise de lui-même, devant l'intrusion d'un étranger qu'il n'a pas sollicitée. Mais qu'existe-t-il en dehors d'une tentative d'échange de paroles pour dédramatiser ce type de situation.

Car Germain ne s'est jamais fait soigner lui-même . Comment le connaître ? Si ce n'est à travers les fréquentes maladies des enfants. Commence alors un entretien hallucinant, au milieu des innombrables répétitions et des multiples et changeantes manifestations émotives, dont a pu se dégager, à grand peine, une ligne directrice qui soit accessible à son vis-à-vis .

La situation concrète est la suivante, selon ses explications. Sa femme, le voyant rentrer dans cet état univoque, lui a mis clairement le marché en main. Ou bien, tu arrêtes l'alcool, ou bien nous divorçons. Et cela avec une telle fermeté qu'il ne lui est plus possible de trouver un faux fuyant, au moyen d'une promesse de modération , dans l'avenir. Il sait trop bien, comme elle, que, justement, son problème est d'être incapable de limiter ses prises d'alcool. Une fois qu'il a commencé, un verre attire immanquablement le suivant, sans qu'il puisse rien y faire. Sinon ressentir une terrible culpabilité devant son incapacité à boire comme tout le monde. Cette dépendance, cette addiction, termes habituellement utilisés en médecine pour décrire ce phénomène, est en tout point comparable à celle engendrée par ce qu'on appelle les drogues dures, comme l'héroïne. Il suffit, pour s'en convaincre, d'avoir assisté, une seule fois, aux épouvantables manifestations causées par les hallucinations du delirium tremens. Rien à voir avec les gentils éléphants roses, dont on plaisante volontiers. Le sujet, en manque aigu d'alcool, est en proie à un monde imaginaire particulièrement effrayant, et agressif pour lui. Là où un témoin ne voit qu'objets banaux. Des taches de lumière sur un plafond se transforment en paquets d'araignées ou en noeuds de serpents grouillants. Les bruits de la rue deviennent les voix menaçantes d'un groupe de comploteurs.

Et puis, Germain n'est plus un enfant, il a trente quatre ans; et il a déjà essayé par lui-même d'arrèter, à de nombreuses reprises. Sans succès. Mais il a maintenant le dos au mur, et fait appel à une aide extérieure, en mettant sa fierté dans sa poche.

Il y a là de quoi valoriser le thérapeute, qui a toujours bien du mal à ne pas jouer les sauveteurs. Un peu à l'image des héros des feuilletons télévisés qui mettent en scène des médecins des services d'urgence. Difficile de ne pas succomber à la fascination du personnage de Zoro. La tentation, donc, est de profiter de cette situation, où Germain est en état d'infériorité, pour lui imposer une analyse raisonnable de la situation dans laquelle il est , et le plan d'action personnel du praticien pour le sortir de là. C'est le mode de fonctionnement médical habituel. Le docteur, selon l'étymologie du mot , c'est celui qui sait. Qui sait ce qui est bon pour tous et pour chacun, en toutes circonstances. Cette idée, pour le moins simpliste, n'existe pas que dans notre petite tête humainement vaniteuse de professionnels , elle est fort répandue dans le public. Comment imaginer qu'un journaliste puisse commenter un fait divers particulièrement sordide sans faire appel aux lumières du psychiatre de service? Ou qu'il soit possible de survivre à la canicule estivale, sans les indispensables conseils du professeur de réanimation?

Mais désormais, nous ne sommes plus tout à fait dans cet état d'esprit. Depuis le cas de Louise et de quelques autres, qui n'ont pas aussi mal tourné qu'on était en droit légitime de le craindre, le désir de soigner des malades alcooliques s'était peu à peu fait jour . Envie ancienne, devant la constatation du gaspillage insensé que constitue le traitement, à grands frais, des complications de cette intoxication. Près de la moitié des lits d'hôpitaux, en France, seraient occupés par des malades ayant une consommation excessive. Ce n'est pas rien. Et le plus dramatique est que l'on se contente classiquement de prendre en compte uniquement les complications, sans se soucier un instant de l'intoxication elle-même. Tout à fait comme si des pompiers, devant une maison en feu, ne se préoccupaient que de faire disparaître l'épaisse fumée noire qui s'en dégage et signale sa présence des kilomètres à la ronde. Que de soins dépensés, en pure perte, pour traiter des sujets atteints de cirrhose hépatique, qui recommencent à boire dès leur sortie d'hôpital. On s'est admirablement occupé de leurs cellules hépatiques défaillantes, dans la plus pure tradition de la médecine spécialisée. Mais personne ne s'est soucié de savoir qui ils étaient, comment ils vivaient, et s'il leur serait possible de se passer d'alcool, une fois de retour dans leur milieu de vie habituel.

Une rencontre personnelle , une de plus, et non des moindres, confirme la pertinence d'une telle observation. Celle de Jean-Michel Haas, spécialiste des maladies du tube digestif et médecin hospitalier. Ce diable de petit homme cache, sous une apparence benoîte, une volonté de fer. Il a connu l'enfer de la déportation, et, par la suite, constate le dramatique retour en force des affections cirrhotiques dans les années qui suivent l'occupation. Alors que ces maladies avaient totalement disparu à la suite de l'abstinence forcée des années noires de l'occupation allemande du territoire français . Il a le courage de prouver à un monde médical indifférent, ou rigolard, qu'il est possible de soigner les malades alcooliques, comme tous les autres. Pendant des années, son modeste service de Saint-Cloud, a été le seul à recevoir des intoxiqués en traitement pour tout Paris, en dehors des institutions psychiatriques .

Inlassablement, il cherche à convaincre de la nécessité d'une prise en compte globale de ce problème par tous les médecins, au lieu de continuer à le confiner uniquement au domaine de la psychiatrie, comme on le fait classiquement. Et de joindre le geste à la parole, prenant son bâton de pèlerin pour aller porter son message d'un bout de la France à l'autre, à ceux qui ,sur le terrain, sont au contact direct des malades. Il a eu le talent d'en convaincre plus d'un, je peux l'affirmer. Hass est allé jusqu'au bout, et tel Molière, est mort à l'ouvrage. C'est au cours d'une réunion de médecins, qu'il animait, qu'il s'est effondré.

Nous tombons d'accord, avec Germain, sur la nécessité d'une courte hospitalisation pour réaliser, dans les meilleures conditions de confort, l'indispensable sevrage d'alcool. Ce qui est fait dès le lendemain, sans la moindre difficulté, comme c'est très généralement le cas. Cette coupure avec le toxique, à l'aide d'un traitement simple, n'a rien de dramatique, et est obtenue chez tous les malades hospitalisés. Mais, tout, à nouveau, redevient comme avant, dès qu'ils ont franchi la porte de l'hôpital, avec leurs problèmes personnels dans leur valise. La récré, c'est fini, la vraie vie des vivants reprend. Avec tous ses fardeaux.

Germain, lui, est un consciencieux, et veut profiter de son séjour en hôpital pour arrêter aussi de fumer. Tabac et alcool, couple terrible, mais souvent inséparable. Chaque jour, il devient un peu plus clair dans sa tête, et donne, comme il est coutumier dans ces cas, l'impression de rajeunir. A la grande joie du médecin, qui aurait alors une discrète tendance à se prendre pour son confrère Faust. Vite réprimée, rassurez-vous.

Et puis notre instituteur, puisque tel est son métier, est allé faire un long séjour en maison de repos, à la montagne. Il en est revenu en pleine forme et a repris son travail. Un an après , naissait un joli petit enfant brun , dont le médecin de famille soigne toujours les petits bobos, avec attendrissement, depuis plus de dix ans.

La question qui se pose est celle-ci: qui a soigné l'autre. Le médecin , porteur officiel du fameux remède médecin, a beaucoup appris de Germain. Son seul mérite est d'avoir su attendre, et de l'écouter. C'est le patient qui lui a fait comprendre, de l'intérieur, ce que peut être la souffrance de celui qui est piégé par son produit. Et pas les savantes descriptions livresques. C'est lui qui lui a enseigné la vanité de vouloir trouver un pourquoi à son comportement. Pourquoi polariser son attention sur des explications hypothétiques invérifiables? Que son narcissisme soit défaillant, qu'il souffre d'une homosexualité latente, d'une carence affective de la petite enfance ne sont guère des éléments plus utilisables, en pratique, que d'évoquer sa faiblesse de caractère, sa femme autoritaire ou ses soucis d'argent. Nous, médecins, sommes souvent convaincus, pourtant, de la nécessité d'une telle démarche. De la même manière qu'il faut retrouver le vilain microbe d'une infection urinaire. L'ayant reconnu, nous l'éliminons par le remède approprié. C'est logique, non? Mais toujours efficace? Nous aurons l'occasion d'en reparler.

3°) PAN SUR LE BEC !

Une longue dame mince, au profil aussi acéré que la voix. Ainsi se présente Solange, avec l'assurance des gens qui n'ont pas connu, depuis bien longtemps, de problèmes de fin de mois. Très bon chic bon genre, tailleur strict, maquillage discret. Elle entre dans le bureau du médecin avec une pile impressionnante de radios. C'est une nouvelle patiente , mais le praticien soigne habituellement la famille de son fils.

Et la voici détaillant les symptômes intimes qu'elle ressent depuis des années, malgré les tentatives multiples de traitement qu'elle a déjà tentées. Situation stimulante, de prime abord, pour le médecin : il lui faut absolument être meilleur que les autres qui ont échoué .

Elle aussi, décidément, c'est une mode fort répandue, se plaint de ses intestins. Avec explique-t-elle, gravement, des gaz, fort gênants en société. Et surtout des alternances incessantes de diarrhée et de constipation qui la gênent beaucoup.

Nous voici, à nouveau, en pleine maladie fonctionnelle, comme dans le cas de Monique., que nous connaissons. Les médecins, qui voient chaque jour de nombreux cas comparables de colopathie fonctionnelle, constatent que les troubles ressentis par les malades disparaissent assez facilement avec un traitement simple. Mais, qu'au bout de quelques semaines, l'effet des médicaments semble s'épuiser. Il faut donc modifier la thérapeutique en permanence. Jeu exténuant, et démoralisant, quand on s'entend dire un mois après, souvent avec un certain sourire : " Vous savez, Docteur, vos médicaments, ils ne me font plus rien ".

Il est impossible d'échapper à cette situation répétitive, mais sans perdre courage. Car l'espoir demeure de comprendre enfin, la fonction de cette pathologie dans la vie de Solange. Essayons de l'écouter le mieux possible comme nous l'avons déjà appris . Mais, ce n'est pas une tâche facile. Car autant elle est prolixe quand elle décrit ses spasmes internes, et l'état variable de ses petits et gros cacas, autant elle a peu de choses à dire sur elle-même. Comment, en bon balintien, aller plus loin dans l'entretien ? Essayons de couper en deux le temps de la consultation . La première partie est consacrée à son colon, dont elle parle d'abondance, que le généraliste palpe régulièrement, non pas pour confirmer le diagnostic médical, mais pour lui montrer, par le toucher, qu'il s'intéresse à son histoire. Dans la seconde partie, le médecin essaie de la faire parler de sa vie. Il y a de la matière, quand on a soixante douze ans.

Peu à peu, au fil des consultations, nos relations s'assouplissent. Il lui est prescrit, sans trop de difficulté , un traitement différent à chaque fois. En échange, elle livre quelques brides de sa biographie. Mais tout cela n'avance guère . Le doute s'insinue , pourra-t-elle vraiment guérir un jour ?

Et puis, un jour, coup de théâtre en fin de consultation. Solange semble soudain très émue, ce qui n'est pas dans ses habitudes et confie l'histoire suivante. Son mari, bon bourgeois , au demeurant fort respectable, la trompait régulièrement, quand il était encore de ce monde. Elle s'en accommodait assez bien. Mais, un jour elle dit avoir appris que ce brave époux entretenait des relations sexuelles régulières avec leur propre fille. L'inceste, quelle horreur, ne manquerez-vous pas de réagir. Encore, dans de lointaines provinces empaysannées jusqu'au cou, ou dans les sordides bidonvilles suburbains; cela peut se comprendre. Mais chez des gens comme nous, non. Les confrères généralistes savent bien, eux, que ce n'est pas si exceptionnel que cela. Mais, le plus grand silence règne encore autour de toutes ces choses troubles , malgré certaines tentatives journalistiques récentes . Solange, elle-même, n'a pas failli à cette règle sociale impérative. Elle n'en a jamais parlé à âme qui vive, pendant des années entières, jusqu'à ce jour ; affirme-t-elle .

Une fois de plus le remède médecin est en train d'agir. L' attitude d'écoute patiente a, enfin, permis à la malade d'exprimer ce secret terrible qui l'étouffe. Qui lui fait mal au ventre, au propre, comme au figuré. De là à penser que c'est l'origine de sa colopathie fonctionnelle, il n'y a qu'un pas, qu'il est tentant de sauter, à pieds joints. Pour une fois qu'on peut remonter aussi loin, dans ce qui peut être compris comme la genèse d'un trouble fonctionnel chronique, la guérison doit être automatique. En bon médecin, baignant implicitement dans une société imprégnée de notions freudiennes, plus ou moins mal digérées, on est persuadé que la simple prise de conscience de la relation entre la colopathie actuelle et le secret familial enfoui va avoir un effet thérapeutique non négligeable . Tout comme un symptôme phobique serait susceptible de guérir avec la révélation des problèmes de la petite enfance. Du moins, si l'on en croit certains écrits.

Le médecin imaginait donc, non sans une légitime fierté, Solange, revenant le voir, très souriante, pour lui annoncer que tout allait bien désormais. Le triomphe, modeste, naturellement, du remède médecin. La réalité, hélas, est beaucoup plus cruelle. Solange revient bien en consultation . Mais pour parler à nouveau de ses histoires de pot de chambre, comme si de rien n'était. Et de rabrouer assez vertement son médecin , quand il veut aller au delà.

Comme ses prédécesseurs, le praticien qui croyait avoir si bien travaillé a disparu de sa vie. Sans doute au profit d'un confrère capable de se maintenir plus strictement dans une saine orthodoxie médicale. Et, peut-être, d'avoir , lui , la grande sagesse de renoncer à la guérir.

Ces trois dernières observations de malades mettent en relief l'importance capitale de la relation entre le médecin et son malade, au delà de l'aspect strictement technique, ou même commercial, n'en déplaise à certains, de l'acte médical. La personnalité de l'un comme de l'autre devient une donnée dont on ne peut plus ignorer l'importance en pratique quotidienne. Mais, contrairement à l'idée dominante des milieux médicaux traditionnels, cette relation ne s'improvise pas. La "psychologie" n'est pas quelque chose d'inné chez le médecin. Le simple "bon sens", si souvent invoqué par les confrères, n'est pas l'apanage des thérapeutes. Il y a bien longtemps que le patient a déjà entendu toutes ces remarques de son entourage. Puisqu'il ne s'agit que des idées toutes faites de l'époque. Hier, c'était le changement d'air pour remonter l'état général du petit. Comme si les miasmes d'une atmosphère jugée insalubre pouvaient corrompre le fonctionnement harmonieux d'un organisme en développement. Aujourd'hui, c'est le "secouez-vous, sortez, faites du sport" copieusement distribué aux malades dépressifs. Ce qu'il s'épuisent déjà à faire, alors que leur maladie, justement, les prive dramatiquement de toute envie de faire quoi que ce soit. Le: " lève toi et marche " n'est pas à la portée du premier venu !

Le très grand mérite de Balint est d'avoir compris que l'apprentissage de cet aspect de la pratique médicale n'est pas d'ordre intellectuel. C'est une véritable formation personnelle, qui ne peut se réaliser qu'à partir des cas concrets rencontrés par le médecin lui-même. C'est pourquoi, le problème de la formation psychologique des étudiants médecins reste entier. Ou bien, comme c'est parfois le cas, et pour se donner bonne conscience, on les abreuve de connaissances théoriques. Avec d'un côté, des pauvres rats que l'on poursuit dans des labyrinthes avec de cruelles décharges électriques, et de l'autre, un fatras théorique verbeux, inutilisable en pratique. Ou bien, plus courageusement, on tente de les faire réfléchir sur la relation entre le médecin et son malade. Mais, c'est encore bien lointain, et puis, une cervelle de carabin a déjà tellement d'informations "scientifiques" à engranger, qu'elle n'a plus guère de disponibilité pour des sujets qui ne peuvent faire l'objet d'examens.

Cependant, trente ans de réflexion des groupes Balint, à travers le monde entier, n'ont pas fait avancer d'un pouce la compréhension que l'on peut avoir de la maladie. Celle-ci serait, en dernière analyse, la lointaine conséquence d'un "défaut fondamental" mystérieux de la personnalité. Situé, bien entendu, dans l'inconscient du sujet. Balint n'a pas été psychanalyste pour rien. Nous reviendrons en fin d'ouvrage ( chapitre 9) sur cette très difficile question.

Est-ce exact? Le médecin généraliste n'a aucun moyen d'en juger. Et puis l'inconscient, ce n'est pas tout à fait son truc. Les interprétations des faits observés en pratique, au moyen d'une grille de lecture psychanalytique, peuvent constituer un divertissement intellectuel savoureux pour éternels balintiens, mais ne restent que des points de repaire volontiers évanescents, et considérés comme inutilisables en pratique par l'immense majorité des confrères.

Enfin, une critique beaucoup plus fondamentale doit être apportée à cette conception balintienne de la maladie. L'attention, comme toujours en médecine, est entièrement polarisée sur le sujet malade. On ne parle jamais que de lui dans les traités médicaux. Balint, observateur de génie, se rend compte que le médecin intervient personnellement dans le déroulement de la maladie. Il déplace alors habilement le projecteur sur le couple que forme le thérapeute et son patient, ce qui enrichit considérablement la scène. Mais, l'inconvénient majeur, ou son avantage, ce qui revient au même, du faisceau de lumière, au théâtre, c'est de laisser dans l'ombre les autres personnages de la pièce. La cause de la maladie est alors à chercher, comme classiquement, à l'intérieur même du sujet . Dans son corps, comme dans sa tête, en poussant, si possible jusqu'à la recherche du "défaut fondamental".

Or, cette quête, en pratique, est des plus aléatoires, nous venons de le voir. Et puis, surtout, elle est gravement parasitée par l'enchevêtrement de toutes les relations inter humaines. Impossible de s'occuper de la colite de Monique, sans prendre en compte l'alcoolisme de Germain. L'un dépend-t-il de l'autre ? C'est possible. Isoler l'un des symptômes d'un malade, sans tenir compte des autres, est une démarche très critiquable, sur le plan du raisonnement médical. Pourquoi perd-t-on brutalement cette rigueur en oubliant totalement qu'un malade ne vit jamais seul?

Ce qui est certain, bien que rarement relevé, c'est que, par fonction, le médecin généraliste est amené, sans pouvoir s'y soustraire, à soigner non pas un mais des individus, qui ont entre eux des relations quotidiennes de vie. C'est aussi cela le médecin de famille, appellation un peu démodée, qui pourrait bien reprendre du service. C'est quelqu'un qui ne peut pas rester enfermé dans la traditionnelle relation duelle avec son malade, car la famille est là, et bien là.

Point de vue évident, dont, cependant, les conséquences peuvent avoir de quoi surprendre si on veut bien creuser un peu plus la question.

 

 

Références :

Michael BALINT Le médecin , le malade, et la maladie (Payot)

 

Michael et Enid BALINT Techniques psycho-thérapeutiques en médecine (Payot)

 

Michael BALINT Le défaut fondamental ( Payot )

 

Franck FAURE La doctrine de Michael Balint ( Payot )

 

Raymond-Michel HAAS Médecin du bateau ivre ( Grasset )

 

M. BALINT, R. GOSING, E. BALINT et P. HILDEBRAND Le médecin en formation ( Payot )

 

 

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Bibliographie

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