Françoise Dencuff a écrit dans le
débat sur la LEM
421 : " pour le médecin généraliste,
isolé
dans la Creuse ( ou en Meuse, pourquoi
pas ?), pas simple de partager. Dautant que ce
nest guère dans la culture médicale,
ni dans notre formation. Le refus de soins étant
vécu comme un échec nous avons peur du
regard de nos confrères "
J'ai connu quelques " échecs" en 36
ans de pratique, je ne les ai jamais considérés
comme tels, ayant rapidement admis et partagé
la lassitude profonde des patients
et l'incongruité
des excès techniques et thérapeutiques
que je risquais de leur faire infliger, en pure perte
souvent: le médecin devrait sentir d'emblée
quand il doit se comporter en aidant- accompagnant,
plus qu'en technicien souvent imparfait.
Paroles, gestes et regards sont souvent plus efficaces
que dosages savants et prescriptions compliquées.
A quoi a servi de faire transporter le vieux Léon,
85 ans, victime d'un accident vasculaire cérébral,
en hélico vers le centre de neurochirurgie de
Reims pour apprendre sa mort survenu pendant le trajet
?
Des perfusions de plusieurs millions d'unités
d'une Pénicilline ancienne parce que le vieillard
présente une température élevée
alors qu'il est plongé dans un coma profond et
que sa fièvre est d'origine centrale et non infectieuse
Comment agir quand, médecin traitant, on ne peut
infléchir l'ardeur médicale de certains
soignants hospitaliers pour lesquels il FAUT SOIGNER
D'ABORD, même quand le patient est finissant,
épuisé, meurtri par la maladie et par
les soins imposés et ne peut ou ne sait refuser
et que les familles, hagardes, épuisées
elles aussi, ne savent que manifester un respect inapproprié
et veule devant les médecins du service.
En pratique individuelle, cela paraît plus facile
( encore que rare): le patient doit savoir ce qu'il
a, comprendre ce qu'il encourt s'il refuse, le médecin
doit alors respecter son désir
et rester
quand même là,( à défaut
d'être las) aidant- accompagnant, et peu importe
alors le regard des confrères et de la maréchaussée
vertueuse: c'est vraiment dans de telles situations
que se justifie l'axiome " dialogue singulier entre
deux consciences ": toi et moi seulement, je te
donne ma confiance, fais-en sorte de la mériter
pour que je te respecte, docteur
".
Donc,
idéalement, quand l'avis du malade réussit
à s'imposer, se contenter des seuls soins indispensables:
nursing surtout, antalgie efficace, et surtout pas de
zèle thérapeutique comme le laisse entendre
l'arrêt du 26/10/2001 " « La volonté
du patient peut être méconnue à
la triple condition : qu'un acte médical soit
indispensable à sa survie, que cet acte soit
proportionné à son état et réalisé
avec l'intention de le sauver. »
Vous avez dit " SURVIE " ? Le Survitrage est
généralement supérieur au Vitrage,
la Survie est-elle toujours souhaitable
et souhaitée
par le patient et son entourage direct ? Pourquoi et
au nom de quelle éthique le législateur
décide-t-il de méconnaître la volonté
du malade ? Que chaque médecin et chaque politique,
juriste ou autre se pose honnêtement la question:
" que souhaiterais-je vraiment pour moi, le moment
venu, si j'ai toute ma lucidité ?"
Le malade subit longtemps le pouvoir médical,
qu'on lui laisse, ENFIN, à la fin, le choix final,
me semble
JUSTE. François Jacob l'avait
remarquablement écrit: "
si l'on n'est
pas responsable de sa naissance, on l'est d'une certaine
manière de sa mort. Ce que l'on ne peut oublier,
c'est la peur d'avoir peur,
c'est le DÉGOÛT de devenir dégoûtant,
l'impuissance à éviter l'impotence,
et aussi la terreur
d'être dominé comme un enfant,
de se faire manipuler,
la hantise de devenir autre que ce que l'on est, de
penser différemment et même de ne plus
penser du tout.
Et puis le cauchemar d'avoir à subir, d'être
agi sans pouvoir réagir, ni s'expliquer, ni même
demander , Bref, le spectre du végétal
"
Est-ce cela que proposent les signataires de l'arrêt
du 26/10/2001 ?
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver,
ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plait, vous
déplait ou vous semble mériter telle ou
telle réponse, d'un simple clic sur la photo
de l'auteur et un courrier électronique de votre
part lui parviendra. FMM, webmestre.
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