Il est parfois étrange de constater les
synchronisations dans le temps. Un député,
inconnu du grand public, ancien berger, engage sa vie
et sa santé dans une résistance acharnée
aux violences faites à ses administrés
par le totalitarisme financier. Dans le même temps,
je termine un ouvrage exceptionnel qui, sil arrive
à vaincre le politiquement et intellectuellement
correct ambiant, est et sera une uvre de référence
: Un si fragile vernis dhumanité, Banalité
du mal, banalité du bien , Michel Terstchenko
aux éditions La Découverte.
Depuis des décennies nous nous trouvons enfermés
dans un débat sans fin entre les tenants de légoïsme
psychologique et les partisans de laltruisme sacrificiel.
Pour faire simple entre les salauds et les saints.
Le paradigme égoïste soutenu par Hobbes
ou La Rochefoucauld veut que les conduites véritablement
altruistes nexistent pas ou du moins ne peuvent
jamais être prouvées, tant les ressorts
intimes de la motivation risquent de se révéler
tôt ou tard de nature intéressée.
Alors comment comprendre les conduites effectives des
millions de bénévoles et de donateurs
Les individus normaux et compatissants que nous sommes
ne sont pas prêts au sacrifice absolu pour venir
en aide à leur voisin. Pourtant des milliers
dactions généreuses et désintéressées
sont mise en acte chaque jour.
De plus sil est facile de montrer quil existe
bel et bien un « sens moral » qui ne se
réduit pas à la poursuite de ce qui est
avantageux ou profitable
il reste à expliquer
comment ces sentiments sont si peu capables, en certaines
circonstances, dopposer une résistance
à des conduites humaines de destructivité
qui, loin dêtre le fait de psychopathes,
sont le plus souvent le fait dhommes ordinaires,
nullement démunis dun appareillage éthique
susceptible de leur faire comprendre la nature criminelle
de leurs actes
On ne peut pas mettre les comportements destructeurs
simplement sur le compte de légoïsme.
Ce nest pas la propension, la tendance naturelle
à promouvoir ses intérêts, son plaisir
ou son bonheur qui peut être ici le facteur explicatif
pertinent mais une toute autre tendance et qui fait
lobjet de manipulations multiples : la propension
en certaines circonstances cette nuance est capitale
- à la docilité, à la servilité,
à lobéissance aveugle aux ordres,
aux imprécations de lidéologie,
la propension à se conformer aux comportements
du groupe et aux rôles quune institution
totalitaire attend que vous jouiez. (cf. : La Soumission
à lautorité de Stanley Milgram et
ses expériences sur lobéissance
passive à faire souffrir dautres hommes).
Cette passivité prend dailleurs deux formes,
lune active dobéissance aux ordres
(ce que soutiennent toujours les tortionnaires pour
leur défense
par exemple les soldats mis
en cause à Abou Ghraib ou lors du procès
de Nuremberg), lautre : forme passive du témoin
inactif.
Selon que nous sommes salauds (égoïste ou
soumis) ou saints (prêts à tous les sacrifices)
nous serions donc soit prêts à tout pour
garder notre intégrité physique ou mentale
dans le premier cas (Lhomme ne saurait pourtant,
sans répudier son essence, se réduire
à nêtre quun simple «
être là », une existence qui ne vise
quà se conserver) soit dans un désintéressement
absolu dans le second.
Cest là que toute la thèse de Michel
Terstchenko bouleverse les théories existantes.
Pour lui, laltruisme nexige pas la déprise,
lanéantissement, la dépossession
de soi, le désintéressement sacrificiel
qui sabandonne à une altérité
radicale (Dieu, la loi morale ou autrui). Labandon,
la déprise de soi est au contraire lun
des chemins qui mène le plus sûrement lindividu
à la soumission, lobéissance aveugle
et la servilité.
Seul celui qui sestime et sassume pleinement
comme un soi autonome peut résister aux ordres
et à lautorité établie, prendre
sur lui le poids de la douleur et de la détresse
dautrui et lorsque les circonstances lexigent
assumer les périls parfois mortels que ses engagements
les plus intimement impérieux lui font courir
Laltruisme
comme relation bienveillante envers autrui qui résulte
de la présence à soi, de la fidélité
à soi, de lobligation éprouvée
au plus intime de soi, daccorder ses actes avec
ses convictions (philosophiques, éthiques ou
religieuses), parfois même, plus simplement encore,
dagir en accord avec limage de soi indépendamment
de tout regard ou jugement dautrui, de tout désir
social de reconnaissance.
Autrement dit la « fidélité à
soi » est le moteur indispensable à toute
forme de résistance aux totalitarismes, quils
soient étatiques ou hiérarchiques.
Quel rapport avec notre quotidien peuvent avoir les
expériences de Milgram ou de la prison de Stanford
de Zimbardo, le recueil des témoignages de Justes
ou de nazis après la guerre de 39-45, quelle
importance pour notre futur que la compréhension
des ressorts intimes de la résistance ?
Il est à craindre que la dynamique sociale actuelle
ne soit du côté de la conservation de soi
et de ses acquis
à tout prix.
Peut-on imaginer que léducation actuelle,
les stars ac multiples, le désenchantement
général donnent aux jeunes générations
cette confiance, cette fidélité à
soi, à ses valeurs dont lauteur nous parle
?
Peut-on penser que les plans visant à léconomie
de la santé donnent aux soignants la «
liberté dêtre » indispensable
à la prise en charge de la souffrance de lautre
?
Trouvera-t-on le courage, cette « présence
à soi », de refuser les diktats financiers
ou politiques ?
Le plus grand paradoxe de notre époque restant
que, jamais, lestime de soi na été
autant mise en avant et recherchée
comme
si la recherche dun sens à sa vie nétait
finalement utilisée que pour se trouver mieux
dêtre
soumis !
Nous laisserons à lauteur le mot de la
fin :
La capacité humaine de faire le bien tout comme
celle de faire le mal ne sont pas prédéterminées
par une quelconque « nature » : toutes deux
renvoient à des potentialités enfouies
en chacun de nous, quil sagit pour la première
de favoriser et, sagissant de la seconde, contre
laquelle il convient de se prémunir, aussi bien
individuellement que collectivement. Telle est peut-être
la finalité a plus haute de léducation
Laltruisme est peut-être dans certaines
circonstances, un fait dexception ; mais rien
ninterdit despérer que les hommes,
prenant conscience de leur vulnérabilité,
se dressent à lavenir avec plus de résistances
contre les facteurs qui les poussent ordinairement à
la soumission et à lavilissement.
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver,
ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît,
vous déplaît ou vous semble mériter
telle ou telle réponse, d'un simple clic sur
le lien "Lui écrire" en haut de page,
un courrier électronique de votre part parviendra
à l'auteur.
FMM, webmestre.
|