Non à la précarité a été
lun des grands slogans de nos jeunes, et moins
jeunes, défilant en cortèges dans nos
cités pour manifester. Que voilà une bonne
raison de nous poser quelques questions pour tenter
de comprendre autrement ce qui se passe quen se
contraignant à adopter le point de vue des contre
ou celui des pour telle mesure légale de notre
vie sociale et professionnelle ( quen vérité
on oubliera en quelques mois).
Fidèles à une pratique courante à
Exmed, commençons par passer sous la loupe grossissante
de létymologie le fameux mot, chargé
dans tous les discours des pires maux, de précarité.
Notre dictionnaire de J.Dubois, H. Mitterand et A. Dauzat
est formel. Il sagit au départ dune
notion juridique exprimée par le latin precarius.
Ce qui veut dire : obtenu par prières
( prex). Le fruit de laumône, en quelque
sorte. Puis, peu à peu, sest dégagée
la notion de révocation. Celui qui donne pour
répondre à une demande peut, un beau jour,
décider quil ne donne plus. Ce type de
situation est le quotidien de ceux qui font la manche.
En médecine, parlons clair, un état de
santé précaire ne laisse guère
de doute : la mort est au coin de la rue.
Et voilà, le gros mot absolu, celui quil
ne faut surtout pas prononcer, est là. La mort
rôde dans tout ce qui est précaire, voilà
ce que nous pensons volontiers. Et, à linverse,
la stabilité est, pour la multitude, une véritable
assurance vie. Sept sur dix de nos étudiants,
dit-on, ont pour projet de travailler dans la fonction
publique en France. La vraie vie, la bonne
vie, cest donc celle ou lon bénéficie
dun emploi à vie, suivi dune retraite
précoce garantie par lEtat ? Une vie sociale
stable pour pouvoir vivre en oubliant le plus possible
ce qui nous chagrine tellement. Notre vie elle-même
nest quun bien court sursis, si terriblement
précaire
Si notre course épuisante pour oublier que la
mort nous attend voulait bien cesser, juste un petit
moment, nous pourrions ouvrir les yeux sur ce qui se
passe en nous et autour de nous. Nous aurions alors
le plus grand mal à trouver quoi que ce soit
qui ne soit pas précaire, de nos cellules constituantes
aux montagnes que notre courte vision ne nous permet
pas de voir se transformer. Étrangement, pas
de vie animale, végétale, minérale
ou cosmique possible sans mouvement, sans ruptures,
sans changement, sans mort. Autrement dit, tout est
précaire à qui veut bien voir. A une seule
exception : ce qui est déjà mort. Finalement,
naurions-nous pas tendance, avec la louable intention
de rendre notre vie plus facile et plus aisée,
à nous condamner à un univers placé
sous le signe de la mort ?
La notion de société suicidaire correspondrait-elle
par hasard à une réalité dans laquelle
nous nous complaisons avec notre obsession de nous libérer
de toutes les précarités ? A moins que
notre vieux et excellent clinicien Freud, si mis à
mal en ce moment, nait eu une géniale intuition
en parlant de notre pulsion de mort ? Homo precarius,
voici ce que nous sommes en vérité du
début à la fin de notre vie.
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
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