D'abord,
si le vous voulez bien, fidèles à nos
principes, restons ici modestement mais fermement francophones.
Ce coaching, dont on parle tant et pour tout, en France
ne veut simplement dire qu'entraînement. Depuis
toujours les milieux hippiques, même s'ils affichent
des courses de gentlemen riders et des outsiders, savent
fort bien que, sans entraîneurs expérimentés,
leurs quadrupèdes ne fourniraient pas les meilleures
performances possibles. Les boxeurs, comme tous les
athlètes, ont également coutume de faire
appel à ce type bien particulier de professionnels.
Les
vitrines marchandes, apparentes ou déguisées
- comme elles peuvent l'être dans la presse -
font une énorme publicité à ce
qu'on nomme, snobisme, o I'm sorry snobism, oblige :
des coachs ( or coaches ) (1). Sans vouloir jouer la
traditionnelle mouche du coche, comment ne pas se souvenir
que le coche fut longtemps pour nous une grande voiture
à cheval destinée au transport des voyageurs,
à moins qu'il ne fût d'eau et hâlé
par des chevaux. En tout cas, nous avons gardé
en mémoire ce que pouvait être un cocher,
avec ou sans fiacre. Nos coachs modernes ont laissé
de côté toutes ces vieilleries surannées
pour nous envoyer un message plein d'espoir. Traduisons-le
en le simplifiant : pour améliorer votre vie
professionnelle, tout comme votre vie personnelle :
« Faîtes confiance en notre pouvoir à
vous faire entrer dans l'ère du mieux être
».
Voilà,
à l'évidence, un puissant aimant pour
tous ceux qui ont le sentiment de ne pas aller aussi
bien qu'ils le souhaiteraient.
Certes, l'appât du gain, de la réussite
sociale ou sentimentale est fort répandu dans
des sociétés où la compétition
est une valeur majeure. Le sentiment d'aller mal est
encore plus fréquent. Nos cabinets médicaux
en sont emplis. Et nous voilà, nous médecins,
sommés de collaborer à cette demande implicite
de mieux être. Est-ce vraiment notre travail ?
Sommes-nous des orthopédistes des malheurs humains,
avons-nous le droit de dire à ceux qui nous confient
leur santé ce qui est bon ou ce qui est mauvais
pour la conduite de leur vie personnelle ? Au nom de
quel vérité, de quelle connaissance solidement
et objectivement vérifiée sur le modèle
scientifique, pouvons-nous dire quelque chose ? En vérité,
nous savons fort bien que les messages strictement médicaux
que nous répandons autour de nous sont extrêmement
fragiles. Le temps est encore proche où nous
affirmions que la masturbation conduisait à la
surdité et que la consommation de matières
grasses était toxique pour le fonctionnement
du foie.
Plus
que jamais, la culture intensive et continue d'un esprit
critique intelligent, à commencer par ce qui
concerne nos compétences personnelles, demeure
une nécessité pour nous les soignants,
que nous soyons infirmiers, kinésithérapeutes,
dentistes, psychologues, psychothérapeutes, psychiatres
ou médecins de toutes les disciplines. Car le
port d'une blouse blanche, réelle ou symbolique,
nous met dangereusement en position d'abuser en toute
impunité de notre pouvoir supposé. Alors,
au risque de heurter certains confrères qui sont
persuadés qu'ils ont le pouvoir de fournir un
point de vue de qualité indiscutable dans tous
les domaines à leurs patients, parlons clair
: on ne peut pas dans le même contexte être
à la fois coach et médecin. Ou si l'on
préfère, pour rester dans le domaine du
sport dont nous sommes partis plus haut, il est impossible
d'être à la fois l'entraîneur et
le soigneur d'une équipe de rugby ou de ski.
(1) Sur le sujet, un article conseillé par notre
ami Guy Rouquet de Psychothérapie Vigilance :
"Pour vivre heureux, vivons coachés "Jean-Luc
Ferré, la Croix 1er décembre 2006.
Lien : http://www.psyvig.com/default_page.php?menu=1&page=26
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