Un minimum de culture scientifique s’avère indispensable pour comprendre les grandes questions actuelles liées aux avancées de la génétique, de la biologie et de la médecine. Mais « la réalité est qu'aucun des grands pays industrialisés aujourd'hui ne compte un nombre suffisant d'adultes scientifiquement lettrés » constate Jon Miller, professeur à l'Université du Michigan.
Même constat pour le magazine Sciences et Avenir dans son numéro de novembre dernier: pour beaucoup de personnes, « la science ne rimerait plus qu’avec contrainte ». La proportion d’Américains ayant une culture scientifique générale acceptable est légèrement supérieure à celle des Européens ou des Japonais. Cet écart s’explique par un enseignement obligatoire de science générale pour tous les étudiants dans les universités américaines depuis plusieurs années. Cette instruction obligatoire a porté ses fruits en cinq ans. En 1988, seulement 10% des Américains avaient suffisamment de culture scientifique pour pouvoir lire ou comprendre un article scientifique paru dans le New York Times. En 2005, il atteint 25%.
Cette hausse est à pondérer par l’augmentation des Américains croyant à l’astrologie ou aux extra-terrestres. Cette croyance aux pseudo-sciences touche l’Europe. Que celui ou celle qui n’a jamais regardé pour s’amuser son horoscope jette la pierre à l’autre, Exmédiens y compris ! En 2001, un sondage a montré que 53% des Européens estimaient que l’astrologie était plutôt scientifique, même si les résultats ont pu être faussés par le fait que de nombreuses personnes interrogées auraient confondues astronomie et astrologie.
Selon la sociologue Carol Susan Loch, l’augmentation en la croyance aux extra-terrestres aux États-Unis serait due à l’influence de certaines séries télévisées comme Star Treck ou Twilight Zone. Mais en jouant l'avocat du diable, les séries télévisées fantastiques chez les nouvelles générations n'ont fait que remplacer les contes de fées de nos parents et grand-parents. Avant de se lancer dans la solution ultime d'une croisade pour censurer toutes les fictions fantastiques à caractère pseudoscientifique, et bannir les horoscopes de tous les magazines, il faut tenir compte des bases psychologiques des croyances aux forces surnaturelles censées influer sur notre quotidien. Selon les psychologues évolutionnistes, des croyances pourraient avoir été sélectionnées pour aider à trouver un sens à l’existence, en somme une soupape psychologique de sécurité. Ce besoin de croire à l’irrationnel aurait été sélectionné par l’évolution: la présence de puissances omniscientes et invisibles réduirait les comportements antisociaux, et fonctionnerait comme la peur du gendarme.
Les psychologues évolutionnistes s’attachent à découvrir le type de fonctionnement mental qui se cache derrière certaines croyances irrationnelles et qui auraient aidé nos ancêtres à survivre. Ainsi Jesse Bering, professeur de psychologie à l'Université d'Arkansas cherche à évaluer l'impact de l'évolution sur des croyances surnaturelles et étudie leur apparition chez l'enfant. Entre autres, elle a mené une étude pour déterminer si les enfants ont tendance à croire aux forces surnaturelles ou s’ils acquièrent cette tendance en grandissant,
Elle leur a demandé après un spectacle de marionnettes qui mettait en scène une souris dévorée par un crocodile, ce qui arrivait à la souris après sa mort. Les résultats montrent que les réponses des enfants varient en fonction de leur âge, et qu’ils acquièrent des connaissances sur la biologie de la vie.
L'illettrisme scientifique n'épargne pas certains professionnels supposés remettre à niveau régulièrement leurs connaissances, selon la formule consacrée, « en l'état actuel de la science ». C'est le cas de ceux qui font usage de certaines techniques de psychothérapie où les théories sur le fonctionnement de la mémoire sont pseudoscientifiques, à mille lieux des dernières découvertes de la biologie de la mémoire, ou des neurosciences. À l’instar « des sulfureuses thérapies pour retrouver la mémoire » souvent à base d’hypnose et de suggestion où la mémoire est supposée fonctionner comme un magnétoscope. Une aberration scientifique qui mène à faire croire à des faux souvenirs ou à des fausses reconnaissances d'événements qui ne se sont jamais produits. Et ce qui va suivre n’est pas une fiction mais bien la réalité. Outre Atlantique, certains psychothérapeutes se sont spécialisés dans le traitement des traumatismes psychiques des personnes enlevées par des extraterrestres ( E.T ). Avec une « thérapie pour retrouver la mémoire », les présumées victimes des petits hommes verts croient que tous leurs maux psychiques sont dus à un enlèvement ou à un viol par ces créatures venues d’un autre monde. Éloquent sur la confusion entre la réalité et l’imaginaire injectée chez certaines personnes par des thérapeutes sans bagage scientifique sur le fonctionnement de la mémoire. Des faux souvenirs d'E.T peuvent faire sourire mais lorsqu'il s'agit de faux souvenirs d'abus sexuels, c'est un « effet domino » tragique. D’abord les personnes en thérapie qui croient dur comme fer qu’elles ont été abusées sexuellement alors que ce n'est pas la réalité et de l’autre ceux faussement accusés d’abus sexuel avec les conséquences juridiques que cela peut impliquer.
L’illetrisme scientifique peut conduire à croire aux E.T à l'instar de l’enfant qui croit au Père Noël, certes une trace de l’évolution humaine, mais c'est à consommer avec modération, et surtout ne pas négliger de rajouter une sérieuse rasade de connaissances scientifiques de base.
Sources: Cerveau et Psycho n°21 mai/juin 2007
Dépêche AFP San Francisco, lundi 19 février 2007 , L’illetrisme scientifique
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