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 N° 527
 
 
 
    3 décembre 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Le suicide des médecins

Photo de l'auteur Harold BurnhamPhoto de l'auteur F-M Michaut leur écrire

Régulièrement, la presse médicale se fait l’écho de volontés affichées de limiter le nombre des suicides en France. Et chacun de mettre en avant soit les jeunes, soit les vieux, soit les malades psychiatriques, soit les gens victimes de conditions de travail indignes etc... Mais, cela ne semble guère intéresser les lecteurs que de savoir ce qui en est du côté des professionnels de la santé, et en particulier des médecins. La question de la santé des soignants demeure taboue.

retrouver la confiance

Outre-Atlantique, un article est paru dans le JAMA ( Journal of American Medical Association ), 2005; 294: 1189-1191, écrit par Tracy Hampton, PhD, sous le titre : ''Les experts s'intéressent au risque de suicide chez les médecins''. Le Dr Hampton écrit, dans la toute première phrase de son article, que les études pendant les quatre décennies passées montrent que les médecins se suicident bien plus fréquemment que les non-médecins.
 Les chiffres qu'elle donne indiquent que les risques de mourir par  suicide sont sept fois plus grands pour les médecins mâles que pour les hommes dans la population générale, toutes catégories professionnelles confondues. Chez les médecins femmes le nombre des suicides est entre 25 et 40 fois plus élevé que dans la population féminine générale. Quoique les taux de suicides de médecins, hommes et femmes s'égalisent, le taux de suicides mâles dans la population générale, c’est une notion classique,  est bien plus élevé que celui des femmes. Nous ne savons pas pourquoi il y a un surcroît dramatique dans le taux de suicides chez les médecins-femmes'' affirme Herbert Hendin, M.D., co-directeur de la Fondation Américaine pour la Prévention des Suicides, et professeur de psychiatrie à New York Medical College, à New York.
 Sans étonnement, on apprend que les médecins qui essayent de se suicider avec des médicaments arriveront plus souvent à leur but que les hommes de la population générale. Ceci explique en partie le taux élevé de mort par suicide chez les médecins hommes. Selon le Dr. Schernhammer, dans un article publié dans le NEJM ( New England Journal of Medicine ), 2005; 352: 2473-2476, chez les médecins américains (hommes et femmes) il y a plus de suicides mortels que de tentatives sans succès . Notons que pour les femmes de la population générale, les tentatives sans succès dépassent les suicides “réussis” avec une proportion de 1 sur 10 à 15.

restaurer la conscience

Mais quelles sont les catégories de médecins qui ont le plus tendance à mettre fin à leurs jours ? Philippe Burnham a écrit une thèse de sociologie , ( Middlebury College) en 1977. Le sujet était le suicide chez les médecins aux USA. Il a pu avoir pour cela le soutien du chef des services psychiatriques de l'Hôpital des Vétérans de San Diego, Californie.
Les praticiens les plus représentés dans les études de la littérature médicale sur ces suicidaires ont été les ophtalmologistes. En second lieu, cela surprend moins, ce furent les psychiatres, et enfin, dans ce trio de tête, on retrouvait nos confrères exerçant des spécialités chirurgicales. Dans les trois derniers rangs du classement figuraient les généralistes, les pédiatres et les gynécologues.
Comme si travailler “ dans les tranchées “ au contact direct et intime avec les patients était, étrange paradoxe, finalement moins un facteur favorisant de ce type de passage à l’acte que l’exigence de perfection et la quantité de stress éprouvés par les plus suicidants des praticiens.
Cette étude réalisée il y a 30 ans est curieusement confirmée par mon expérience aux USA. En 45 ans dans le monde de la médecine, j’ai connu une dizaine de médecins suicidés ( Harold). Parmi eux, 3 ophtalmologistes, 4 psychiatres et 3 chirurgiens spécialisés.

renforcer la compétence

En France, la question du suicide des médecins reste largement taboue.
Au Canada existe un système pour inciter les médecins en difficulté psychique à demander de l’aide (PAMQ, programme d’aide aux médecins du Québec).
Pourquoi avons-nous tant de mal, nous les soignants - médecins ou non, peu importe - à tirer une sonnette quand nous sommes en souffrance psychique ? Fernando de Amorim ( consultation publique de psychanalyse de Paris IX) aborde cette question (1), à la suite d’un récent article du Quotidien du Médecin (2).
Les médecins ont tendance à se sentir “narcissiquement ” blessés de faire appel à des spécialistes de la planète psy. Est-ce dû à leur formation essentiellement centrée sur tout ce qui est somatiqe ou technoscientifique ? Cela a-t-il un rapport avec le fait que personne ne se soit jamais préoccupé de leur santé mentale au temps de leur sélection pour les études médicales ?
Danièle Toupillier, la directrice du centre national de gestion ( probablement des médecins des hôpitaux publics - ndlr) - une structure indépendante du ministère de la santé - cherche à « détecter  les médecins en souffrance et à leur apporter de l’aide ». Voici une remarque capitale : « pour qu’un médecin accepte de se faire soigner, il est impératif qu’il puisse recevoir des soins sans que cela soit su par la communauté médicale. S’il a besoin d’un psychiatre, par exemple, celui-ci doit être indépendant, et ne doit pas être délégué par le directeur de l’hôpital ». Le chirurgien Abdelhafid Talha confirme : « On manque de confiance par rapport au secret médical ».
Et nous retombons sur le premier de nos trois “fondamentaux” exmédiens : retrouver la confiance.
Beaucoup reste à faire, c’est évident. Mais que cette question de la santé psychique des soignants puisse seulement être posée ouvertement à tous sur la place publique, et non dans des cercles professionnels feutrés, est un indispensable premier pas.

(1) Fernando de Amorim, Les brèves de la lettre du RPH n°154
(2) Être médecin peut nuire à votre santé. QDM du 8 novembre 200
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Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court : « L’une des manières de ne pas résoudre un problème est de faire comme s’il n’existait pas.»
Paul Watzlawick, psychiatre américain


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