Ah ! Comme il est doux de savoir que nos grands administrateurs prennent soin de notre santé. Grande prise de conscience : l'inégalité d'accès aux soins ! Réponse : les états généraux de l'organisation de la santé. Notre ministre a donc confié à Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins et au Professeur Yvon Berland, président de l'observatoire national de la démographie des professions de santé de mener à bien cette grande messe.
Petite explication de texte pour les aventuriers de l'Arche Perdue que nous sommes tous :
L'observatoire a été créé par décret en date du 19 juin 2003 et regroupe, sous l'autorité du président, nommé pour trois ans, un conseil d'orientation et des comités régionaux, dont la composition est fixée par arrêté. Le conseil d'orientation est composé de dix personnalités qualifiées nommées par arrêté du ministre du 5 octobre 2006 et de cinq membres de droit. Chaque comité régional, présidé par le représentant de l'État dans la région ou dans la collectivité territoriale de Corse, comprend au plus dix personnalités qualifiées dont quatre à cinq membres de droit :
Je vous ferai grâce de l'énumération de tous les membres de droit…disons nos grands administrateurs de la santé, de l'hospitalisation et de l'assurance maladie. http://www.sante.gouv.fr/ondps/index.html
La DHOS quant à elle, est la dernière version de la direction des hôpitaux qui chapeaute toute l'organisation concrète des soins. Ses missions sont plus que vastes : http://www.travail.gouv.fr/.../direction-hospitalisation-organisation-soins-5620.html
Même si le contenu de ces pages vous semble quelque peu indigeste il est essentiel pourtant de les regarder. Ce sont tous ces gens aux parcours édifiants qui font…la loi, cette loi qui d'année en année met à mal la confiance, la conscience et la compétence des petites mains de notre corps de santé.
A la lecture des différentes missions de toutes ces observatoires et directions une question me tracasse : comment l'ensemble de toutes ces personnes, à priori normalement pourvu de cerveaux, sont-elles à ce point déconnectées de la réalité du terrain pour avoir besoin d'organiser-à grands frais- une telle consultation ?
Première hypothèse très incorrecte politiquement parlant : il faut donner au bon peuple l'illusion qu'il participe. Désagréable mais probablement en partie véridique. Deuxième hypothèse bien plus difficile à envisager et tout aussi incorrecte : nos grands administrateurs ne sont plus capables de faire autre chose que de la gestion. Autrement dit, ils ne peuvent que comptabiliser. Leur part de créativité, de réflexion est en panne. Il s'agit seulement de rester dans la ligne du « toujours plus avec encore moins ».
Ils ne sont pas les seuls d'ailleurs puisqu'il semble bien que la créativité ait disparu dans d'autres domaines comme par exemple dans celui de la recherche.
Revenons à la synthèse des états généraux [1].
1. L'objectif : réformer l'offre de soins de premier recours. C'est-à-dire, en langage courant, compenser le manque chronique de généralistes.
2. Les constats : Numerus clausus irréfléchi, féminisation de la profession, vieillissement de la population et donc augmentation des pathologies chroniques, désertification des zones rurales ou manque de sécurité dans les quartiers à risque, développement anarchique des spécialités médicales, incurie de la formation des médecins…
Voilà des constats que nous faisons depuis plus de 10 ans dans nos LEM. Des constats tellement évidents qu'il fallait des états généraux pour ça ! Il paraît pourtant que les articles d'Exmed sont lus en hauts lieux.
3. Les attentes : du côté des patients une prise en charge de premier recours claire et pérenne, une réponse coordonnée et « sur mesure » !, pour les jeunes praticiens : des horaires moins lourds, une carrière diversifiée, des formes d'exercice moins solitaires et une rémunération qui ne soit plus uniquement à l'acte…et pour les élus des « services de santé » dans des « bassins de vie » avec implication forte, structurée et organisée de l'ensemble des structures administratives concernées(sic).
C'est en page 5 que vient la perle : « compte tenu du périmètre des soins et du rôle que jouent les autres professionnels de santé, cette définition des soins de premier recours reste à définir… » ! Ce qui n'empêche nullement de continuer en définissant les missions du généraliste, ni quelques lignes plus loin, de proposer la définition et la mise en oeuvre d'un schéma régional d'organisation des soins de premier recours et, comme il se doit, de confier à une instance indépendante la mission de suivi de l'effectivité et de la qualité de l'action des pouvoirs publics concernant la satisfaction des besoins de prise en charge sanitaire.
Nous en arrivons au coeur du sujet : la formation des médecins. Sujet mainte fois débattu sur notre site. Et là c'est le bouquet : de la pub pour le métier ! Un petit florilège des expressions : promotion du métier de généraliste, impulsion d'une forte mobilisation des capacités formatrices (en langage normal : les enseignants !), promotion des stages et de la fonction de maître de stage, amélioration de la lisibilité du métier de généraliste de premier recours…j'en passe et des meilleures. Une fois la marchandise vendue, il faut l'installer. Côté service après vente : un guichet unique d'installation qui favorisera les démarches administratives, servira d'agence immobilière pour loger le récipiendaire et d'agence pour l'emploi pour son conjoint.
Et bien sûr « des mesures financières incitatives » et le développement des maisons de santé.
Malgré notre présentation sur un ton quelque peu ironique, toutes ces mesures sont bonnes et même pour certaines pleines de bon sens. Mais pourquoi si tard et surtout peut-on croire un seul instant que la qualité des médecins « de premier recours » sera meilleure sous prétexte qu'ils seront plus assistés ? Nos jeunes confrères sont-ils donc moins débrouillards que les vieux ? Peut-on vendre la passion du métier de généraliste ? Comment définir la volonté de cette intimité avec les patients ?
La désaffection pour le métier ne viendrait-elle pas tout simplement d'un recul face à la dimension souffrante de l'autre, d'un défaut d'engagement, d'une incapacité de lien ? Et je ne pense pas que ces interrogations soient spécifiques aux médecins. Ne serait-ce pas la marque de l'évolution d'une société qui tourne autour de son nombril ? Dans ce cas nos têtes « pansantes » peuvent convoquer des états généraux chaque année pour des résultats au final bien médiocres.
Alors, selon vous, célébration de victoire (Te Deum) ou enterrement de première classe (Requiem) pour une profession dont les maux ne sont que le reflet d'une société malade de son humain ?
Note [i] : Mes promenades sur la toile m'ont amenée au texte de synthèse des travaux du groupe permanent de concertation n°1 des EGEOS. L'en tête précise : document de travail, ne pas diffuser, 07/02/08… Je le tiens à la disposition de tous les lecteurs qui voudrait en lire l'intégralité.
http://www.lesechos.fr/info/sante/300240387.htm
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