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Remarquable article du Pr Devulder, doyen de la Faculté de Médecine de Lille, paru dans le dernier numéro de la revue médicale "Tout Prévoir", dans lequel l'auteur énumère les innombrables " non-maladies" qui exigent de la part des médecins la plus grande sagacité, le sens critique le plus aiguisé, l'expérience la plus affirmée, le refus de la facilité et le courage de la décision".
Tout médecin a eu, ou aura à connaître ces patients dont l'état ou les doléances mettent à rude épreuve ses facultés diagnostiques : l'auteur dresse un catalogue, à la Prévert dirais-je, de ces sujets ou cas qui nous dupent souvent:
• Les non-maladies anatomiques: omoplates décollées, attitude scoliotique, protubérance occipitale, conduisant à une cascade d'examens radiologiques superflus, certains sujets n'acceptant pas les résultats négatifs et obtenant d'aller ailleurs chercher une vérité vraie !
• Les non-maladies cliniques: Les fausses hypertensions artérielles, les laboratoires pharmaceutiques s'ingéniant à produire des molécules de plus en plus actives pour traiter énergiquement des tensions artérielles considérées comme dangereuses dès le moindre écart avec les normes admises. Au demeurant de plus en plus basses, et cela quel que soit l'âge du sujet. Le moindre surpoids, là encore par rapport à des tables théoriques n'ayant aucune valeur prédictive individuelle, est montré du doigt. Tout est fait pour inquiéter et pousser à la consommation…de molécules et de régimes barbares…
• Les non-maladies de laboratoires: tout écart, même sans signification, est considéré par le patient ( et souvent par son médecin) comme inquiétant: et nous voilà partis pour des récidives d'examens entretenant l'intérêt médicalement illégitime du pseudo-malade.
• Les non-maladies induites par l'imagerie: le faux infiltrat tuberculeux d'un sommet pulmonaire dû à de longs cheveux nattés ( je ne risque rien alors), l'image arrondie d'une base pulmonaire due à un mamelon audacieux, image qui m'avait valu des remarques moqueuses du Pr Brouet, au service de pneumologie de l'hôpital Cochin au temps lointain: j'avais alors évoqué une tumeur…
• Les non-maladies iatrogéniques, celles qui rendent les médicaments les plus variés responsables de troubles fonctionnels ou physiques les plus farfelus, les scléroses en plaques qui ont toujours existé mais pour lesquels il est tellement facile d'incriminer certain vaccin, les paroles ou diagnostics inquiétants trop facilement avancés par les médecins ( ne serait-ce pas une façon…commode pour certains, rares, de s'assurer du travail ?),
• Les non-maladies psychiatriques: natures timides ou introverties ou, au contraire, hyperactivités, dénoncées comme anormales, tristesse normale devenue dépression sévère, pathologie de deuil inacceptée et devant justifier des anxiolytiques, calvitie…familiale imposant des injections de vitamines et des greffes, etc…
Les pusillanimes et les malins, toujours à la recherche du grain de sable qui leur permettra d'annoncer à la cantonade qu'ils sont malades, état ô combien honorifique pour certains. Comme cet athlète de 25 ans qui venait chaque dimanche matin participer aux randonnées du club de marche et qui se présentait avec une carte d'invalide à 80%: cet "invalide" vivant en milieu psychiatrique marchait remarquablement, terminait ses 25 à 30 km de montées/descentes dans les fameux ravins de la Zone Rouge…sans la moindre fatigue. Comment les médecins de la commission COTOREP avaient-ils accordé ce pourcentage d'invalidité, par quel prodige avait-il réussi à duper-convaincre le milieu médical ? Nous ne l'avons jamais su comme nous n'avons jamais su son nom…
• " Nombre de prétendus "malades" recherchent un étiquetage diagnostique pour conforter leur conviction et s'inscrire plus durablement dans la "mauvaise santé" , dans la Longue Maladie, celle par laquelle on est enfin reconnu comme fragile, comme VRAI malade ( j'savais bien que j'avais quelque chose, quand même!). Si le médecin accepte de jouer le jeu en multipliant les examens ( et donc les consultations et alors les honoraires!), le faux-patient s'enfonce inexorablement dans la fausse-maladie avec tout ce que cela comportera de conséquences dispendieuses, d'errements entre divers spécialistes, et aussi de désordres familiaux quand le conjoint sait de quoi il retourne réellement et ne le supporte pas (1).
Chaque médecin pourrait citer des cas semblables qui l'ont fait errer, l'ont ennuyé et irrité, patients qui reviennent à la charge, sans cavalerie, qui, "soulagés" de quelque improbable affection, consultent de nouveau et encore pour une autre, toujours déroutante et lassante. Il m'arriva, excédé,de rendre leur dossier à certains en leur suggérant d'aller voir ailleurs puisque je ne trouvais pas ce qu'ils avaient malgré d'amples recherches. Certains, depuis, ont été étiquetés fibromyalgiques et baladent leurs troubles de spécialistes en spécialistes…sans jamais guérir .
Au médecin d'être circonspect, prudent, avisé, sagace, critique, en toutes circonstances serait-on tenté de conclure. L'ai-je toujours été, pendant mes 37 ans de profession? NON !
(1) NDLR : On semble toucher là le problème extrêmement difficile pour les somaticiens comme pour les psys des sujets hypochondriaques, souvent baptisés " malades imaginaires" par leur entourage et qui, quelles que soient les preuves contraires apportées par le médecin, sont persuadés de façon délirante d'être atteints de telle ou telle maladie.
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