xxxIl existe en politique ce que l’on peut appeler un « crédit historique ». Lorsque vous vous revendiquez du communisme, on vous jettera à la figure le Goulag, Staline, le mur, même si vous vous référez à Karl Marx pour vous justifier. Si vous êtes d’extrême droite se dressera devant vous l’épouvantail du nazisme, tandis que les adeptes du libéralisme se verront reprocher la paupérisation de la classe ouvrière et le travail des enfants au XIXe siècle. Bref, chaque orientation politique a son cadavre dans le placard.
xxxLes seuls qui parviennent à garder un avantage, un crédit dans le regard de l’opinion publique sont les Verts. Il n’est même pas besoin de s’afficher Vert, il suffit de prôner « la pensée verte », comme certains hommes écologiquement engagés, très populaires par leurs films ou documentaires (1), assurés de la reconnaissance publique, considérés comme les chevaliers blancs chevauchant des « positions vertes » , éthiquement vertueuses et de haute valeur permettant une imparable argumentation dans la concurrence politique. Il est important d’avoir ce genre d’homme dans son camp, car il lui confère une aura d’innocence et de pureté de pensée, ce qui évite d’avoir à se justifier.
Celui qui plaide en faveur de la biotechnologie agricole est immédiatement suspect de collusion avec les industries de l’état et de recherche du profit ; celui qui est contre grimpe à coup sûr quelques étages sur l’échelle de l’éthique et des préoccupations supérieures concernant la santé des hommes et de l’environnement. Que ces préoccupations humanistes animent AUSSI les défenseurs de la technologie de modifications génétiques des plantes, ceci est totalement occulté. On nous prévient des méfaits du progrès, s’interroge-t-on sur les méfaits et les risques du refus du progrès ? Parle-t-on des victimes des Verts ? Quelques exemples :
-Joschka Fischer, Vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères d’Allemagne jusqu’en 2005, engagé dans le parti écologiste allemand « Die Grünen » , interdisait dans les années 80, en tant que ministre de l’Environnement et de l’Energie du Land Hessen, la fabrication d’une insuline bien mieux supportée par les malades diabétiques insulino-dépendants, sous prétexte qu’elle était fabriquée par modification génétique. Il s’agissait pourtant d’un incontestable progrès sur la santé humaine par un organisme génétiquement modifié.
-Le maïs transgénique est moins atteint par un champignon vénéneux (mycotoxines de Fusarium) provoquant des spina bifida chez les enfants dans les pays où il constitue la nourriture de base, mais suscite les oppositions que l’on connaît chez les Verts.
-La Zambie a refusé, en 2002, l’aide américaine à sa population pourtant affamée, en raison du caractère transgénique du maïs envoyé par l’aide américaine.
-Les Verts européens et nord-américains, signataires du traité de Stockholm sur les « POP » (Polluants Organiques Persistants) en 2001 ont obtenu l’abolition d’un pesticide puissant, le DDT, qui tuait les moustiques vecteurs de la malaria, maladie mortelle contre laquelle les médicaments dont on dispose ne sont que très faiblement efficaces et favorisent par-dessus le marché l’apparition de souches parasitaires résistantes. A ce jour, 1,5 millions de personnes meurent par an de maladies tropicales avec une recrudescence de cette maladie, qui ne reste donc pas stable et qui augmente aussi en virulence. Pour l’instant rien ne remplace, hélas, l’efficacité du DDT.
xxxA-t-on compté les « morts verts » ? Se méfie-t-on suffisamment de l’extrémisme vert ? Les Verts sont la voix de la « génération-peur » des années 70, ils répandent , par leur politique d’empêchement , un climat d’anxiété de masse, sous couvert de leur innocence politique. Au début, devant la pollution grandissante des eaux et de l’air, le réflexe vert était défendable, nécessaire et salutaire. A présent, alors que l’industrie s’efforce de devenir plus propre, que les réserves naturelles protégées augmentent, que des espèces animales en voie de disparition voient leur effectif en augmentation, que des produits polluants sont retirés du marché, que des efforts existent pour favoriser les énergies propres et l’économie énergétique, la critique justifiée se transforme de plus en plus en idéologie mal nuancée, trop systématique, entraînant des réactions extrémistes, délétères à des populations ne possédant pas notre niveau de vie, pour lesquelles le luxe de la pensée verte ne peut exister, en raison de la famine qu’elles connaissent ou des conditions sanitaires favorisant la propagation de graves maladies. Avons-nous le droit de leur imposer cette pensée vertueuse (2) au péril de leur existence ?
L’environnement va mieux, ou pas plus mal, mais les scénarii sont de plus en plus apocalyptiques, le business des Verts étant la création de la peur. Aujourd’hui, depuis l’existence de leur ennemi de toujours (l’énergie atomique), les Verts sont contre les techniques génétiques, la construction de routes, les ordinateurs, les téléphones mobiles, les études sur les cellules souches, les éoliennes et l’énergie solaire. La pensée verte parvient avec succès à rendre suspectes des technologies nouvelles, mais le prix à payer si on ne les utilise pas n’est jamais un sujet. La réaction extrême entraîne une tendance à la méfiance dans la population, dont on s’aperçoit parfois vis à vis de techniques à bénéfice prouvé, par exemple la vaccination, qui a apporté à l’humanité un incontestable progrès. Ce progrès a un prix, quel est celui de son empêchement ?
Le « vert-extrêmisme » finira par considérer l’homme lui-même comme un fléau. C’est la contradiction même de la pensée verte : sauver la Création (3) par une attitude anti-progressiste, dût-elle anéantir le genre humain.
La pensée verte est bienvenue pour la préservation de la Création, mais en gardant à l’esprit que les diabétiques, les malariens, et les affamés d’Afrique en font partie, eux aussi.
Notes :
(1) Sur ce sujet, F-M Michaut << “” Home” air d’alors >> LEM 605
http://www.exmed.org/archives09/circu605.html (NDLR)
(2) Le lecteur entend peut-être aussi << vert tueuse >> (NDLR)
(3) La notion de Création est liée à une vision de l’origine divine du monde dans lequel nous vivons. Il n’est pas certain que cette option philosophique soit partagée par tous les Verts (NDLR)
NDLR : Cette lettre illustre l’article 4 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 4°) Je résisterai aux pressions extérieures qui me détourneraient de ma fonction, et je resterai avec objectivité du côté de la personne malade.
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