xxxTous les jours, sur toutes les grandes chaînes radio télévisées , nous sommes informés de l’évolution de la grippe. A la grande messe du journal télévisé de 20 heures, nous avons droit aux commentaires des experts et quand l’information devient trop confuse, à celle des politiques, voire des ministres. On pourrait penser que l’on n’est jamais assez bien informé en matière de santé publique. Mais alors, pourquoi ce silence sur la Loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) votée par le Parlement le 21 juillet 2009, ( loi n° 2009-879 ) donc en pleine période de vacances et qui révolutionne totalement notre système de santé ?
Pour ceux qui veulent savoir à quelle sauce ils vont être soignés, voici un petit aperçu de ce qui nous attend.
xxxPour ne pas se noyer dans des détails souvent bien techniques, la loi HPST peut se résumer en quelques points et définitions :
-Les missions des établissements de santé du service public sont :
-un accès égal des citoyens à des soins de qualité, une permanence de l’accueil et de la prise en charge, une tarification fixée par l’autorité de santé.
-L’hôpital public est organisé en Pôles d’activités dirigés par des chefs de Pôle nommés par le Directeur de l’établissement. Celui-ci en France et dans le civil, vous le savez, n’est jamais un médecin. La Commission Médicale d’Etablissement, (CME) et le corps médical tout entier n’ont d’avis, essentiellement consultatif ( et donc non décisionnel) qu’au travers de la voix du médecin Président de la CME
-La coopération entre les établissements est organisée dans le cadre d’une Communauté Hospitalière de Territoire (CHT), et de Groupements de Coopération Sanitaire (GCS). Ces organismes concernent les établissements de santé de droit privé et public ; les centres de Santé, mais aussi les professionnels médicaux libéraux exerçant à titre individuel ou en cabinet de groupe.
-Les actuelles Agences Régionales d’Hospitalisation (ARH) sont remplacées par des Agences Régionales de Santé (ARS) dont les compétences sont étendues à tous les domaines de la santé notamment au secteur médico-social et à la médecine libérale.
Cette loi peu commentée par les Médias avait pourtant suscité, lors de son élaboration à l’Assemblée Nationale, une forte mobilisation de nos représentants, tous partis confondus.
En effet, plus de 5000 amendements avaient été déposés avant que la loi ne soit votée (avec 10% d’amendements acceptés). Une telle opposition traduit bien les profondes interrogations suscitées par les adaptations pourtant nécessaires de notre système de Santé. Mais comment y faire adhérer les patients potentiels que nous sommes sans se donner le temps d’expliquer cette réforme aux citoyens ?
xx Adapter notre système de santé à l’évolution démographique de notre pays, aux données épidémiologiques des maladies, aux déficiences de prise en charge, s’adapter aux règles éthiques et de sécurité sanitaire, tout cela est justifié. Réaliser cette adaptation en maintenant les investissements et en assurant une bonne gestion des dépenses de santé est bien sûr également nécessaire mais pas suffisant. Pour adhérer à une réforme de cette ampleur il faut que celle ci soit comprise des citoyens et acceptée des soignants. Ces deux conditions sont loin d’être acquises d’autant que la loi HPST, en dehors de ses bonnes intentions, vise avant tout à la maîtrise des dépenses et à la rentabilité des personnels de santé.
Jugez plutôt les principaux points de cette analyse de la loi d'après G. Pialoux et C. Roncie, dans Vih.org du 24/04/09 :
-.Les points théoriquement intéressants concernent : la réorganisation de l’offre de soins, affirment un principe d’égalité des soins de qualité, une organisation de la prise en charge plus globale, (publique et privé) mieux structurée ,(territoriale et en réseaux) privilégiant la prévention et l’éducation thérapeutique, la formation continue.
-Les points réellement inquiétants portent sur la nouvelle direction de l’hôpital public qui concentre tous les pouvoirs et n’en donne aucun aux soignants, même à titre consultatif ,en dehors du Président de la CME. Le Directeur d’établissement arrête le projet médical d’établissement, fixe les dépenses et les recettes, le plan de financement pluriannuel, l’organisation interne de l’établissement, décide de l’organisation du travail et des temps de repos. Ses pleins pouvoirs s’étendent aux contrats d’objectifs et de moyens qui doivent contenir des objectifs qualitatifs et quantitatifs (y compris pour la rémunération des médecins nouveau régime sous contrat)
-La nouvelle Gouvernance est totalement centralisée dans les mains d’une nouvelle agence l’ARS dont les compétences sont élargies à tous les domaines de la santé et notamment :aux politiques de santé publique, aux soins hospitaliers et ambulatoires,à la médecine de ville et aux professions de santé, aux services médicosociaux, aux groupements de coopération sanitaires entre établissements de droit public ou privé, les centres de Santé, les établissements médicosociaux.
-Les points rejetés par l’ensemble des critiques concernent les services hospitaliers. Ceux ci sont remplacés par une nouvelle entité appelée Pôle (regroupant plusieurs disciplines et un certains nombre de lits dont la gestion et l’occupation n’est plus spécifique d’une discipline du Pôle .Cette nouvelle entité permet probablement une certaine souplesse dans la gestion des patients ( pathologies saisonnières) mais ne tient pas compte des longues années de savoir faire, et de savoir être pour que les équipes médicales et paramédicales soient formées et reconnues dans un environnement de plus en plus concurrentiel. On comprend bien que cette réforme silencieuse vise à transformer notre système de Santé, mais il est également évident que, dans cette réforme, le soin est conçu comme un marché et qu’il est traité pour répondre aux lois du marché. Pour atteindre cet objectif purement économique, la loi HPST met en place deux mesures essentielles : une gestion hyper centralisée et territoriale de toute la santé par l’Etat, et une mise en concurrence directe de l’Hôpital Public avec l Hôpital Privé. Que penser de ce dernier point ambigu qui fait déjà polémique ?
xxxx Si la première mesure est en continuité avec les lois précédentes, la seconde est une innovation. Mettre en concurrence l’hôpital public et l’hôpital privé, c’est considérer que ces deux entités assurent des missions similaires ( fournissent un même << produit >> en langage marchand ) et qu’elles sont soumises à des contraintes identiques, or il n’en est rien .
En effet l’Hôpital général (CHG) a des missions spécifiques comme d’assurer la pérennité des soins et des urgences 24h/ 24 sur l’ensemble du territoire et une ’offre de soins qui couvre les besoins sans sélectionner les patients, y compris ceux sans couverture sociale. L’hôpital universitaire (CHU) assure par ailleurs la formation des professionnels de santé, y compris celle des futurs spécialistes du secteur privé, enfin les hôpitaux universitaires participent à l’enseignement de la médecine et à la recherche médicale. Même si la Loi HPST prévoit de confier à l’hospitalisation privée, des missions d’intérêt général , le privé fonctionne pour 80% de ses activités avec des patients sélectionnés et des activités médico chirurgicales ‘’rentables ‘ La Fédération de l’hospitalisation privée entretient régulièrement des campagnes pour inciter les patients a se faire soigner dans les cliniques privées << pour sauver la sécu >> d’un déficit toujours rapporté à l’hospitalisation publique .
Le Monde du 15 octobre 2009 rapporte la contestation des hospitaliers universitaires qui interpellent le Ministre en rappelant l’absence de comparaison possible entre des établissements de taille et de mission variable et en l’absence d’outils de mesure précis et pertinents des activités médicales. Difficile dans ce contexte d’imaginer un partage équitable des missions et des activités entre secteur Privé et Public dans le cadre de la nouvelle loi HPST. En effet soit ces deux secteurs sont soumis strictement au même obligations (soins sans sélection , enseignement et recherche ) et la concurrence peut s’exercer normalement ; soit on admet des spécificités et un budget propre au secteur public pour la prise en charge des pathologies et les thérapeutiques non codifiées, les maladies coûteuses ou lourdes (handicaps, cas sociaux ) La mise en concurrence des deux secteurs pourrait alors porter uniquement sur les pathologies et les activités codifiées .et réglées On pourrait alors envisager une prise en charge des soins et de la santé sur un mode non plus concurrentiel mais complémentaire en bref l’ hôpital public et l’hôpital privé .
Et, plus largement encore, comme le prévoit cette loi à ambition globalisante, sinon totalitariste, entre les professionnels de santé publics et les professionnels de santé privés.
NDLR : Cette lettre illustre l'article 11 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 11°) Je refuserai, même sous la contrainte, d’où qu’elle vienne, d’utiliser mes connaissances ou mes compétences dans des actions contraires au respect de la personne humaine.
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