xxxPour une surprise, cela a été une surprise pour l’auteur de ces lignes. Et, en confidence, il n’est pas encore revenu de cet écho entendu à la volée, il y a deux semaines, dans une émission radiophonique ! Depuis déjà de longues années, et dans tous les pays riches, nos jeunes tourneraient de plus en plus le dos aux études scientifiques. Sans doute jugées trop exigeantes, trop théoriques, trop longues, trop difficiles, elles n’ont plus fait recette : il fallait gagner le plus vite possible le plus d’argent possible en écumant les activités économiquement porteuses.
xxxDe quel avenir professionnel rêvent donc nos lycéens ? Devenir des fonctionnaires, de préférence de haute volée, des hommes d’affaires, des foudres du commerce, des as de l’industrie ? Et bien, pas tous. C’est un lycéen sur cinq, rien de moins, qui voudrait bien devenir médecin. Oui, soigner les autres quand ils sont malades.
Peu importe ici les motivations qui conduisent à ce plébiscite inattendu de notre chère profession. Les héros des séries télévisées à la mode du moment créeraient-ils des émules en grand nombre ? C’est possible. L’image populaire des gens consacrant leur vie à soigner les autres ne serait finalement pas si ringarde que cela ? C’est une nouvelle rafraîchissante. Se tourner vers une activité ayant pour objet , non pas l’accumulation des plus grands profits financiers possibles, mais de rendre service aux autres humains, cela permettrait-il de vivre une vie qui a un sens perceptible ? Avec une bonne dose d’optimisme, il est possible d’y déceler autre chose que la fascination pour les biens matériels. Résurgence d’une confiance en des valeurs immatérielles qui, écrasées par le rouleau compresseur des contraintes économiques, semblaient moribondes, sait-on jamais.
xx Toujours est-il qu’il ne serait pas admissible que le monde des adultes fasse comme s’il ne s’agissait que d’une foucade d’adolescents. Beaucoup de jeunes veulent s’engager dans le domaine de la santé : il faut d’abord leur dire qu’ils ont été entendus. Et qu’on va essayer de les aider au mieux à cheminer vers leur rêve. Ce qui ne veut pas dire ouvrir à tous, sans discrimination ni exigence, les portes de nos 32 facultés nationales. La voie médicale a toujours été, et restera toujours, très ardue à emprunter.
Au moment où de multiples disciplines médicales, médecine générale en tête, sont en perte de vitesse démographique, sans qu’aucune mesure administrativo-économique ne soit capable d’inverser cette tendance, ce serait véritablement suicidaire.
Un lycéen sur cinq, mais quelle incroyable pépinière de talents potentiels de futurs médecins.
Il devient inévitable de revoir complètement, et de fond en comble, la façon dont on sélectionne en France les étudiants en médecine.
De lamentables habitudes ont été prises par les responsables, bridés par des numerus clausus purement politiques et un manque grave de moyens matériels et humains pour filtrer les admissions au niveau fixé par les seules autorités politiques ( le fameux numerus clausus ).
xxx Devenir médecin est devenu, avec le couperet de la sélection en fin de première année, scandaleusement inégalitaire, pour le plus grand profit d’officines de bourrage de crâne accessibles aux seuls étudiants riches. Les marchands du temple tenant ouvertement commerce dans les couloirs des universités publiques, c’est inadmissible. Tous les puissants du pays, grands, moyens et petits, ferment les yeux, espérant probalement, que grâce à ce dopage intellectuel, leurs chers descendants accéderont plus facilement que les autres à la carrière médicale.
Nous n’avons pas le droit de laisser ces armées de jeunes pleins d’enthousiasme aller s’écraser sur ce mur impitoyable et injuste.
Bon sang, il n’est pas du tout utile d’être un as en physique ou en math pour réussir une bonne carrière de médecin. Ce n’est pourtant que sur ce genre d’épreuves parfaitement théoriques et livresques, mais facilement et rapidement notables, faussement impartiales, que demeurent sélectionnés nos médecins de demain.
Il serait pourtant capital que les praticiens en exercice soient entendus et donnent leur avis sur la façon dont devrait être entendu cet engouement lycéen pour le métier qu’ils vivent chaque jour. Les autorités universitaires ne doivent tout simplement plus être les seules habilitées avec les instances gouvernementales à décider de l’avenir de la médecine et des médecins en France.
Notre propos, hélas, n’est pas à seule visée contestataire, dans une vieille nostalgie post-soixanre-huitarde mal digérée : la moyenne d’âge des médecins généralistes est de 51 ans ( chiffre du Conseil de l’ordre). Combien seront toujours en exercice dans 10 ans, et quel âge auront-ils ?
Merci, les lycéens, avec votre remarquable engouement, vous nous poussez, et nous en avons le plus grand besoin, quelque soit notre âge et notre statut, à prendre conscience que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, pour parler comme François-Marie Arouet, dit Voltaire.
NDLR : Cette lettre illustre l’article 1 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 1 °) Mon objectif prioritaire sera de rétablir et de préserver la santé physique et psychique des hommes sur le plan individuel et collectif .
Cet objectif prendra en compte le contexte de l’environnement professionnel tout en respectant celui du patient, et du vivant dans son ensemble.
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