xxx Le clin d’oeil de ce titre à ce que le Fast food représente à la restauration de qualité n’est pas fortuit. Dans la LEM 631 ( On en crève de cette surmédicalisation ) la question du libre arbitre de chacun devant la matraquage des informations autour de la santé est soulevée.
Cécile Bour fait justement remarquer à ce sujet que, de cette possibilité de penser par soi-même, << les gens n’en veulent pas >>.
Que cela puisse concerner des questions touchant à la santé et à la médecine, domaines réputés réservés aux professionnels tant ils sont complexes pour les profanes, voilà qui est concevable.
Mais, hélas, il suffit de regarder autour de soi pour constater à quel point règne partout et dans tous les domaines ce que Gabriel Nahmani a nommé une << Morne indifférence >> dans la LEM 606 du 22 juin 2009.
xxxRetrouver la confiance... en son propre jugement pour pouvoir décider ce qui est bon et ce qui est mauvais pour chacun de nous comme pour la collectivité, l’affaire n’est pas mince. Aussi loin que nous puissions remonter dans notre histoire personnelle, il y a toujours eu des adultes pour nous dire le bien et le mal, le beau et le laid, le juste et l’injuste, l’utile et le sans importance, et nous faire agir en fonction de leur jugement à eux. Jugement probablement issu de leur imprégnation culturelle et familiale.
La famille d’abord, bien entendu, avec son système personnel de contraintes, aussi bien implicites qu’explicites, nous a appris son code de valeurs. Sans vraiment se soucier si elles nous convenaient ou non, d’ailleurs. Comme si nous étions de petits animaux malléables à dresser pour que nous devenions des hommes à leur image. Puis est venue l’école obligatoire qui nous a contraints à essayer de devenir de bons élèves, bien obéissants, restituant à nos maîtres, aussi fidèlement que possible, l’univers de connaissances et de savoir-faire qu’ils nous inculquaient. Sauf à entrer en rébellion ouverte, bien dangereuse pour notre tranquillité, là encore, seules les questions posées par les adultes avec les réponses qu’il en attendaient avaient le droit d’exister.
Très vite, l’âge des questions, des pourquoi infantiles sans fin, a disparu. Et avec lui, toute une partie de notre personnalité s’est trouvée socialement bâillonnée par le savoir des adultes. Très vite, à l’école primaire, nous avons compris l’intérêt que nous avions à imiter, ou faire semblant d’imiter, du mieux que nous pouvions , les détenteurs officiels du savoir des grands. Être reconnu et aimé par la maîtresse, comme idéalement par sa mère, qui n’en n’a jamais rêvé, au prix même de compromissions silencieuses inavouables ?
xxxL’école, avec ses différents échelons de la maternelle à l’université, avec son frottement obligatoire avec des enfants, puis des adolescents et enfin de jeunes adultes comme nous, nous a profondément marqués. Ce sont toutes les connaissances que des milliers d’années ont permis de thésauriser que le système scolaire est chargé, mission gigantesque, de nous transmettre. Tout ce savoir, prémaché pour nous le rendre accessible et métabolisable à qui en a les capacités, est indispensable. Ainsi, aucun de nous ne part de zéro, et tout n’est pas toujours à réinventer par chaque petit d’homme.
Souvent, le système, dit un peu vite éducatif, n’a pas les moyens d’aller au delà du stade de l’acquisition à sens unique des connaissances acquises. Des messages doivent passer des professeurs émetteurs vers des élèves récepteurs, juste pour que les sacro-saints programmes soient respectés. Simplifier, aller vite, ne pas laisser la porte ouverte à des questions personnelles, en un mot fournir un savoir minimum standardisé, évaluable par des examens bien calibrés, est devenu une réalité. Cela se nomme du beau terme d’instruction, première phase pour accéder à une éducation. Il est là en germe le Fast thinking, repris en boucle par une société obsédée par le rendement, la facilité et l’unicité. Toutes nos machines nous enfoncent dans cet univers des << terribles simplificateurs >> selon le mot de Paul Watzlawick. Alors quand le Fast thinking transmis par les médias, comme dans le feuilleton de la pandémie grippale, se trouve confronté à des informations contradictoires, ce qui est la règle dans tous les domaines scientifiques, le public est perdu, et incapable de se situer par rapport à ces contradictions.
A l’échelle de toute une vie, ce savoir n’est pas fermé définitivement sur lui-même, et il est limité pour de multiples raisons. Il n’est pas un monument achevé au bout des études devant lequel tous doivent se prosterner, mais un simple socle pour essayer d’aller un peu plus loin dans le savoir et le savoir être, si on le peut.
Voilà ce que nous oublions beaucoup trop, et qui nous rend si passifs face à ceux qui sont censés détenir le savoir ( ou le pouvoir, d’ailleurs).
XXXAlors, la question se pose, comment faisons-nous pour la renforcer, notre compétence en matière de savoir ? Certainement en pourchassant toutes les ignorances, et elles sont encore légion, tant dans le domaine de la santé que dans tous les autres. Essayer de transmettre aux autres ce que nous croyons savoir, et, en même temps, tenter toujours d’apprendre avec curiosité dans tous les domaines. Aiguiser en permanence notre esprit critique, en ne nous laissant pas enfermer dans la seule sphère émotionnelle, en ne nous imposant aucun tabou ni aucun a priori dans nos pensées. Poser des questions sans nous soucier de la grandeur ou de l’importance supposée de notre interlocuteur. Refuser comme abusif, donc irrecevable, tout argument d’autorité d’où qu’il vienne. Toute la campagne de lutte contre la grippe pandémique nous a permis de constater à quel point cela était nécessaire.
On le voit, les pistes ne manquent pas. Grandissons juste un peu, acceptons le risque de nous exprimer comme nous le ressentons, ne nous sentons pas en danger parce que nous ne savons pas ou que nous ne comprenons pas. Les explorateurs de la connaissance scientifique eux-mêmes passent leur vie dans l’incertitude et la remise en cause systématique de tout ce qui semble acquis à tout jamais.
C’est vrai, il est insécurisant de ne pas pouvoir nous reposer les yeux fermés sur des certitudes définitives. Mais, sans cette insécurité intérieure, opposé mental absolu de notre sécurité sociale, en passant, aucune véritable liberté de créer n’est possible. Le Fast thinking du moment, servi tout chaud sur un plateau ( de télévision), si confortable, est l’ersatz de pensée qui nous conduit tout droit à tous les enfermements individuels et collectifs.
C’est enfoncer une porte ouverte pour n’importe quel esprit qui s’est frotté aux sciences qu’oser dire que notre ignorance est gigantesque dans tous les domaines, que nous maîtrisons en fait bien peu de choses pour dessiner notre futur et que nous ne sommes sûrs de rien de ce qui se passera demain. Sauf que nous sommes en ce moment des habitants bien fragiles de cette terre en continuelle mutation sans laquelle nous ne sommes rien.
Cette lettre illustre l’article 16 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 16°) J’entretiendrai et perfectionnerai sans relâche mes compétences tout au long de ma vie .
|
|
