Il est possible que ceux qui n'ont pas connu l'inimitable humoriste de Radio-Londres ne puissent se faire une idée précise de cette invention de Pierre Dac en 1950. En voici donc la savoureuse définition orale par son inventeur (1). Si je me permets de faire l'emprunt de ce néologisme du plus pur style loufoque, ce n'est pas par goût de la pirouette intellectuelle, mais tout simplement parce que j'ai du mal à définir ce qui me semble être en mouvement dans notre réalité mondialisée en 2013.

Quel que soit le sentiment de blocage et d'impossibilité de faire évoluer un seul des rouages complexes de notre vie quotidienne, quelque chose bouge dans nos têtes. Quoi que puissent en penser les chantres du déclin et les apôtres du conservatisme, malgré le pessimisme dépressif ambiant ( la crise...), nous nous conduisons toujours comme des enfants de Darwin. L'évolution de notre environnement planétaire, nous en avons de mutiples, et parfois préoccupantes preuves, est bel et bien passée sous la dépendance directe de ce que nous faisons, ou de ce que ne faisons pas. Ce sont nos cerveaux d'hommes, et non plus une imparable malédiction divine, qui déterminent de plus en plus directement le monde dans lequel nous vivons. Si nous ne l'avons pas fait périr avant, nous le lèguerons aux générations à venir, ce monde que nous créons. Les apprentis sorciers se transforment rapidement en sorciers. Entrer en contact de façon instantanée avec quelqu'un, quelle que soit la distance géographique, rien de plus banal à ce jour avec nos merveilleuses petites machines. Au Moyen Âge, cela aurait valu aux inventeurs, peut-être même à nous les utilisateurs, un redoutable et brûlant procès en sorcellerie.

Si l'on se fie aux seules publications dont la presse se fait l'écho, en nous parlant de façon abusive d'actualité (2), il ne se passe pas grand chose dans le domaine de la médecine (3). C'est simplement, et dans tous les domaines, ne pas tenir compte de ceux dont personne ne parle jamais. Non pas par un quelconque ostracisme, mais tout simplement parce que nous ne les connaissons pas.
Ce sont eux les vrais artisans de ce qui prendra corps demain pour modeler notre culture humaine. C'est leur opiniâtreté à faire travailler leurs neurones dans leur sphère d'action, minuscule ou immense peu importe, sans se laisser détourner par les conseilleurs s'érigeant en experts et les critiques au regard court, par les opportunistes toujours à l'affût d'affaires juteuses en honneurs ou en monnaie, qui en conduira quelques uns à créer quelque chose amenant les hommes à mieux vivre.
Il est impossible de dépister, au moment précis où ils murissent leur projet personnel, ces êtres qui se révèlent capables par leur esprit d'ouvrir de nouvelles voies à notre humanité. Le 14 mars 1879, à Ulm, personne ne pouvait savoir que le petit Albert qui venait de naître serait un jour le grand Einstein.
Que les grandes choses se passent dans l'ombre n'est probablement pas une mauvaise chose. Le silence et la solitude, c'est à dire l'inverse du climat que créent les médias, sont des conditions indispensables pour aller et se maintenir hors des sentiers battus.
Les artisans du monde de demain, aussi rares et importants soient-ils pour l'humanité sont de fragiles acrobates. Il est aisé pour tous les pouvoirs, et leurs serviteurs, de les déstabiliser. Ou de ne pas faire l'effort de leur accorder la moindre considération.
Il est si facile quand on a une «grande gueule» d'accuser quelqu'un qui peut vous causer de l'ombre de jouer au «génie méconnu» pour le tourner en dérision.
Les vrais novateurs sont parmi nous, bien cachés, et il y a de fortes chances que nous ne soyons pas capables, ni individuellement ni collectivement, de les reconnaître.
   Cela ne me semble pas une raison suffisante pour oublier d'exprimer à ces fabricants du monde de demain, dans ce qu'il aura de meilleur, notre admiration et notre reconnaissance.

Notes :

(1).« Le Schmilblick des frères Fauderche est, il convient de le souligner, rigoureusement intégral, c'est-à-dire qu'il peut à la fois servir de Schmilblick d'intérieur, grâce à la taille réduite de ses gorgomoches, et de Schmilblick de campagne grâce à sa mostoblase et à ses deux glotosifres qui lui permettent ainsi d'urnapouiller les istioplocks même par les plus basses températures. Haut les cœurs et chapeaux bas devant cette géniale invention qui, demain ou après-demain au plus tard, fera germer le blé fécond du ciment victorieux qui ouvrira à deux battants la porte cochère d'un avenir meilleur dans le péristyle d'un monde nouveau... »  Pierre Dac (1950)

(2) Il existe un délai inévitable se chiffrant en années entre le début de la réalisation d'un travail complexe et la diffusion publique de ses résultats. Toute «actualité», quelle que soit sa rapidité de transmission, ne peut concerner que ce qui est déjà du passé (NDLR).

(3) Michaut F-M La science médicale est en panne, LEM 709, 14 juin 2011. http://www.exmed.org/archives11/circu709.html

(cliché JPG)