Maudite crise ! Que de péchés ne te prêtons-nous pas dans nos imprécations quotidiennes sur ce qui ne tourne pas rond. Et Dieu sait que la liste est infinie. Si l'on en croit nos docteurs en choses de la cité, appelés à formuler leurs prescriptions thérapeutiques pieusement recueillies par les gazettes, l'énergie indispensable pour nous guérir du fléau porte un nom. Il n'est inconnu ni des parents, ni des médecins, qui ont tout loisir de l'observer in vivo. Celui de croissance, ce processus qui conduit chacun de ses deux gamètes initiaux à son stade d'adulte. Le cheminement de la vie humaine qui se complète au fil des années n'est pas pour autant un long fleuve tranquille.
Cette croissance, force mystérieuse d'expansion vitale que peut admirer chaque amateur de jardins, a été confisquée par les économistes pour en faire un de leurs dogmes. Nos activités, pour produire de plus en plus de richesses, doivent croître sans arrêt.
Nous voici le doigt dans l'engrenage infernal de ce que François de Closets nomme depuis longtemps «le toujours plus».
L'observation biologique nous laisse pourtant sans illusion sur l'évolution imparable de toute structure vivante. Conception, naissance, croissance, vieillissement et mort : aussi embêtant que cela nous paraisse, nul moyen d'échapper à cette loi du vivant. La croissance sans fin n'est que la fiction mathématique d'une courbe exponentielle.
Cela veut-il dire que si notre croissance économique ne croit plus (ou que plus personne n'y croie) nous voici précipités sur la pente de la pauvreté, jusqu'au dénuement absolu final du dernier humain vivant ?
La fameuse richesse si souvent invoquée, si souvent souhaitée par beaucoup comme objectif absolu de leur trajectoire de vie, est-elle bien celle qui se traduit au bout du compte en euros ou en dollars dans une banque ?
Autrement dit, est-il encore possible, à notre siècle d'être de plus en plus riches d'autres valeurs que celles recensées, et encensées, par les marchés financiers ? Les biens immatériels ne sont plus une vision de l'esprit avec Internet et leur existence ouvre une brèche de taille, impensable aupavant, dans notre façon de penser la croissance.
Tout ce qui aide notre collectivité humaine mondiale à vivre moins mal contribue à sa croissance. Tout ce qui nuit à cette même humanité planétaire, sous quelque forme que ce soit, y compris la plus minuscule, fait régresser cette croissance. Cela n'a rien à voir avec la démographie.
Pour qui veut bien regarder les choses en face d'un point de vue systémique sans s'égarer dans des détails, cette valorisation de notre qualité d'humains n'a qu'un rapport, finalement assez secondaire, avec les seules valeurs matérielles.
Le spirituel, indissociable du culturel, a, plus que jamais, toutes les chances, et par nécessité absolue, d'obéir à la prophétie d'André Malraux pour venir sauver de l'anéantissement notre cher XXI ème siècle.
Le spirituel, dont le religieux, sous ses nombreuses déclinaisons, ne constitue que des formes cliniques, est dans l'air du temps, même s'il est difficilement palpable. Ne nous laissons pas égarer par ses caricatures purement commerciales, fermons nos oreilles à quelque gourou que ce soit, la chasse est ouverte aux créations nées de nos esprits pour qui ne veut pas rester au bord de la route. Croissance spirituelle, l'esprit humain ne se laissant pas dominer par les seules réalités matérielles, cela fait encore rire les esprits forts.
Pour combien de temps encore ?