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C'est tellement rare, un médecin généraliste qui ose prendre le risque d'écrire sur ce qu'il connait le mieux : sa pratique médicale de chaque jour. Alors saluons, comme il le mérite l'ouvrage de Christophe Beltz. Son titre va droit au but : « Vade-mecum de médecine générale ». Le petit bouquin qu'on peut facilement trimbaler avec soi, comme un calepin ou un télephone mobile, l'idée est excellente.
Donc, un format de poche, ou de sacoche, un nombre de pages volontairement limité à 51, avec des pages personnelles pour prendre ses propres notes, ce sont des choix pleins de bon sens. Limiter le sujet à 20 des situations les plus fréquentes en clientèle ne peut que rassurer les praticiens débutants brutalement extraits de leurs services hospitaliers protecteurs pour affronter les patients ordinaires de la vraie vie.
La rédaction est concise, ne noyant pas le médecin en situation, et en difficulté, dans un univers qu'il ne connait pas, sous de multiples références théoriques. On va droit au but, dans un langage familier pour les jeunes médecins. Une certaine avalanche de sigles ne devrait dérouter aucun professionnel. Le glossaire en début d'ouvrage est utile.
Ce qui m'a un peu géné, hors d'un avant-propos des plus brefs (très bien venu), c'est la disparition totale de la personne de l'auteur. On aimerait le cerner un peu mieux, en tant qu'être humain. Quarante années d'exercice, cela autorise à exprimer ses conceptions personnelles du métier.
L'EBM, ou médecine fondée sur des preuves, dont se réclame Christophe Betz comme principe de conduite, est bien la conception dominante de la médecine en 2015. Elle n'est pas du tout neutre mais bien dans le courant idéologique matérialiste et pragmatique anglo-américain. Ce n'est pas la seule façon possible de comprendre la science en général, et la médecine en particulier. Nous avons, en France, et en Europe aussi, une extraordinaire tradition médicale clinique que nous laissons perdre depuis le milieu du siècle dernier, comme si nous en avions honte. Pourtant que de richesses laissées dans l'oubli, victimes que nous sommes de la fascination de ce qui vient d'Outre Atlantique.
Deux petites remarques personnelles pour terminer. Dans les sujets qui auraient mérité d'être traités dans ce livret, il ne serait pas inutile de parler des addictions (alcool, tabac, drogues, comportement). Et dans les sites conseillés, ne pas hésiter (s'il en est qui le méritent aux yeux de l'auteur) à indiquer quelques endroits qui traitent de façon non technique des aspects relationnels et humains des soins de santé.
Le mieux, pour vous faire votre propre opinion sur cet astucieux vade- mecum, c'est de le commander à l'auteur lui-même (1). Son prix ? 10 euros, même pas une demi consultation de généraliste. C'est aussi une façon d'encourager un confrère qui a pris le risque de faire imprimer lui-même son livret, sans faire appel à quelque soutien financier que ce soit. C'est un précieux gage d'indépendance. Et, à l'heure des ouvrages collectifs souvent rébarbatifs, signer sa propre expression au risque des critiques confraternelles est stimulant.
Puisse l'initiative audacieuse du docteur Chritophe Beltz faire de nombreux émules. La médecine générale française mérite cent fois d'être exprimée par ceux qui l'aiment et la font vivre au sein des cabinets privés, alors que les instances universitaires continuent, avec plus ou moins de courtoisie, à la considérer comme une discipline secondaire ou mineure. Une médecine qui ne sait plus s'écrire elle-même est une médecine morte.
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Os court :
« Le vade-mecum de tout bon énarque :
thèse, antithèse, fouthèse. »
Bruno Masure
