Formation
économique 12
D'un
caducée à l'autre n°52
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- Tu demandes à des médecins d'agir pour recentrer
l'économie sur l'objet qui lui est propre. N'est-ce pas comme
si je demandais à des patients d'agir pour recentrer la médecine
sur l'objet qui lui est propre ?
Exocrate
- Veux-tu, Hippocrate, d'un monde dans lequel il est inculqué
à chacun que sa santé est d'abord l'affaire des médecins
et non pas la sienne ?
Hippocrate
- Surtout pas ! Comme tu ne veux pas, Exocrate, du monde d'aujourd'hui
pour ce qui est de l'appropriation par les seuls économistes
du droit d'émettre des avis économiques autorisés.
Exocrate
- Exactement. Cela étant dit, ne poussons pas plus loin la
comparaison entre la médecine et l'économie. La santé
d'une économie et les pathologies qui la mettent à
mal sont, en effet, des affaires beaucoup plus simples que la santé
des hommes et les maladies qui la contrarient.
Praxicrate
- Pour affirmer cela en bonne connaissance de cause, il faut être
médecin et économiste. Or tu n'es pas médecin,
Exocrate, que je sache.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
3.22.
Une crise de sous-emploi déclenche et entretient une élévation
du stock de capital, via une hausse du taux moyen de profit sur
capital et une hausse du taux d'épargne des ménages.
Cette élévation, dès qu'elle a dépassé
son seuil d'efficacité, entraîne celle du stock d'emplois
durables jusqu'au rétablissement du plein-emploi.
La
proposition 3.22 résume la régulation E.P.C.E. - Emploi,
Profit, Capital, Emploi - quand cette dernière est commandée
par une crise de sous-emploi généralisé.
Ne
perdons pas de vue que nous étudions cet aspect du fonctionnement
d'une économie libre dans le cadre d'une théorie du
capital, du profit et de l'emploi. Capital, profit, emploi sont
des objets économiques. Sur tout objet économique,
il convient de se poser deux questions quasi enfantines. De quoi
s'agit-il ? Quelle est sa fonction principale ?
Nous
avons déjà défini les concepts de capital et
de profit. Le capital est de l'épargne placée pour
assurer le financement à proprement parler permanent des
entreprises. Le profit est la rémunération de ce placement,
comme le salaire est la rémunération du service du
travail et comme l'intérêt est la rémunération
du service du crédit. Cela dit, le capital et le profit restent
des objets auxquels nous ne reconnaissons pas leur pleine nécessité
sociale si nous oublions d'observer leurs fonctions principales
respectives.
La
fonction principale de la mise en capital, c'est la création
d'emplois. La fonction principale du profit, telle qu'elle nous
apparaît maintenant, c'est le retour au plein emploi compromis
par des transformations des techniques, de la démographie,
des mÏurs, etc.
Le
socialisme anticapitaliste enferme dans une contradiction. Il aspire
au plein-emploi et il refuse le moyen techniquement indispensable
de financer sainement la création d'emplois. Le libéralisme
du profit maximum est son allié objectif en donnant du capital
une représentation avant tout axée sur son caractère
spéculatif et du profit une représentation uniquement
axée sur l'image implicite du riche entièrement occupé
à faire prospérer sa fortune sans aucune prise en
compte de l'intérêt général.
Rappelons
que nous étudions ici le fonctionnement d'une économie
dont la tutelle législative a pour principe d'organiser la
liberté de contracter, cette organisation comportant, comme
toute organisation, ses interdictions et ses sanctions. Une telle
étude n'élucide que par étapes le statut du
profit. Dans la mécanique des échanges marchands,
cet objet joue, en effet, plusieurs fonctions. Cette pluralité
est l'une des raisons pour lesquelles l'exactitude technique des
opinions sur le profit n'a vraiment rien de spontanée.
D'un
caducée à l'autre n°53 12/4/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Pour
la quasi-totalité des économistes universitaires comme
pour une large majorité de nos concitoyens, dont les politiciens
de toutes les obédiences, il n'y a de libéralisme
que du profit maximum. Toute autre conception, dit-on, relève
de l'angélisme. Le cynisme a gagné. Reconnaissons
au moins que le libéralisme du profit maximum sert sur un
plateau les justifications à ses préjugés d'un
socialisme idéologiquement anticapitaliste et antilibéral.
Un plateau d'argent, bien sûrÉ
Cette
" alliance objective " n'est probablement pas fortuite politiquement.
Elle est, de toute façon, intellectuellement logique. Ce
sont, en effet, les mêmes caricatures du riche en particulier
et de l'homme en général qui servent de référence
à ces deux grands courants d'opinion.
Les
errements de la pensée économique ont pour origine
un humanisme frelaté par des réductions de l'homme
à un " rien que ". La philosophie et la psychologie, voire
la philosophie et la psychologie d'abord, sont des exercices potentiellement
dangereux par leurs conséquences sur la santé mentale
s'ils ignorent cette vérité élémentaire.
Puisse
Hippocrate, si sensible dès qu'il s'agit d'humanisme et d'éthique,
s'élever contre tout ce qui réduit l'homme à
une partie de ce qu'il est ! Un des moyens qu'il peut utiliser à
cette fin est d'introduire dans son Serment les repères philosophiques
qui manquent à notre époque.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
3.23. Deux conditions principales
doivent être remplies pour que la régulation E.P.C.E.
fonctionne bien. Sur le marché du capital, le prix directeur
doit être le taux de profit sur capital. Sur le marché
du travail, les prix directeurs doivent être les vrais salaires
nominaux.
C'est
se rendre un très mauvais service que de condamner le libéralisme
du profit maximum sans, dans le même mouvement, prescrire
l'avènement du libéralisme du profit suffisant et
d'un profit beaucoup plus apparent qu'il ne l'a jamais été.
Le
profit suffisant est celui qui, à chaque instant de la transformation
incessante des quantités et des variétés des
marchandises produites, ainsi que de leur mode de production, répond
aux besoins d'emplois, eux aussi tant en quantités qu'en
variétés. Son expression la plus favorable aux régulations
auxquelles il prend part est son taux sur capital.
Un
marché du capital sur lequel le prix directeur n'est pas
encore ou n'est plus le taux de profit sur capital ne joue pas encore
ou plus son rôle de plus grand intérêt général.
Dans ce cas, il manque, en effet, un signal clair pour déclencher
l'ajustement à la hausse ou à la baisse du stock de
capital.
Cet
ajustement n'est pas forcément compromis pour autant. Mais
un risque inutile est exposé. Là où il faudrait
une réaction rapide pour enrayer au plus vite la montée
du chômage de masse, trop de temps est laissé aux médecines
" sociales " qui laissent des séquelles handicapantes. Là
où il serait préférable de laisser redescendre
plus vite le taux d'épargne des ménages, trop de comportements
retardataires persistent.
Un
marché du travail sur lequel les prix directeurs ne sont
pas encore, ou sont encore moins qu'ils ne l'ont été,
les vrais salaires nominaux joue également moins bien qu'il
ne le devrait son rôle régulateur. Il renvoie une information
incomplète sur ce qui se passe réellement du côté
de l'évolution des salaires.
Les
vrais salaires nominaux sont ceux qui comportent la fraction dite
patronale des cotisations sociales. Le moyen le plus simple d'éliminer
la tentation de ne pas prendre en compte cette fraction serait d'éliminer
la fiction de cette fraction. Cette réforme est d'autant
plus légitime et nécessaire que cette fiction est
mensongère et qu'elle bloque l'avènement d'une véritable
économie des soins médicaux.
D'un
caducée à l'autre n°54 19/4/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- L'économie est chose humaine. Les échanges marchands,
les monnaies, les impôts, l'épargne, le salaire, le
capital, l'emprunt, le profit, l'intérêt, etc. sont
des inventions humaines. Mais l'homme lui-même ? L'homme soigné
par le médecin ? L'homme n'est pas une invention humaine
- faut-il le rappeler ? Les secrets de l'économie sont à
hauteur d'homme. Quant au mystère de l'hommeÉ Que vaut la
présomption que le mystère de l'homme est à
portée humaine ? Les anciens qui mettaient la connaissance
de ce mystère à hauteur des dieux n'étaient-ils
pas, sur ce point, plus sagement humanistes que nous ? Quoiqu'il
en soit, vous savez mieux que moi pourquoi il faut que la médecine
ne soit pratiquée que par des docteurs dûment formés
et assermentés. Une restriction similaire n'est pas imposée
aux chefs d'entreprise et aux politiciens en qualité de responsables
économiques. Ce n'est pas par hasard. Je répète
que le bon sens et l'honnêteté économiques sont
à la portée de tous. Nos éducateurs peuvent
nous les inculquer et, là où ils se sont trompés,
un assez petit nombre d'heures d'étude suffit pour remettre
la pendule à l'heure - un nombre ridiculement petit par rapport
à ce que la médecine exige tout au long de la vie
de celui qui la pratique.
Hippocrate
- Pouvoir est une chose, devoir en est une autre. Quel est à
tes yeux l'argument le plus décisif du devoir qu'a un médecin
de remettre à plat les idées, généralement
vagues et superficielles, qui lui tiennent lieu de savoir économique
?
Exocrate
- La tendance actuelle est partout à l'économie dirigée
des soins médicaux, par des bureaucraties publiques ou privées.
Tout se passe comme si la démonstration avait été
faite qu'il n'est pas possible de laisser la liberté contractuelle
et la vérité des prix participer à la régulation
des dépenses de santé - expression qui veut dire :
dépenses en soins remboursés par un système
d'assurance. Cette liberté dans ces conditions entraînerait
un accroissement tel de ces dépenses que leur financement
deviendrait impossible. De plus, elle serait un facteur d'accroissement
des inégalités non seulement entre les demandeurs
de soins mais aussi entre les professions médicales et les
autres. Comment un médecin peut-il juger ces assertions en
bonne connaissance de cause ? Il lui faut, comme n'importe qui d'autre,
savoir comment une économie libre fonctionne. Alors seulement
il est en mesure de prédire comment évoluerait la
médecine en passant d'une économie dirigée
des soins médicaux à une économie libre de
ces mêmes soins.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
3.24.
Les conditions de bon fonctionnement de la régulation E.P.C.E.
liées à l'organisation des placements en capital n'ont
jamais été bien remplies et, dans bien des pays dont
la France, ne le sont pas mieux aujourd'hui qu'hier.
Sur
les marchés des placements de l'épargne en capital,
les prix directeurs des comportements des intervenants ne sont pas
forcément les taux de profit sur capital. La recherche de
la plus-value peut occulter presque complètement les attentes
de rentes. C'est, au demeurant, ce que nous constatons aujourd'hui.
Quelles
sont les contributions d'intérêt général
respectives du rentier et du spéculateur ? L'épargne
placée en capital par le rentier est moins volatile qu'un
fonds spéculatif, nettement plus exposé à être
perdu en partie ou en totalité et, quand c'est en totalité,
avec de possibles dettes par-dessus le marché. Or, que cela
soit compris ou non par l'opinion économique la plus en vogue
du moment, la raison d'être du capital est d'assurer la partie
à proprement parler permanente (qui reste jusqu'au bout)
du financement des entreprises et, par conséquent, du financement
des emplois par les entreprises, au risque de la perte de cette
épargne si les affaires tournent mal.
La
vie d'une économie où tous les propriétaires
des moyens de production marchande, nécessairement via la
détention d'une part du stock total de capital, seraient
des spéculateurs chauffés à blanc ne manquerait
pas d'être ponctuée de krachs financiers eux-mêmes
générateurs de catastrophes sociales. Inversement,
réduite serait la vitalité d'un pays où il
n'y aurait pour propriétaires des entreprises que des rentiers
extrêmement prudents.
D'un
caducée à l'autre n°55 26/4/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- Qui peut croire que le " Oui, à l'économie de marché
" d'un M. Jospin soit un oui à l'économie libre des
soins médicaux ? De manière générale,
la tolérance du secteur privé par le secteur public
est une profonde anomalie. Quant au " Non, à la société
de marché ", je ne vois pas ce que cela peut bien vouloir
dire de concret et d'utile.
Praxicrate
- Ce " Oui, à l'économie de marché. Non, à
la société de marché " est un ni-ni. Ni le
tout collectif, ni le tout privé. Que pense Exocrate de ce
ni-ni ?
Exocrate
- Dire oui à un large secteur privé est doublement
réaliste. D'une part la liberté d'offrir et de demander
est indispensable à la liberté tout court. D'autre
part le poumon naturel constitué par cette liberté
est bien plus favorable à la prospérité du
peuple et à la santé publique que le poumon artificiel
constitué par une bureaucratie. Cela étant, il est,
Hippocrate, concret et constant que les prélèvements
obligatoires et les emprunts publics servent à alimenter
une foultitude de marchandages insidieux entre l'octroi d'une subvention
ou d'un avantage contre un soutien d'une façon ou d'une autre.
Malgré ce qu'il peut avoir de justifié, le non au
tout privé - un tout privé réclamé par
personne - est une mascarade de la part des électeurs et
des élus qui font semblant de ne pas s'apercevoir que l'abus
de subventions est un poison pour la santé morale de la population
qui s'y adonne. Il est, en vérité, plus utile de dire
non au trafic légal d'influence que non au tout marché.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
Faut-il
une organisation des marchés des placements en capital et
un discours économique qui laissent le corps social régler
de lui-même la proportion de rentiers et de spéculateurs
? Une réponse positive à cette question paraît
être une orientation décisive de sage politique économique.
Décisive et générale : le principe politique
reste l'intervention publique dans les affaires économiques
mais l'intervention pour organiser les régulations dont la
liberté de faire et ne pas faire est potentiellement riche
et non pas l'intervention pour opérer directement et autoritairement
des réglages sans tenir compte de toutes les capacités
autorégulatrices d'une société libre. Plus
succinctement mais peut-être plus utilement dit : le parti
pris politique est celui de la confiance et non celui de la défiance
si fortement ancrée dans la tradition jacobine.
Cela
noté, voyons bien qu'il ne s'agit que d'une orientation.
L'organisation optimale des marchés financiers est, en soi,
un domaine empirique de l'économie politique. Il n'est intellectuellement
honnête de prendre position dans ce domaine qu'après
avoir assez méticuleusement observé l'ensemble du
fonctionnement de la mécanique des échanges marchands,
comme nous tentons de le faire ici.
Cette
observation d'ensemble constitue le domaine descriptif de l'économie
politique. La théorie des valeurs en quoi il consiste est
le tronc commun aux domaines empiriques.
Les
principaux domaines empiriques sont au nombre de cinq : la fiscalité,
le placement en capital, le salariat et l'emploi, la monnaie et
le crédit, le commerce international. L'économie des
soins médicaux, autre domaine empirique, dépend avant
tout des pratiques retenues en matière de salariat.
La
cohérence conceptuelle et la viabilité démocratique
de l'ensemble d'une politique économique ne sont à
la portée d'une population qu'à deux conditions. Il
faut le tronc commun d'une théorie des valeurs logique et
conforme aux faits. Il faut que cette théorie des valeurs
ait acquis droit de cité scolaire, universitaire et populaire.
Ces
deux conditions sont encore très loin d'être remplies.
Il faudra encore beaucoup de travail pour enregistrer des progrès
décisifs. Tout se passe, en Europe, comme si nous vivions
avec la peur d'affronter l'épreuve de l'économie libre.
L'enjeu est pourtant de civilisation. Cette peur bloque, par ricochet,
notre capacité à faire évoluer positivement
nos mÏurs politiques. Ces dernières ne peuvent, en effet,
désormais progresser vers davantage de démocratie
réelle que par l'élimination des plus grosses insalubrités
financières dans lesquelles elles sont installées.
D'un
caducée à l'autre n°56 5/5/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- N'est-il pas souhaitable, voire indispensable, que toute une part
de la recherche médicale soit financée par des subventions
publiques et privées ?
Exocrate
- La logique économique commande de subventionner la production
des savoirs nouveaux les plus fondamentaux. Les marchandises, soins
médicaux inclus, sont des produits de savoirs et de dépenses
d'énergie humaine. En revanche, les savoirs et les dépenses
d'énergie humaine ne sont pas en eux-mêmes des marchandises.
Le financement naturel de l'accumulation des savoirs est la subvention,
privée ou publique.
Praxicrate
- Faut-il forcément un secteur public de la recherche scientifique
? Si oui, pourquoi pas également un secteur public de la
recherche artistique ?
Exocrate
- Il faut politiquement un secteur public de la recherche scientifique
dans un pays où les méfaits du secteur public restent
le recours pour se mettre à l'abri des méfaits du
secteur privé - méfaits privés et méfaits
publics, là où il y en a, il faut bien sûr chercher
à les éliminer mais autrement qu'en éliminant
le malade pour venir à bout de la maladie ! Au demeurant,
il y a une autre réforme économiquement et démocratiquement
plus nécessaire. Elle n'est jamais évoquée,
à ma connaissance, par le personnel politique. Il est malsain
que les partis politiques et les syndicats aient d'autres ressources
financières que les cotisations de leurs adhérents.
J'ajoute que pour les syndicats, les médicaux compris, le
dispositif français de l'obligation de formation continue
est un prototype de ce qu'il faut faire pour alourdir la tare du
trafic légal d'influence. Il n'y a aucune loi économique
qui régule ce genre d'abus. Outre la moralité ambiante,
la prospérité en pâtit puisque, via les prélèvements
obligatoires, c'est autant de ressources soustraites à l'initiative
privée.
Hippocrate
- Minable est la revendication de l'honnêteté sans
le courage de s'en donner les moyens !
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
3.25.
Les conditions de bon fonctionnement de la régulation E.P.C.E.
liées à l'organisation du salariat et des marchés
de l'emploi sont aussi des conditions d'existence d'une économie
autorégulée des soins médicaux.
L'usage
a consacré les appellations interchangeables " marché
du travail " et " marché de l'emploi ". Mais ce marché
ne régule pas que par les variétés et les quantités
des emplois offerts et demandés. Les niveaux et les évolutions
des salaires, dont la masse est bien plus considérable que
celle des profits, y sont aussi un enjeu essentiel.
Le
marché du travail est, en réalité, un marché
des salaires car ce sont des salaires que les employeurs y vendent
en contrepartie des produits du travail des employés. Parallèlement,
le marché du capital est, en réalité, un marché
des profits car ce sont des profits que les entreprises y vendent
en contrepartie du placement en capital.
Ces
deux marchés produisent plus ou moins bien les régulations
que la mécanique des échanges marchands leur attribue
selon que la vérité de leurs prix directeurs règne
plus ou moins. Côté profits, il y a beaucoup plus à
dire que ce que nous avons laissé entendre pour serrer au
plus près cette vérité. Nous y reviendrons.
Côté salaires, cette vérité peine au
moins autant à devenir de règle. Cela vaut ici de
s'y attarder d'autant plus que l'existence même d'une économie
autorégulée des soins médicaux.
Précisons
tout de suite ceci : une économie autorégulée
donc, comme cela revient au même dans ce cas comme en pas
mal d'autres, une économie démocratique. Dans une
telle situation, ce sont les demandeurs et les offreurs de soins
médicaux qui, par l'accumulation et l'interaction de leurs
décisions, choisissent, compte tenu de ce que ces soins coûtent
et de l'utilité qu'ils leur attribuent, d'augmenter, de maintenir
ou de réduire la part de leurs revenus allouée à
l'assurance maladie. Ce n'est pas un appareil bureaucratique agissant
sous influence de quelques groupes de pression et de grandes rasades
d'idéologie.
D'un
caducée à l'autre n°57 26/5/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- J'approuve sans réserve le " On ne peut pas administrer
l'économie "É administré à la gauche plurielle
par Lionel Jospin. L'expérience a établi que l'économie
dirigée appauvrit les populations dont elle restreint les
libertés - toutes les libertés, inévitablement.
Que cette règle soit sans exception est, en soi, suffisant
pour savoir à quoi s'en tenir quand on dispose encore de
son libre-arbitre. L'économie dirigée brise un instrument.
Les propagandistes du dirigisme pensent que cet instrument est celui
de l'exploitation de l'homme par l'homme - et en médecine
des soignés et de leurs assureurs par les soignants. Ils
se trompent du tout au tout. En réalité, c'est l'économie
libre qui est un instrument indispensable de libération de
l'homme par l'homme, économie libre des soins médicaux
comprise.
Praxicrate
- Tu n'es donc pas d'accord avec les humoristes qui vont disant
: le capitalisme (le libéralisme) c'est l'exploitation de
l'homme par l'homme, le communisme (le dirigisme) c'est le contraire
?
Exocrate
- Ce trait d'esprit m'amuse, bien entendu. Je tiens néanmoins
pour plus proche de la vérité que l'économie
dirigée est l'instrument le plus efficace d'asservissement
de la totalité d'une population et, je me répète,
l'économie libre l'instrument indispensable de libération
de l'homme par l'homme.
Hippocrate
- Connaissant des contours de ta conception de l'économie
ce que tu nous en as dit, il m'étonnerait que tu tiennes
pour instruments équivalents de libération de l'homme
par l'homme les économies libres de toutes les sortes. La
concurrence entre plusieurs libéralismes ne va-t-elle pas
naturellement succéder à la concurrence entre le dirigisme
et le libéralisme, presque terminée par faillite du
dirigisme ?
Exocrate
- Souhaitons-le. L'économiste libéral qui ne reste
pas définitivement inquiet de la justesse de ses vues est
un dirigiste qui s'ignore. L'élu libéral et ses électeurs
sont logés à la même enseigne. S'il est vrai
que " l'économie libre est un instrument indispensable de
libération
de
l'homme par l'homme ", alors il ne résulte évidemment
pas que n'importe quelle économie libre vaut n'importe quelle
économie libre. Étudions les implications principales,
logiques et morales, de la pratique des échanges marchands
libres et des transferts imposés de pouvoir d'achat. Pendant
cette étude, gardons bien présente à l'esprit
la question de savoir s'il est vrai que l'économie libre
est un instrument indispensable de libération de l'homme
par l'homme et à quelles conditions cet instrument joue au
mieux son rôle. Dans tout ce qui peut inciter à cette
étude, c'est le motif le plus substantiel et le plus stable
que je connaisse. Vous suffit-il, chers amis ?
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
Aujourd'hui,
en France notamment, la vérité des salaires nominaux
n'existe pas à cause de la fiction des cotisations dites
patronales. Le vrai salaire nominal existe, bien entendu. Mais,
sans que la loi pose en ce domaine un interdit. La règle
reste de passer très souvent ce vrai salaire sous silence
et de ne jamais en faire le chiffre de référence pour
comparer les salaires et pour mesurer leurs évolutions.
Nous
ne répéterons jamais trop que le vrai salaire nominal
du membre du personnel d'une entreprise, d'une administration ou
d'une association est le salaire dit brut, avantages en nature compris
quand il y en a, mais augmenté des cotisations dites patronales
- ou, dans le secteur public, de ce que ces cotisations seraient
avec les mêmes assiettes et les mêmes taux que ceux
imposés au secteur privé parÉ le secteur public !
Ce
vrai salaire n'a pas de nom administratif. En parlant de " coût
du travail " et de " masse salariale ", les économistes et
les gestionnaires entretiennent la fiction. Tout se passe comme
s'il ne fallait surtout pas qu'un bulletin de salaire qui comporte
en bas " Net à payer : 5 000 F " comporte en haut " Salaire
: 9 000 F ", en bas 10 000 en haut 18 000, en bas 15 000 en haut
27 000. Tout se passe donc comme s'il était d'ordre public
de mentir pour faire apparaître des gratuités qui n'existent
pas.
D'un
caducée à l'autre n°58 31/5/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
...
par une conception renouvelée de l'économie
Le
Dr Sincère et la vérité des salaires
Le
cabinet du Dr Sincère emploie Suzanne, secrétaire
médicale. Le Dr Sincère fait établir le bulletin
de paie de Suzanne par un cabinet comptable. En haut de ce bulletin
figure, en rubrique " Salaire brut ", la somme de 10 240 F. En bas
du bulletin, dans les totalisations, il y a notamment le total des
cotisations dites " salariales ", pour un montant de 2 240 F, et
le total des cotisations " patronales ", pour un montant de 4 160
F. Le net à payer à Suzanne est de 8 000 F.
-
Quel est votre vrai salaire ? Le confrère Sincère
posa cette question à Suzanne en lui remettant son dernier
bulletin de paie.
-
8 000 F par mois, répondit Suzanne.
-
Vous êtes bien loin du compte, Suzanne. Regardez-bien votre
bulletin de paie. Votre vrai salaire est avant toutes les retenues
au titre des paiements aux caisses que le cabinet fait pour votre
compte.
-
Mon salaire brut est de 10 240 F mais je ne touche que 8 000 F,
vous le savez bien.
-
Votre couverture sociale vous coûte 6 400 F par mois et non
pas 2 240 F, Suzanne. Pour aussi réglementaire qu'il soit,
votre bulletin de salaire est mensonger. Votre vrai salaire mensuel
est de 14 400 F. Il faut que je fasse enfin ce qui me trotte depuis
longtemps dans la tête : joindre à votre bulletin de
paie réglementaire, établi par le cabinet comptable,
un décompte de votre vrai salaire.
-
Etes-vous sûr que vous en avez le droit ?
-
Nous ne vivons pas encore dans un pays où tout ce qui n'est
pas autorisé par un règlement est interdit, sacré
nom d'une pipe ! Mais en quelques matières les Français
se comportent comme si c'était le cas. Parmi ces matières,
tout ce qui touche au salaire. Moralement, je vous dois et je me
dois de vous dire la vérité. Réglementairement,
il m'étonnerait beaucoup que le droit du travail interdise
de dire et d'écrire ce qui est économiquement vrai.
Rédigeons donc ensemble le vrai décompte de votre
salaire. Trois lignes et deux colonnes suffisent puisque le détail,
très inutilement compliqué par le travers français
de l'empilement sans faire le ménage, figure sur votre bulletin
réglementaire. Titrons la première colonne " Libellés
" et la deuxième " Montant ". Nous nous occuperons après
des pourcentages, qui sont presque aussi importants que les valeurs
absolues.
Rédigeons
d'abord les libellés. En première ligne du décompte,
je propose que nous écrivions : " Salaire mensuel " ; en
deuxième ligne " Part payable à tiers " ; en troisième
ligne " Part payable au salarié ". Passons aux montants.
Part payée au salarié : 8 000. Part payée à
tiers : 6 400.
-
6 400 par rapport à 8 000, ça fait 80 %. C'est quatre
fois plus que les 20 et quelques % dont on parle habituellement
! Vous êtes sûr, Docteur, de ces chiffres ?
-
Suzanne, c'est vous qui, tous les trimestres, préparez les
chèques et c'est vous aussi qui entrez ces montants dans
la feuille de calcul qui nous permet de suivre l'état de
la trésorerie du cabinet.
-
Il y a effectivement cinq paiements par trimestre dont deux pour
les cotisations salariales et trois pour les cotisations patronales.
-
C'est votre version, Suzanne ! Elle vous arrange mais elle est fausse.
Comme tout employeur, le cabinet règle en même temps
à chaque caisse la somme, due à cette caisse, des
cotisations dites salariales et des cotisations dites patronales.
Il y a, à raison de vote emploi, cinq paiements par trimestre
parce qu'il y a cinq caisses. Dans l'administration de leurs encaissements,
les caisses ne respectent pas la distinction entre cotisations dites
salariales et cotisations dites patronales. Il s'agit, en effet,
d'une fiction dépourvue de toute réalité financière.
Elle existe pour vous donner l'illusion que votre couverture sociale
vous coûte 2 240 F par mois alors qu'elle vous coûte
6 400 F, soit presque 3 fois plus - 2,86 fois plus, exactement,
dans votre cas.
D'un
caducée à l'autre n°59 7/6/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Le
décompte dont l'économie des soins médicaux
dépend
-
Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous vous lancez, Docteur,
dans cette croisade. L'illusion dont vous parlez avantage votre
profession. Si elle est dissipée, nous les malades plus ou
moins imaginaires consommerons moins de soins médicaux. Ce
n'est pas dans votre intérêt.
-
Laissez-moi aller jusqu'au bout du vrai décompte de votre
salaire que je ferai désormais joindre à votre bulletin
de salaire, Suzanne. Au libellé " Salaire mensuel " nous
allons ajouter entre parenthèses " le vrai revenu de votre
travail " ; au libellé " Part payable à tiers ", "
total des cotisations payées pour votre compte par votre
employeur " ; au libellé " Part payable au salarié
", " net à vous payer après déduction de la
part payable à tiers ".
-
Il n'y a que cette dernière somme dont je vais pouvoir vérifier
qu'elle reprend bien celle qui figure sur mon bulletin de salaire.
-
La part payable à tiers est la somme de la part dite fictivement
salariale et de la part dite fictivement patronale. Les totaux de
ces deux parts figurent sur votre bulletin. Moi, ce qui m'embête
est que le salaire dit fictivement brut ne figure pas sur ce décompte
car c'est lui qui, aujourd'hui, sert de base 100. Comme il est indispensable
pour entretenir la fiction, il me semble souhaitable de mesurer
combien, en pourcentage, cette fiction contrevient à la réalité.
RéfléchissonsÉ Présentons ainsi le décompte
:
Valeurs
fictives
(Report
du bulletin de paie)
|
|
Montants
|
Les
3
|
pourcentages
|
possibles
|
1.1.
Salaire dit brut
|
A
|
10 240
|
100%
|
71%
|
128%
|
1.2.
Cotisations dites salariales
|
B
|
2 240
|
22%
|
16%
|
28%
|
1.3.
Cotisations dites patronales
|
C
|
4160
|
41%
|
29%
|
52%
|
Valeurs
réelles
(
Décompte économique )
|
|
|
|
|
|
2.1.Salaire
mensuel (
vrai revenu de votre travail)
|
D=A+C
|
14
400
|
141%
|
100%
|
180%
|
2.2.Part
payable à tiers (total de vos cotisations à
votre compte)
|
E=B+C
|
6
400
|
n.s.
|
44%
|
80%
|
2.3.Part
payable au salarié (net
à vous payer)
|
F=D-E
|
8
000
|
78%
|
56%
|
100%
|
-
Vous avouerez, Docteur, qu'il n'est pas aisé de croire que
des valeurs qui doivent obligatoirement figurer sur les bulletins
de salaire puissent être fictives ! Votre position revient à
dire : les cotisations sur salaires, ce n'est que le salarié
seul qui en supporte la totalité du coût ; une augmentation
des cotisations patronales, c'est une augmentation de salaire qui
ne tombe pas dans la poche du salarié ; sur 100 F de vrai revenu
de mon travail, il n'en rentre dans ma poche que 56 parce que 44 sont
des primes d'assurance ; une augmentation de 1 000 F par mois de la
part du salaire payable au salarié fait une augmentation de
1 800 F de son vrai salaire. Vous paraissez attacher une très
grande importance à ce que des choses de ce genre soient dites.
Pourquoi ?
-
Comme la science, la médecine peut provoquer plus de méfaits
qu'elle n'engendre de bienfaits. Il suffit qu'elle reste barricadée
dans l'orgueil de ses savoirs et dans l'irréalisme économique.
Donner l'illusion que " la couverture sociale " coûte 100
quand elle coûte 286 (6 400 F par mois et non 2 480, dans
votre cas) est un puissant moyen de pousser à la médecine
mercantiliste, en totale opposition avec l'esprit du Serment d'Hippocrate
et avec le Code de déontologie médicale. On ne répétera
jamais assez qu'une économie des soins médicaux n'existera
que quand tout sera fait pour faire apparaître aux assurés
eux-mêmes ce que leur coûte leur assurance. Alors et
alors seulement les patients deviendront peu à peu nettement
plus responsables de leur consommation médicale. Loin de
nuire à leur santé, cela l'améliorera. Mais
chaque médecin et le corps médical dans son ensemble
sont impuissants à faire revenir toute une population à
la réalité économique sur la question du financement
de " la couverture sociale " tant que perdurera la fiction par laquelle
cette population a été écartée de cette
réalité.
Convaincante,
la feuille de paie-vérité du Docteur Sincère
?
D'un
caducée à l'autre n°60 14/6/00
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- Si tu devais, Exocrate, présenter ce que tu nommes toi-même
" une conception renouvelée de l'économie " sous la
forme d'une suite de propositions, au sens que ce mot prend en logique,
quelles seraient les premières de ces propositions ?
Exocrate
- Pourquoi me poses-tu maintenant cette question ?
Hippocrate
- J'aimerais que nous exprimions plus clairement ce que ma conception
de la médecine et ta conception de l'économie ont
en commun. Dire qu'elles procèdent du même fonds éthique
n'indique pas quelles valeurs principales constituent ce fonds.
Exocrate
- Du même fonds éthique, du même humanisme, cela
revient au même et expose au même danger : se payer
de mots sans contenus assez précis et, par conséquent,
assez utiles ici et maintenant. Des vertus dont nous nous parons
aux vertus auxquelles nous nous efforçons vraiment, il y
a bien plus loin que de la coupe aux lèvres. Ce que tu me
demandes est difficile, Hippocrate.
Hippocrate
- Quel premier propos principal souhaiterais-tu que les professeurs
d'économie tiennent à leurs étudiants ?
Exocrate
- La vérité ne pose pas de problème de principe
en théorie économique, quoiqu'on en dise.
Hippocrate
- Tu ne peux annoncer cela que si tu indiques tout de suite après
ce qu'est pour toi la vérité dans le cas de la théorie
économique.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
3.26.
Après le retour au plein-emploi, l'entrée dans la
zone du suremploi engendre les effets inverses de l'entrée
en crise de sous-emploi.
Parmi
ces effets, il y a une baisse du taux moyen de profit sur capital.
Depuis
le milieu des années 1970, le taux moyen de profit sur capital
a beaucoup augmenté. Va-t-il, dans les pays dont l'économie
est la plus prospère, poursuivre cette augmentation pendant
plusieurs générations ou se
maintenir
à haut niveau ? Dès que les signes de suremploi deviendront
manifestes, notamment sous la forme d'augmentations plus généralisées
et plus constantes des salaires réels, le taux moyen de profit
sur capital baissera mécaniquement.
3.27.
Les variations en sens contraire du taux moyen de profit sur capital
établissent une tendance, sur longue période, à
la stabilité de ce taux.
Les
durées des crises de chômage de masse pendant lesquelles
le taux moyen de profit sur capital s'élève peuvent
être extrêmement variables : de quelques années
à plusieurs générations, selon l'importance
des mutations des techniques de production qui en sont la cause
principale et selon la pertinence sur longue période de la
politique économique adoptée par les pouvoirs publics.
De plus, la qualité même du plein-emploi recouvré
est d'abord insuffisante pour amorcer une nette baisse du taux moyen
de profit sur capital. La transformation d'un assez grand nombre
d'emplois précaires en emplois stables prend du temps. Ce
n'est que quand cette transformation a dépassé un
seuil critique que la baisse du taux moyen de profit sur capital
s'amorce franchement.
La
réponse apportée à la question de la tendance
naturelle, sur longue période, du taux moyen de profit sur
capital dans une économie libre pèse extrêmement
lourd politiquement. Cette réponse se ramène nécessairement
à l'une des quatre suivantes : sans opinion, à la
hausse, à la baisse, à la stabilité. La première
de ces réponses ne peut que participer à l'hésitation
sur ce qu'est une bonne politique économique. La deuxième
et la troisième poussent à l'interventionnisme pour
éviter ou la détérioration des salaires à
cause de l'augmentation des profits ou la détérioration
des profits à cause de l'augmentation des salaires. La quatrième
inspire l'affirmation à suivre.
N°
61 22/6/2000
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- Tu as toi-même rappelé qu'une théorie économique
est composée d'une suite de propositions. Si ces propositions
sont conformes aux faits, exemptes de contradiction entre elles
et expérimentalement vérifiables, alors elles sont
vraies. Inversement, le manque d'objectivité et de sagacité
dans la reconnaissance des faits (non-conformité à
la réalité), les incohérences entre les propositions
admises (faute de logique), la négligence des vérifications
que la vie économique donne à observer (non-recours
aux preuves expérimentales) produisent des propositions fausses
ou incertaines.
Hippocrate
- Autant que je suis à même d'en juger, ces trois critères
- cette " table de vérité ", diraient volontiers les
logiciens et les informaticiens - paraissent particulièrement
difficiles à respecter dès qu'il est question d'économie,
n'est-ce pas ?
Exocrate
- Grande, très grande, est la tentation permanente d'asservir
la théorie économique à des vues philosophiques,
religieuses, politiques, sociales. Tout aussi grande et permanente
est l'autre tentation, apparentée, de faire de la théorie
de l'économie en application d'une autre discipline. Une
construction qui, sous couvert de théorie économique,
utilise des catégories fondatrices assez imprécises
pour s'appliquer à une grande variété de phénomènes
sociaux, et à plus forte raison à leur totalité,
ne peut pas respecter les trois critères de vérité.
La théorie économique ne doit avoir qu'une propriété
commune avec les autres disciplines utilisant les mêmes critères
de vérité : le respect de ces critères. C'est
à ce respect, et à lui seul, qu'il convient de subordonner
l'emploi de procédés utilisés ailleurs, recours
aux formalismes et aux instruments mathématiques compris.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital, du profit et de l'emploi
3.28.
Le taux naturel de rentabilité moyenne du capital devient
démocratique quand il est géré pour la régulation
centrale qu'il est en mesure d'assurer. La régulation centrale
que le taux de rentabilité moyenne du capital, c'est-à-dire
le taux moyen de profit sur capital, est naturellement (logiquement)
vouée à assurer est celle de l'emploi, comme nous
l'avons constaté par l'étude de la relation E.P.C.E.
(Emploi, Profit, Capital, Emploi). Mais une politique économique
n'est pas ou est résolument centrée sur cette régulation.
Cela dépend de la conception de l'économie qui prévaut.
Une
politique économique qui n'est pas résolument centrée
sur le rôle régulateur du taux moyen de profit sur
capital laisse proliférer et suscite elle-même les
dispositifs qui entravent ce rôle. Le déficit de publicité
régulière de ce taux, socialement bien plus essentiel
que les cours de bourse, ainsi que le déficit d'explications
de son rôle régulateur, font partie de ces entraves.
Une politique économique résolument centrée
sur le rôle régulateur du taux moyen de profit sur
capital comporte les mesures qui, autant que besoin, comblent ces
déficits ou évitent qu'ils réapparaissent.
Dans le cadre d'une telle politique, le placement en capital et
la gestion d'entreprise prennent des tournures tout à fait
différentes de celles que nous leur connaissons aujourd'hui.
Le
placement en capital redevient d'abord un moyen de se procurer un
complément de revenu, ce complément montant quand
le chômage lui-même monte, baissant puis restant stable
quand le plein-emploi est installé depuis assez longtemps.
Ce placement est vécu par ceux qui le consentent en y consacrant
une partie de leur épargne, voire en augmentant leur épargne
à cette fin, pour ce qu'il est du point de vue de l'intérêt
général : une nécessité pour revenir
au plus vite ou pour rester encore plus longtemps en situation de
plein-emploi. C'est à un vote permanent et libre auquel la
population est conviée par ce moyen. C'est elle, et non pas
une technocratie, qui dose l'un des réglages économiques
dont les effets sont les plus importants pour elle.
La
recherche du maximum de gain pour l'actionnaire ne domine plus de
façon aussi écrasante la gestion d'entreprise. La
sécurisation du placement en capital et la régularité
de son rendement sous la forme des profits distribués redeviennent
des orientations remises à l'honneur par une bonne part des
faiseurs d'opinion qui n'ont aucun mal à trouver les arguments
sociaux en leur faveur.
Formation
économique 13
|