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Formation économique 12

D'un caducée à l'autre n°52

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

 

Hippocrate - Tu demandes à des médecins d'agir pour recentrer l'économie sur l'objet qui lui est propre. N'est-ce pas comme si je demandais à des patients d'agir pour recentrer la médecine sur l'objet qui lui est propre ?

Exocrate - Veux-tu, Hippocrate, d'un monde dans lequel il est inculqué à chacun que sa santé est d'abord l'affaire des médecins et non pas la sienne ?

Hippocrate - Surtout pas ! Comme tu ne veux pas, Exocrate, du monde d'aujourd'hui pour ce qui est de l'appropriation par les seuls économistes du droit d'émettre des avis économiques autorisés.

Exocrate - Exactement. Cela étant dit, ne poussons pas plus loin la comparaison entre la médecine et l'économie. La santé d'une économie et les pathologies qui la mettent à mal sont, en effet, des affaires beaucoup plus simples que la santé des hommes et les maladies qui la contrarient.

Praxicrate - Pour affirmer cela en bonne connaissance de cause, il faut être médecin et économiste. Or tu n'es pas médecin, Exocrate, que je sache.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.22. Une crise de sous-emploi déclenche et entretient une élévation du stock de capital, via une hausse du taux moyen de profit sur capital et une hausse du taux d'épargne des ménages. Cette élévation, dès qu'elle a dépassé son seuil d'efficacité, entraîne celle du stock d'emplois durables jusqu'au rétablissement du plein-emploi.

La proposition 3.22 résume la régulation E.P.C.E. - Emploi, Profit, Capital, Emploi - quand cette dernière est commandée par une crise de sous-emploi généralisé.

Ne perdons pas de vue que nous étudions cet aspect du fonctionnement d'une économie libre dans le cadre d'une théorie du capital, du profit et de l'emploi. Capital, profit, emploi sont des objets économiques. Sur tout objet économique, il convient de se poser deux questions quasi enfantines. De quoi s'agit-il ? Quelle est sa fonction principale ?

Nous avons déjà défini les concepts de capital et de profit. Le capital est de l'épargne placée pour assurer le financement à proprement parler permanent des entreprises. Le profit est la rémunération de ce placement, comme le salaire est la rémunération du service du travail et comme l'intérêt est la rémunération du service du crédit. Cela dit, le capital et le profit restent des objets auxquels nous ne reconnaissons pas leur pleine nécessité sociale si nous oublions d'observer leurs fonctions principales respectives.

 

La fonction principale de la mise en capital, c'est la création d'emplois. La fonction principale du profit, telle qu'elle nous apparaît maintenant, c'est le retour au plein emploi compromis par des transformations des techniques, de la démographie, des mÏurs, etc.

Le socialisme anticapitaliste enferme dans une contradiction. Il aspire au plein-emploi et il refuse le moyen techniquement indispensable de financer sainement la création d'emplois. Le libéralisme du profit maximum est son allié objectif en donnant du capital une représentation avant tout axée sur son caractère spéculatif et du profit une représentation uniquement axée sur l'image implicite du riche entièrement occupé à faire prospérer sa fortune sans aucune prise en compte de l'intérêt général.

 

Rappelons que nous étudions ici le fonctionnement d'une économie dont la tutelle législative a pour principe d'organiser la liberté de contracter, cette organisation comportant, comme toute organisation, ses interdictions et ses sanctions. Une telle étude n'élucide que par étapes le statut du profit. Dans la mécanique des échanges marchands, cet objet joue, en effet, plusieurs fonctions. Cette pluralité est l'une des raisons pour lesquelles l'exactitude technique des opinions sur le profit n'a vraiment rien de spontanée.

 


D'un caducée à l'autre n°53 12/4/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Pour la quasi-totalité des économistes universitaires comme pour une large majorité de nos concitoyens, dont les politiciens de toutes les obédiences, il n'y a de libéralisme que du profit maximum. Toute autre conception, dit-on, relève de l'angélisme. Le cynisme a gagné. Reconnaissons au moins que le libéralisme du profit maximum sert sur un plateau les justifications à ses préjugés d'un socialisme idéologiquement anticapitaliste et antilibéral. Un plateau d'argent, bien sûrÉ

Cette " alliance objective " n'est probablement pas fortuite politiquement. Elle est, de toute façon, intellectuellement logique. Ce sont, en effet, les mêmes caricatures du riche en particulier et de l'homme en général qui servent de référence à ces deux grands courants d'opinion.

Les errements de la pensée économique ont pour origine un humanisme frelaté par des réductions de l'homme à un " rien que ". La philosophie et la psychologie, voire la philosophie et la psychologie d'abord, sont des exercices potentiellement dangereux par leurs conséquences sur la santé mentale s'ils ignorent cette vérité élémentaire.

Puisse Hippocrate, si sensible dès qu'il s'agit d'humanisme et d'éthique, s'élever contre tout ce qui réduit l'homme à une partie de ce qu'il est ! Un des moyens qu'il peut utiliser à cette fin est d'introduire dans son Serment les repères philosophiques qui manquent à notre époque.

 

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi 3.23. Deux conditions principales doivent être remplies pour que la régulation E.P.C.E. fonctionne bien. Sur le marché du capital, le prix directeur doit être le taux de profit sur capital. Sur le marché du travail, les prix directeurs doivent être les vrais salaires nominaux.

C'est se rendre un très mauvais service que de condamner le libéralisme du profit maximum sans, dans le même mouvement, prescrire l'avènement du libéralisme du profit suffisant et d'un profit beaucoup plus apparent qu'il ne l'a jamais été.

Le profit suffisant est celui qui, à chaque instant de la transformation incessante des quantités et des variétés des marchandises produites, ainsi que de leur mode de production, répond aux besoins d'emplois, eux aussi tant en quantités qu'en variétés. Son expression la plus favorable aux régulations auxquelles il prend part est son taux sur capital.

 

Un marché du capital sur lequel le prix directeur n'est pas encore ou n'est plus le taux de profit sur capital ne joue pas encore ou plus son rôle de plus grand intérêt général. Dans ce cas, il manque, en effet, un signal clair pour déclencher l'ajustement à la hausse ou à la baisse du stock de capital.

Cet ajustement n'est pas forcément compromis pour autant. Mais un risque inutile est exposé. Là où il faudrait une réaction rapide pour enrayer au plus vite la montée du chômage de masse, trop de temps est laissé aux médecines " sociales " qui laissent des séquelles handicapantes. Là où il serait préférable de laisser redescendre plus vite le taux d'épargne des ménages, trop de comportements retardataires persistent.

 

Un marché du travail sur lequel les prix directeurs ne sont pas encore, ou sont encore moins qu'ils ne l'ont été, les vrais salaires nominaux joue également moins bien qu'il ne le devrait son rôle régulateur. Il renvoie une information incomplète sur ce qui se passe réellement du côté de l'évolution des salaires.

Les vrais salaires nominaux sont ceux qui comportent la fraction dite patronale des cotisations sociales. Le moyen le plus simple d'éliminer la tentation de ne pas prendre en compte cette fraction serait d'éliminer la fiction de cette fraction. Cette réforme est d'autant plus légitime et nécessaire que cette fiction est mensongère et qu'elle bloque l'avènement d'une véritable économie des soins médicaux.


D'un caducée à l'autre n°54 19/4/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - L'économie est chose humaine. Les échanges marchands, les monnaies, les impôts, l'épargne, le salaire, le capital, l'emprunt, le profit, l'intérêt, etc. sont des inventions humaines. Mais l'homme lui-même ? L'homme soigné par le médecin ? L'homme n'est pas une invention humaine - faut-il le rappeler ? Les secrets de l'économie sont à hauteur d'homme. Quant au mystère de l'hommeÉ Que vaut la présomption que le mystère de l'homme est à portée humaine ? Les anciens qui mettaient la connaissance de ce mystère à hauteur des dieux n'étaient-ils pas, sur ce point, plus sagement humanistes que nous ? Quoiqu'il en soit, vous savez mieux que moi pourquoi il faut que la médecine ne soit pratiquée que par des docteurs dûment formés et assermentés. Une restriction similaire n'est pas imposée aux chefs d'entreprise et aux politiciens en qualité de responsables économiques. Ce n'est pas par hasard. Je répète que le bon sens et l'honnêteté économiques sont à la portée de tous. Nos éducateurs peuvent nous les inculquer et, là où ils se sont trompés, un assez petit nombre d'heures d'étude suffit pour remettre la pendule à l'heure - un nombre ridiculement petit par rapport à ce que la médecine exige tout au long de la vie de celui qui la pratique.

Hippocrate - Pouvoir est une chose, devoir en est une autre. Quel est à tes yeux l'argument le plus décisif du devoir qu'a un médecin de remettre à plat les idées, généralement vagues et superficielles, qui lui tiennent lieu de savoir économique ?

Exocrate - La tendance actuelle est partout à l'économie dirigée des soins médicaux, par des bureaucraties publiques ou privées. Tout se passe comme si la démonstration avait été faite qu'il n'est pas possible de laisser la liberté contractuelle et la vérité des prix participer à la régulation des dépenses de santé - expression qui veut dire : dépenses en soins remboursés par un système d'assurance. Cette liberté dans ces conditions entraînerait un accroissement tel de ces dépenses que leur financement deviendrait impossible. De plus, elle serait un facteur d'accroissement des inégalités non seulement entre les demandeurs de soins mais aussi entre les professions médicales et les autres. Comment un médecin peut-il juger ces assertions en bonne connaissance de cause ? Il lui faut, comme n'importe qui d'autre, savoir comment une économie libre fonctionne. Alors seulement il est en mesure de prédire comment évoluerait la médecine en passant d'une économie dirigée des soins médicaux à une économie libre de ces mêmes soins.

 

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.24. Les conditions de bon fonctionnement de la régulation E.P.C.E. liées à l'organisation des placements en capital n'ont jamais été bien remplies et, dans bien des pays dont la France, ne le sont pas mieux aujourd'hui qu'hier.

Sur les marchés des placements de l'épargne en capital, les prix directeurs des comportements des intervenants ne sont pas forcément les taux de profit sur capital. La recherche de la plus-value peut occulter presque complètement les attentes de rentes. C'est, au demeurant, ce que nous constatons aujourd'hui.

Quelles sont les contributions d'intérêt général respectives du rentier et du spéculateur ? L'épargne placée en capital par le rentier est moins volatile qu'un fonds spéculatif, nettement plus exposé à être perdu en partie ou en totalité et, quand c'est en totalité, avec de possibles dettes par-dessus le marché. Or, que cela soit compris ou non par l'opinion économique la plus en vogue du moment, la raison d'être du capital est d'assurer la partie à proprement parler permanente (qui reste jusqu'au bout) du financement des entreprises et, par conséquent, du financement des emplois par les entreprises, au risque de la perte de cette épargne si les affaires tournent mal.

La vie d'une économie où tous les propriétaires des moyens de production marchande, nécessairement via la détention d'une part du stock total de capital, seraient des spéculateurs chauffés à blanc ne manquerait pas d'être ponctuée de krachs financiers eux-mêmes générateurs de catastrophes sociales. Inversement, réduite serait la vitalité d'un pays où il n'y aurait pour propriétaires des entreprises que des rentiers extrêmement prudents.

 


D'un caducée à l'autre n°55 26/4/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - Qui peut croire que le " Oui, à l'économie de marché " d'un M. Jospin soit un oui à l'économie libre des soins médicaux ? De manière générale, la tolérance du secteur privé par le secteur public est une profonde anomalie. Quant au " Non, à la société de marché ", je ne vois pas ce que cela peut bien vouloir dire de concret et d'utile.

Praxicrate - Ce " Oui, à l'économie de marché. Non, à la société de marché " est un ni-ni. Ni le tout collectif, ni le tout privé. Que pense Exocrate de ce ni-ni ?

Exocrate - Dire oui à un large secteur privé est doublement réaliste. D'une part la liberté d'offrir et de demander est indispensable à la liberté tout court. D'autre part le poumon naturel constitué par cette liberté est bien plus favorable à la prospérité du peuple et à la santé publique que le poumon artificiel constitué par une bureaucratie. Cela étant, il est, Hippocrate, concret et constant que les prélèvements obligatoires et les emprunts publics servent à alimenter une foultitude de marchandages insidieux entre l'octroi d'une subvention ou d'un avantage contre un soutien d'une façon ou d'une autre. Malgré ce qu'il peut avoir de justifié, le non au tout privé - un tout privé réclamé par personne - est une mascarade de la part des électeurs et des élus qui font semblant de ne pas s'apercevoir que l'abus de subventions est un poison pour la santé morale de la population qui s'y adonne. Il est, en vérité, plus utile de dire non au trafic légal d'influence que non au tout marché.

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

Faut-il une organisation des marchés des placements en capital et un discours économique qui laissent le corps social régler de lui-même la proportion de rentiers et de spéculateurs ? Une réponse positive à cette question paraît être une orientation décisive de sage politique économique. Décisive et générale : le principe politique reste l'intervention publique dans les affaires économiques mais l'intervention pour organiser les régulations dont la liberté de faire et ne pas faire est potentiellement riche et non pas l'intervention pour opérer directement et autoritairement des réglages sans tenir compte de toutes les capacités autorégulatrices d'une société libre. Plus succinctement mais peut-être plus utilement dit : le parti pris politique est celui de la confiance et non celui de la défiance si fortement ancrée dans la tradition jacobine.

 

Cela noté, voyons bien qu'il ne s'agit que d'une orientation. L'organisation optimale des marchés financiers est, en soi, un domaine empirique de l'économie politique. Il n'est intellectuellement honnête de prendre position dans ce domaine qu'après avoir assez méticuleusement observé l'ensemble du fonctionnement de la mécanique des échanges marchands, comme nous tentons de le faire ici.

Cette observation d'ensemble constitue le domaine descriptif de l'économie politique. La théorie des valeurs en quoi il consiste est le tronc commun aux domaines empiriques.

Les principaux domaines empiriques sont au nombre de cinq : la fiscalité, le placement en capital, le salariat et l'emploi, la monnaie et le crédit, le commerce international. L'économie des soins médicaux, autre domaine empirique, dépend avant tout des pratiques retenues en matière de salariat.

La cohérence conceptuelle et la viabilité démocratique de l'ensemble d'une politique économique ne sont à la portée d'une population qu'à deux conditions. Il faut le tronc commun d'une théorie des valeurs logique et conforme aux faits. Il faut que cette théorie des valeurs ait acquis droit de cité scolaire, universitaire et populaire.

Ces deux conditions sont encore très loin d'être remplies. Il faudra encore beaucoup de travail pour enregistrer des progrès décisifs. Tout se passe, en Europe, comme si nous vivions avec la peur d'affronter l'épreuve de l'économie libre. L'enjeu est pourtant de civilisation. Cette peur bloque, par ricochet, notre capacité à faire évoluer positivement nos mÏurs politiques. Ces dernières ne peuvent, en effet, désormais progresser vers davantage de démocratie réelle que par l'élimination des plus grosses insalubrités financières dans lesquelles elles sont installées.


D'un caducée à l'autre n°56 5/5/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - N'est-il pas souhaitable, voire indispensable, que toute une part de la recherche médicale soit financée par des subventions publiques et privées ?

Exocrate - La logique économique commande de subventionner la production des savoirs nouveaux les plus fondamentaux. Les marchandises, soins médicaux inclus, sont des produits de savoirs et de dépenses d'énergie humaine. En revanche, les savoirs et les dépenses d'énergie humaine ne sont pas en eux-mêmes des marchandises. Le financement naturel de l'accumulation des savoirs est la subvention, privée ou publique.

Praxicrate - Faut-il forcément un secteur public de la recherche scientifique ? Si oui, pourquoi pas également un secteur public de la recherche artistique ?

Exocrate - Il faut politiquement un secteur public de la recherche scientifique dans un pays où les méfaits du secteur public restent le recours pour se mettre à l'abri des méfaits du secteur privé - méfaits privés et méfaits publics, là où il y en a, il faut bien sûr chercher à les éliminer mais autrement qu'en éliminant le malade pour venir à bout de la maladie ! Au demeurant, il y a une autre réforme économiquement et démocratiquement plus nécessaire. Elle n'est jamais évoquée, à ma connaissance, par le personnel politique. Il est malsain que les partis politiques et les syndicats aient d'autres ressources financières que les cotisations de leurs adhérents. J'ajoute que pour les syndicats, les médicaux compris, le dispositif français de l'obligation de formation continue est un prototype de ce qu'il faut faire pour alourdir la tare du trafic légal d'influence. Il n'y a aucune loi économique qui régule ce genre d'abus. Outre la moralité ambiante, la prospérité en pâtit puisque, via les prélèvements obligatoires, c'est autant de ressources soustraites à l'initiative privée.

Hippocrate - Minable est la revendication de l'honnêteté sans le courage de s'en donner les moyens !

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.25. Les conditions de bon fonctionnement de la régulation E.P.C.E. liées à l'organisation du salariat et des marchés de l'emploi sont aussi des conditions d'existence d'une économie autorégulée des soins médicaux.

L'usage a consacré les appellations interchangeables " marché du travail " et " marché de l'emploi ". Mais ce marché ne régule pas que par les variétés et les quantités des emplois offerts et demandés. Les niveaux et les évolutions des salaires, dont la masse est bien plus considérable que celle des profits, y sont aussi un enjeu essentiel.

Le marché du travail est, en réalité, un marché des salaires car ce sont des salaires que les employeurs y vendent en contrepartie des produits du travail des employés. Parallèlement, le marché du capital est, en réalité, un marché des profits car ce sont des profits que les entreprises y vendent en contrepartie du placement en capital.

Ces deux marchés produisent plus ou moins bien les régulations que la mécanique des échanges marchands leur attribue selon que la vérité de leurs prix directeurs règne plus ou moins. Côté profits, il y a beaucoup plus à dire que ce que nous avons laissé entendre pour serrer au plus près cette vérité. Nous y reviendrons. Côté salaires, cette vérité peine au moins autant à devenir de règle. Cela vaut ici de s'y attarder d'autant plus que l'existence même d'une économie autorégulée des soins médicaux.

Précisons tout de suite ceci : une économie autorégulée donc, comme cela revient au même dans ce cas comme en pas mal d'autres, une économie démocratique. Dans une telle situation, ce sont les demandeurs et les offreurs de soins médicaux qui, par l'accumulation et l'interaction de leurs décisions, choisissent, compte tenu de ce que ces soins coûtent et de l'utilité qu'ils leur attribuent, d'augmenter, de maintenir ou de réduire la part de leurs revenus allouée à l'assurance maladie. Ce n'est pas un appareil bureaucratique agissant sous influence de quelques groupes de pression et de grandes rasades d'idéologie.


D'un caducée à l'autre n°57 26/5/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - J'approuve sans réserve le " On ne peut pas administrer l'économie "É administré à la gauche plurielle par Lionel Jospin. L'expérience a établi que l'économie dirigée appauvrit les populations dont elle restreint les libertés - toutes les libertés, inévitablement. Que cette règle soit sans exception est, en soi, suffisant pour savoir à quoi s'en tenir quand on dispose encore de son libre-arbitre. L'économie dirigée brise un instrument. Les propagandistes du dirigisme pensent que cet instrument est celui de l'exploitation de l'homme par l'homme - et en médecine des soignés et de leurs assureurs par les soignants. Ils se trompent du tout au tout. En réalité, c'est l'économie libre qui est un instrument indispensable de libération de l'homme par l'homme, économie libre des soins médicaux comprise.

Praxicrate - Tu n'es donc pas d'accord avec les humoristes qui vont disant : le capitalisme (le libéralisme) c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, le communisme (le dirigisme) c'est le contraire ?

Exocrate - Ce trait d'esprit m'amuse, bien entendu. Je tiens néanmoins pour plus proche de la vérité que l'économie dirigée est l'instrument le plus efficace d'asservissement de la totalité d'une population et, je me répète, l'économie libre l'instrument indispensable de libération de l'homme par l'homme.

Hippocrate - Connaissant des contours de ta conception de l'économie ce que tu nous en as dit, il m'étonnerait que tu tiennes pour instruments équivalents de libération de l'homme par l'homme les économies libres de toutes les sortes. La concurrence entre plusieurs libéralismes ne va-t-elle pas naturellement succéder à la concurrence entre le dirigisme et le libéralisme, presque terminée par faillite du dirigisme ?

Exocrate - Souhaitons-le. L'économiste libéral qui ne reste pas définitivement inquiet de la justesse de ses vues est un dirigiste qui s'ignore. L'élu libéral et ses électeurs sont logés à la même enseigne. S'il est vrai que " l'économie libre est un instrument indispensable de libération

de l'homme par l'homme ", alors il ne résulte évidemment pas que n'importe quelle économie libre vaut n'importe quelle économie libre. Étudions les implications principales, logiques et morales, de la pratique des échanges marchands libres et des transferts imposés de pouvoir d'achat. Pendant cette étude, gardons bien présente à l'esprit la question de savoir s'il est vrai que l'économie libre est un instrument indispensable de libération de l'homme par l'homme et à quelles conditions cet instrument joue au mieux son rôle. Dans tout ce qui peut inciter à cette étude, c'est le motif le plus substantiel et le plus stable que je connaisse. Vous suffit-il, chers amis ?

 

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

 

Aujourd'hui, en France notamment, la vérité des salaires nominaux n'existe pas à cause de la fiction des cotisations dites patronales. Le vrai salaire nominal existe, bien entendu. Mais, sans que la loi pose en ce domaine un interdit. La règle reste de passer très souvent ce vrai salaire sous silence et de ne jamais en faire le chiffre de référence pour comparer les salaires et pour mesurer leurs évolutions.

Nous ne répéterons jamais trop que le vrai salaire nominal du membre du personnel d'une entreprise, d'une administration ou d'une association est le salaire dit brut, avantages en nature compris quand il y en a, mais augmenté des cotisations dites patronales - ou, dans le secteur public, de ce que ces cotisations seraient avec les mêmes assiettes et les mêmes taux que ceux imposés au secteur privé parÉ le secteur public !

 

Ce vrai salaire n'a pas de nom administratif. En parlant de " coût du travail " et de " masse salariale ", les économistes et les gestionnaires entretiennent la fiction. Tout se passe comme s'il ne fallait surtout pas qu'un bulletin de salaire qui comporte en bas " Net à payer : 5 000 F " comporte en haut " Salaire : 9 000 F ", en bas 10 000 en haut 18 000, en bas 15 000 en haut 27 000. Tout se passe donc comme s'il était d'ordre public de mentir pour faire apparaître des gratuités qui n'existent pas.

 


D'un caducée à l'autre n°58 31/5/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

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Une pratique plus saine de la médecineÉ

 

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Le Dr Sincère et la vérité des salaires

Le cabinet du Dr Sincère emploie Suzanne, secrétaire médicale. Le Dr Sincère fait établir le bulletin de paie de Suzanne par un cabinet comptable. En haut de ce bulletin figure, en rubrique " Salaire brut ", la somme de 10 240 F. En bas du bulletin, dans les totalisations, il y a notamment le total des cotisations dites " salariales ", pour un montant de 2 240 F, et le total des cotisations " patronales ", pour un montant de 4 160 F. Le net à payer à Suzanne est de 8 000 F.

 

- Quel est votre vrai salaire ? Le confrère Sincère posa cette question à Suzanne en lui remettant son dernier bulletin de paie.

- 8 000 F par mois, répondit Suzanne.

- Vous êtes bien loin du compte, Suzanne. Regardez-bien votre bulletin de paie. Votre vrai salaire est avant toutes les retenues au titre des paiements aux caisses que le cabinet fait pour votre compte.

 

- Mon salaire brut est de 10 240 F mais je ne touche que 8 000 F, vous le savez bien.

- Votre couverture sociale vous coûte 6 400 F par mois et non pas 2 240 F, Suzanne. Pour aussi réglementaire qu'il soit, votre bulletin de salaire est mensonger. Votre vrai salaire mensuel est de 14 400 F. Il faut que je fasse enfin ce qui me trotte depuis longtemps dans la tête : joindre à votre bulletin de paie réglementaire, établi par le cabinet comptable, un décompte de votre vrai salaire.

- Etes-vous sûr que vous en avez le droit ?

- Nous ne vivons pas encore dans un pays où tout ce qui n'est pas autorisé par un règlement est interdit, sacré nom d'une pipe ! Mais en quelques matières les Français se comportent comme si c'était le cas. Parmi ces matières, tout ce qui touche au salaire. Moralement, je vous dois et je me dois de vous dire la vérité. Réglementairement, il m'étonnerait beaucoup que le droit du travail interdise de dire et d'écrire ce qui est économiquement vrai. Rédigeons donc ensemble le vrai décompte de votre salaire. Trois lignes et deux colonnes suffisent puisque le détail, très inutilement compliqué par le travers français de l'empilement sans faire le ménage, figure sur votre bulletin réglementaire. Titrons la première colonne " Libellés " et la deuxième " Montant ". Nous nous occuperons après des pourcentages, qui sont presque aussi importants que les valeurs absolues.

 

Rédigeons d'abord les libellés. En première ligne du décompte, je propose que nous écrivions : " Salaire mensuel " ; en deuxième ligne " Part payable à tiers " ; en troisième ligne " Part payable au salarié ". Passons aux montants. Part payée au salarié : 8 000. Part payée à tiers : 6 400.

- 6 400 par rapport à 8 000, ça fait 80 %. C'est quatre fois plus que les 20 et quelques % dont on parle habituellement ! Vous êtes sûr, Docteur, de ces chiffres ?

 

- Suzanne, c'est vous qui, tous les trimestres, préparez les chèques et c'est vous aussi qui entrez ces montants dans la feuille de calcul qui nous permet de suivre l'état de la trésorerie du cabinet.

- Il y a effectivement cinq paiements par trimestre dont deux pour les cotisations salariales et trois pour les cotisations patronales.

 

- C'est votre version, Suzanne ! Elle vous arrange mais elle est fausse. Comme tout employeur, le cabinet règle en même temps à chaque caisse la somme, due à cette caisse, des cotisations dites salariales et des cotisations dites patronales. Il y a, à raison de vote emploi, cinq paiements par trimestre parce qu'il y a cinq caisses. Dans l'administration de leurs encaissements, les caisses ne respectent pas la distinction entre cotisations dites salariales et cotisations dites patronales. Il s'agit, en effet, d'une fiction dépourvue de toute réalité financière. Elle existe pour vous donner l'illusion que votre couverture sociale vous coûte 2 240 F par mois alors qu'elle vous coûte 6 400 F, soit presque 3 fois plus - 2,86 fois plus, exactement, dans votre cas.


D'un caducée à l'autre n°59 7/6/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Le décompte dont l'économie des soins médicaux dépend

- Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous vous lancez, Docteur, dans cette croisade. L'illusion dont vous parlez avantage votre profession. Si elle est dissipée, nous les malades plus ou moins imaginaires consommerons moins de soins médicaux. Ce n'est pas dans votre intérêt.

- Laissez-moi aller jusqu'au bout du vrai décompte de votre salaire que je ferai désormais joindre à votre bulletin de salaire, Suzanne. Au libellé " Salaire mensuel " nous allons ajouter entre parenthèses " le vrai revenu de votre travail " ; au libellé " Part payable à tiers ", " total des cotisations payées pour votre compte par votre employeur " ; au libellé " Part payable au salarié ", " net à vous payer après déduction de la part payable à tiers ".

- Il n'y a que cette dernière somme dont je vais pouvoir vérifier qu'elle reprend bien celle qui figure sur mon bulletin de salaire.

 

- La part payable à tiers est la somme de la part dite fictivement salariale et de la part dite fictivement patronale. Les totaux de ces deux parts figurent sur votre bulletin. Moi, ce qui m'embête est que le salaire dit fictivement brut ne figure pas sur ce décompte car c'est lui qui, aujourd'hui, sert de base 100. Comme il est indispensable pour entretenir la fiction, il me semble souhaitable de mesurer combien, en pourcentage, cette fiction contrevient à la réalité. RéfléchissonsÉ Présentons ainsi le décompte :

Valeurs fictives

(Report du bulletin de paie)

Montants

Les 3

pourcentages

possibles

1.1. Salaire dit brut

A

10 240

100%

71%

128%

1.2. Cotisations dites salariales

B

2 240

22%

16%

28%

1.3. Cotisations dites patronales

C

4160

41%

29%

52%

Valeurs réelles

( Décompte économique )

2.1.Salaire mensuel ( vrai revenu de votre travail)

D=A+C

14 400

141%

100%

180%

2.2.Part payable à tiers (total de vos cotisations à votre compte)

E=B+C

6 400

n.s.

44%

80%

2.3.Part payable au salarié (net à vous payer)

F=D-E

8 000

78%

56%

100%
- Vous avouerez, Docteur, qu'il n'est pas aisé de croire que des valeurs qui doivent obligatoirement figurer sur les bulletins de salaire puissent être fictives ! Votre position revient à dire : les cotisations sur salaires, ce n'est que le salarié seul qui en supporte la totalité du coût ; une augmentation des cotisations patronales, c'est une augmentation de salaire qui ne tombe pas dans la poche du salarié ; sur 100 F de vrai revenu de mon travail, il n'en rentre dans ma poche que 56 parce que 44 sont des primes d'assurance ; une augmentation de 1 000 F par mois de la part du salaire payable au salarié fait une augmentation de 1 800 F de son vrai salaire. Vous paraissez attacher une très grande importance à ce que des choses de ce genre soient dites. Pourquoi ?

- Comme la science, la médecine peut provoquer plus de méfaits qu'elle n'engendre de bienfaits. Il suffit qu'elle reste barricadée dans l'orgueil de ses savoirs et dans l'irréalisme économique. Donner l'illusion que " la couverture sociale " coûte 100 quand elle coûte 286 (6 400 F par mois et non 2 480, dans votre cas) est un puissant moyen de pousser à la médecine mercantiliste, en totale opposition avec l'esprit du Serment d'Hippocrate et avec le Code de déontologie médicale. On ne répétera jamais assez qu'une économie des soins médicaux n'existera que quand tout sera fait pour faire apparaître aux assurés eux-mêmes ce que leur coûte leur assurance. Alors et alors seulement les patients deviendront peu à peu nettement plus responsables de leur consommation médicale. Loin de nuire à leur santé, cela l'améliorera. Mais chaque médecin et le corps médical dans son ensemble sont impuissants à faire revenir toute une population à la réalité économique sur la question du financement de " la couverture sociale " tant que perdurera la fiction par laquelle cette population a été écartée de cette réalité.

Convaincante, la feuille de paie-vérité du Docteur Sincère ?


D'un caducée à l'autre n°60 14/6/00

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

 

Hippocrate - Si tu devais, Exocrate, présenter ce que tu nommes toi-même " une conception renouvelée de l'économie " sous la forme d'une suite de propositions, au sens que ce mot prend en logique, quelles seraient les premières de ces propositions ?

Exocrate - Pourquoi me poses-tu maintenant cette question ?

Hippocrate - J'aimerais que nous exprimions plus clairement ce que ma conception de la médecine et ta conception de l'économie ont en commun. Dire qu'elles procèdent du même fonds éthique n'indique pas quelles valeurs principales constituent ce fonds.

Exocrate - Du même fonds éthique, du même humanisme, cela revient au même et expose au même danger : se payer de mots sans contenus assez précis et, par conséquent, assez utiles ici et maintenant. Des vertus dont nous nous parons aux vertus auxquelles nous nous efforçons vraiment, il y a bien plus loin que de la coupe aux lèvres. Ce que tu me demandes est difficile, Hippocrate.

Hippocrate - Quel premier propos principal souhaiterais-tu que les professeurs d'économie tiennent à leurs étudiants ?

Exocrate - La vérité ne pose pas de problème de principe en théorie économique, quoiqu'on en dise.

Hippocrate - Tu ne peux annoncer cela que si tu indiques tout de suite après ce qu'est pour toi la vérité dans le cas de la théorie économique.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.26. Après le retour au plein-emploi, l'entrée dans la zone du suremploi engendre les effets inverses de l'entrée en crise de sous-emploi.

Parmi ces effets, il y a une baisse du taux moyen de profit sur capital.

Depuis le milieu des années 1970, le taux moyen de profit sur capital a beaucoup augmenté. Va-t-il, dans les pays dont l'économie est la plus prospère, poursuivre cette augmentation pendant plusieurs générations ou se

maintenir à haut niveau ? Dès que les signes de suremploi deviendront manifestes, notamment sous la forme d'augmentations plus généralisées et plus constantes des salaires réels, le taux moyen de profit sur capital baissera mécaniquement.

 

3.27. Les variations en sens contraire du taux moyen de profit sur capital établissent une tendance, sur longue période, à la stabilité de ce taux.

Les durées des crises de chômage de masse pendant lesquelles le taux moyen de profit sur capital s'élève peuvent être extrêmement variables : de quelques années à plusieurs générations, selon l'importance des mutations des techniques de production qui en sont la cause principale et selon la pertinence sur longue période de la politique économique adoptée par les pouvoirs publics. De plus, la qualité même du plein-emploi recouvré est d'abord insuffisante pour amorcer une nette baisse du taux moyen de profit sur capital. La transformation d'un assez grand nombre d'emplois précaires en emplois stables prend du temps. Ce n'est que quand cette transformation a dépassé un seuil critique que la baisse du taux moyen de profit sur capital s'amorce franchement.

La réponse apportée à la question de la tendance naturelle, sur longue période, du taux moyen de profit sur capital dans une économie libre pèse extrêmement lourd politiquement. Cette réponse se ramène nécessairement à l'une des quatre suivantes : sans opinion, à la hausse, à la baisse, à la stabilité. La première de ces réponses ne peut que participer à l'hésitation sur ce qu'est une bonne politique économique. La deuxième et la troisième poussent à l'interventionnisme pour éviter ou la détérioration des salaires à cause de l'augmentation des profits ou la détérioration des profits à cause de l'augmentation des salaires. La quatrième inspire l'affirmation à suivre.

 
N° 61 22/6/2000

Une pratique plus saine de la médecineÉ

 

Exocrate - Tu as toi-même rappelé qu'une théorie économique est composée d'une suite de propositions. Si ces propositions sont conformes aux faits, exemptes de contradiction entre elles et expérimentalement vérifiables, alors elles sont vraies. Inversement, le manque d'objectivité et de sagacité dans la reconnaissance des faits (non-conformité à la réalité), les incohérences entre les propositions admises (faute de logique), la négligence des vérifications que la vie économique donne à observer (non-recours aux preuves expérimentales) produisent des propositions fausses ou incertaines.

Hippocrate - Autant que je suis à même d'en juger, ces trois critères - cette " table de vérité ", diraient volontiers les logiciens et les informaticiens - paraissent particulièrement difficiles à respecter dès qu'il est question d'économie, n'est-ce pas ?

Exocrate - Grande, très grande, est la tentation permanente d'asservir la théorie économique à des vues philosophiques, religieuses, politiques, sociales. Tout aussi grande et permanente est l'autre tentation, apparentée, de faire de la théorie de l'économie en application d'une autre discipline. Une construction qui, sous couvert de théorie économique, utilise des catégories fondatrices assez imprécises pour s'appliquer à une grande variété de phénomènes sociaux, et à plus forte raison à leur totalité, ne peut pas respecter les trois critères de vérité. La théorie économique ne doit avoir qu'une propriété commune avec les autres disciplines utilisant les mêmes critères de vérité : le respect de ces critères. C'est à ce respect, et à lui seul, qu'il convient de subordonner l'emploi de procédés utilisés ailleurs, recours aux formalismes et aux instruments mathématiques compris.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

 

3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

 

3.28. Le taux naturel de rentabilité moyenne du capital devient démocratique quand il est géré pour la régulation centrale qu'il est en mesure d'assurer. La régulation centrale que le taux de rentabilité moyenne du capital, c'est-à-dire le taux moyen de profit sur capital, est naturellement (logiquement) vouée à assurer est celle de l'emploi, comme nous l'avons constaté par l'étude de la relation E.P.C.E. (Emploi, Profit, Capital, Emploi). Mais une politique économique n'est pas ou est résolument centrée sur cette régulation. Cela dépend de la conception de l'économie qui prévaut.

 

Une politique économique qui n'est pas résolument centrée sur le rôle régulateur du taux moyen de profit sur capital laisse proliférer et suscite elle-même les dispositifs qui entravent ce rôle. Le déficit de publicité régulière de ce taux, socialement bien plus essentiel que les cours de bourse, ainsi que le déficit d'explications de son rôle régulateur, font partie de ces entraves. Une politique économique résolument centrée sur le rôle régulateur du taux moyen de profit sur capital comporte les mesures qui, autant que besoin, comblent ces déficits ou évitent qu'ils réapparaissent. Dans le cadre d'une telle politique, le placement en capital et la gestion d'entreprise prennent des tournures tout à fait différentes de celles que nous leur connaissons aujourd'hui.

Le placement en capital redevient d'abord un moyen de se procurer un complément de revenu, ce complément montant quand le chômage lui-même monte, baissant puis restant stable quand le plein-emploi est installé depuis assez longtemps. Ce placement est vécu par ceux qui le consentent en y consacrant une partie de leur épargne, voire en augmentant leur épargne à cette fin, pour ce qu'il est du point de vue de l'intérêt général : une nécessité pour revenir au plus vite ou pour rester encore plus longtemps en situation de plein-emploi. C'est à un vote permanent et libre auquel la population est conviée par ce moyen. C'est elle, et non pas une technocratie, qui dose l'un des réglages économiques dont les effets sont les plus importants pour elle.

La recherche du maximum de gain pour l'actionnaire ne domine plus de façon aussi écrasante la gestion d'entreprise. La sécurisation du placement en capital et la régularité de son rendement sous la forme des profits distribués redeviennent des orientations remises à l'honneur par une bonne part des faiseurs d'opinion qui n'ont aucun mal à trouver les arguments sociaux en leur faveur.

Formation économique 13