Quand on na pas didées, il faut
reprendre celles qui marchent. Et puisque le cancer
est devenu grande cause nationale nous voilà
avec un nouvel institut : lInstitut National du
Cancer (INCa).
Compte tenu des frais inhérents à la mise
en uvre dune telle usine à gaz il
semble important, malgré un consensus presque
général, de se pencher sur le sujet.
Lors dun discours à lHôpital
Armand-Trousseau à Paris le 22 avril 2004 notre
ancien ministre de tutelle avait des envolées
lyriques pour annoncer cette création :
LInstitut National du Cancer doit permettre à
notre pays de se doter dune structure emblématique,
capable de porter des missions dimpulsion, de
coordination et dinformation sur cette terrible
maladie qui frappe tant de familles
.
Et comme le ridicule ne tue pas, il concluait avoir
proposé aux représentants britanniques
de participer à cette belle aventure car la France
et la Grande-Bretagne ont choisi, -vous lignoriez
peut-être-, de placer la commémoration
du centenaire de leur «entente cordiale»
sous le signe de la lutte contre le cancer.
Si le sujet nétait pas si douloureux nous
pourrions imaginer quune entente cordiale
cancéreuse
nest pas nouvelle entre « la perfide Albion
» et les « mangeurs de grenouilles ».
Mais à quoi donc va servir lInstitut ?
LInstitut National du Cancer assurera notamment
une véritable mission dinformation à
destination des patients et des professionnels, sur
la prévention et les soins du cancer
- Outre la prévention, lInstitut sera aussi
le garant de léquité dans laccès
au soin, - et vous savez combien ce sujet me tient à
cur ! A cette fin, il développera des référentiels
pour la qualité des soins, et mettra en place,
en lien avec lANAES et les services de lEtat,
le dispositif dagrément des structures
pratiquant la cancérologie. Cet agrément
permettra de garantir une qualité égale
de prise en charge, où que lon soit traité.
- Enfin, lInstitut National du Cancer aura pour
tâche de coordonner et damplifier leffort
de recherche sur le cancer, en définissant une
stratégie nationale, et en finançant des
programmes finalisés, au standard international.
LInstitut sappuiera pour cela sur sept cancéropôles
inter-régionaux, qui ont vocation à constituer
de grands pôles de recherche, regroupant à
la fois des unités de recherche fondamentale
(CNRS et INSERM), des services de soins, et des équipes
de recherche privées.
Voilà donc le cadre en place. LInstitut
existe maintenant sous la présidence de David
Khayat, éminent confrère et Chef du Service
dOncologie médicale du Groupe Hospitalier
Pitié-Salpêtrière. Dans son éditorial
il nhésite pas à solliciter nos
émotions et notre compassion : Les chiffres du
cancer, vous les connaissez, et vous savez quils
ne disent pas tout. Ils ne suffisent pas à décrire
toute la souffrance qui est en jeu. 150 000 morts du
cancer par an, cest 150 000 fois une mort. 150
000 fois une famille qui perd un parent, un proche.
150 000 fois un père qui ne sera plus là
pour élever et voir grandir ses enfants. 150
000 fois le regard de cette mère que traverse
langoisse, langoisse de ne plus pouvoir
faire face pour aimer et protéger les siens.
150 000 projets de vie bousculés, chamboulés,
qui doivent être revisités de fond en comble,
sur dautres bases, à plus court terme.
Le fer de lance de la guerre contre le cancer est affûté.
Il répond à lattente des patients,
soutient la recherche et participe à leffort
pour une qualité constante des soins
(cf.
www.e-cancer.fr ). En réalité il ne sagit
pas de fer de lance mais de tour de contrôle.
Pour ce qui est des budgets : 85 % du budget de lInstitut
National du Cancer seront consacrés à
des actions incitatives externes à lInstitut
National du Cancer et 15 % restants seront destinés
au fonctionnement même de lInstitut National
du Cancer. Ils comprendront, pour une large part, le
financement de la Recherche.
Un triumvirat à la tête : un président,
une directrice générale et un président
du conseil scientifique international, 15 départements
des affaires juridiques aux relations institutionnelles
et vie des malades
ça fait du monde !
La forme juridique de lINCa est un groupement
dintérêt public, c'est-à-dire
un groupement dobjectifs et de moyens. Il réunit
des structures déjà existantes( Le Ministère
de la recherche, Le Ministère de la santé
, La Ligue Nationale contre le Cancer, L'Association
pour la Recherche sur le Cancer (ARC), les Caisses dassurance
maladie, le CNRS, lINSERM, les fédérations
de lhospitalisation
ou peut en créer
si besoin.
Et tout ça pour redonner confiance à nos
concitoyens, soyons tranquille
lInstitut
veille. (Il faut espérer quil veillera
mieux que celui qui sest loupé lors de
la canicule : lInstitut de Veille sanitaire) Cest
dailleurs lui qui finance la nouvelle campagne
de promotion de la mammographie systématique
au grand dam de lInstitut National de Prévention
et dEducation à la Santé ! (encore
un
)
Je ne voudrais pas ternir votre enthousiasme mais les
américains avaient déjà eu lidée
en 70, sous Nixon, avec les résultats que lon
sait.
Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes
si des chercheurs ne sétaient pas étonnés
de la façon dont le premier appel doffre
sest réalisé.
Dans un article du Mouvement Sauvons la Recherche, Fernando
Arenzana et Alain Trautman nous apprennent que les équipes
nont eu que 2 à 3 semaines pour y répondre
et une douzaine de jours seulement pour les jeunes post-doctorants.
Autrement dit le comité dévaluation
de lINCa (dont la composition nest pas publique
)
na eu que 4 à 5 jours entre lenregistrement
des lettres et la publication des résultats aux
intéressés. Et nos deux empêcheurs
de penser politiquement en rond de sinterroger
: Manifestement pour décrocher un contrat à
lINCa en 2005, il vaut mieux se trouver parmi
ceux qui connaissaient les détails de son organisation
avant le lancement de lappel. Si lintention
des organisateurs était deffectuer un «
tri sélectif » avant lheure parmi
les candidats, ils nauraient pas agis différemment.
Oups !
Nous pourrions donc nous poser un certaine nombre de
questions quant à la pertinence de ce projet
: pourquoi une telle machine alors quexistent
déjà les cancéropôles, linstitut
Nationale de prévention, la Haute Autorité
de Santé, les Associations comme la Ligue contre
le cancer
Serait-il question de copinage ?
Pour les deux auteurs, la crédibilité
de la gestion publique de la politique scientifique
française ne ressortira pas grandie de ce type
de pratique. Ceux qui dirigent, organisent ou cautionnent
ce mode de fonctionnement portent une lourde responsabilité.
Loin de cette LEM de penser quil nest pas
urgent de coordonner les recherches et les actions à
mener dans le cadre de la lutte contre le cancer. Les
patients sont confrontés à des parcours
de soins inhumains, peu daide à la compréhension
de leur maladie et des traitements, pas de découvertes
majeures depuis de nombreuses années. Que va
devenir lINSERM, puisque le gouvernement annonce
louverture dun Institut de Neurologie puis
dInfectiologie, de Cardio-vasculaire. Pourquoi
cette épidémie dInstituts ?
Un titre ronflant pourra-t-il faire oublier aux patients
la peur des soignants, leur difficulté à
se laisser toucher par la souffrance de ceux qui leur
accordent une confiance aveugle ? Et les patients eux-mêmes
accepteront-ils de regarder en face une maladie dont
la seule évocation les confronte à linéluctabilité
de leur finitude ?
Quelle est vraiment la maladie qui ronge notre société,
le cancer est-il propre aux individus ? Ne serait-ce
pas la société toute entière qui
marche en crabe, trois petits pas de côté
pour éviter de voir la désagrégation
des responsabilités ?
Nos politiques sont passés maîtres dans
la multiplicité des lois, des mesures, des commissions.
Réagir vite pour calmer les foules, oublier le
temps nécessaire à la réflexion,
penser à court terme entre deux élections
pour se maintenir envers et contre tout. La professionnalisation
de la politique, merci lENA, est le véritable
cancer de la démocratie en formatant la pensée
et en éloignant ceux, qui promettent pourtant
dêtre au service de leurs concitoyens, des
réalités concrètes du quotidien.
Dans une LEM antérieure il était question
de la différence entre profession et métier,
en voilà un exemple absurde nous aurons maintenant
des professionnels du cancer. Ils risquent doublier
que la maladie ne guérira pas si lhumain
est nié. Nos anciens nous apprenaient pourtant
que le médecin soigne
et le malade guérit.
Il ne nous reste quà souhaiter pour 2006
et les suivantes que le corps de la santé se
donne le temps de repenser globalement sa façon
de soigner, des études aux praticiens tant de
choses sont à revoir. Sans instituer quoi que
ce soit mais en nous remettant debout. (cf. étymologie
du mot institut : ester, se tenir debout).
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver,
ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît,
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FMM, webmestre.
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