Le clin dil au film à succès
« le cercle des poètes disparus »
néchappe à personne. Mais ici, il
ne sagit pas de la gentillette histoire dun
groupe dadolescents initié par leur professeur
charismatique à une dimension de la réalité
humaine négligée par le système
scolaire à laméricaine. Cest
de santé, comme chaque semaine, que nous parlons
ici.
Il sagit effectivement dun carré
. Nous ne sommes plus, hélas, devant un aimable
cercle, dénué de tout angle qui puisse
être de contact agressif, et dont le diamètre
peut varier librement à linfini de limaginaire
de chacun. Oui, cest bien un carré que
nous décrivons, absolument conforme à
limage dÉpinal que nous conservons
de la vieille garde se regroupant ainsi pour protéger
leur vénéré empereur Napoléon
à Waterloo. Même sil ny aucun
souverain en cause dans ce propos. Nous ne naviguons
pas dans une atmosphère légère
et édulcorée de fiction à visée
initiatique, mais, nous sommes les premiers à
le regretter, dans ce qui ressemble fort à une
opération militaire où la mort est au
rendez-vous.
De quelle mort est-il question ici ? De celle des cliniciens,
nous lavons annoncé en titre. Dans un but
de simplification, il nest question ici que des
seuls médecins. Dans notre esprit, il est indispensable
de le préciser, tous les autres soignants cliniciens,
quils soient infirmiers, sage-femmes, psychologues
cliniciens, kinésithérapeutes etc... sont
exactement dans le même bateau ... en perdition.
Cest donc pour tous que nous nous exprimons. Si
le terme de clinicien a été choisi, cest
par volonté de ne pas tomber dans le piège
des divisions du monde de la santé et de la médecine
en disciplines si volontiers opposées entre elles
... pour mieux les museler. Nous reprenons simplement
à notre compte la distinction de François
Dagonet entre dune part les hypertechniciens (
Odile Marcel à Exmed parle de technoscientifiques)
et dautre part les cliniciens. En première
approche, les spécialistes - et surtout à
lhôpital - constituent le bataillon principal
de cette première orientation, largement dominante
de la médecine daujourdhui. Les cliniciens,
majoritairement, et du fait des contraintes spécifiques
de leur exercice ambulatoire sont représentés
par les médecins généralistes.
Il faut signaler, pour être complet, quil
existe aussi des spécialistes qui se comportent
en véritable cliniciens, et des généralistes
qui rêvent dêtre considérés
comme des hypertechniciens.
Lorganisation actuelle des études médicales,
la rigidité immuable du statut du corps professoral
entièrement aux mains des fonctionnaires de lEtat,
et la pression idéologique et financière
des adorateurs et profiteurs de la technoscience ( encore
Odile Marcel) que toute la formation des futurs médecins
nest confiée, à quelques rares et
remarquables exceptions près, qu aux plus
hypertechniciens des hypertechniciens que nous formons
à la chaîne depuis ... 1958. Excusez du
peu. Héritage de De Gaulle et Robert Debré
associés. La technique, elle, sévalue,
se mesure, se perfectionne sans cesse de moyens spectaculaires.
Disons-le tout net : elle est facile à enseigner,
sa formation est aisée à chiffrer en notes
dallure objective et ... classantes. La clinique,
on en parle depuis le début du 17ème siècle.
Lorigine grecque du mot klinikos est évocatrice
: qui visite les malades au lit . Contact direct avec
le malade, dhumain à humain, sans la moindre
interposition technique. Expérience humaine à
chaque fois unique et renouvelée, variable dun
sujet à un autre, dun clinicien à
un autre, dun moment à un autre. On conçoit
dès lors la difficulté extrême de
la transmission de ce qui est, avant tout, une façon
dêtre taillée à chaque fois
sur mesure, et sans cesse affinée tout au long
dune vie. Royaume de la subjectivité, de
la responsabilité personnelle, de la fragilité
et de lerreur humaine, de la non systématisation,
de la non standardisation, en un mot qui fait horreur
actuellement : du talent personnel. Que voilà
un univers qui se plie mal à notre monde industriel
où tout objet ( dont un soignant considéré
comme une unité de production) doit être
fabriqué de façon rentable, rapide, calibrée,
normalisée, et aussi peu onéreuse que
possible.
Alors que les cliniciens, après une lente agonie
de plus dun demi siècle, soient devenus
une espèce perdue ( car rendue incapable de se
reproduire ) parce que personne na jugé
utile de donner aux étudiants les vrais moyens
de se former à la clinique, faut-il sen
étonner ? Ce serait tellement plus simple de
ne plus faire semblant quelle existe encore, cette
formation clinique, si on voulait vraiment que les patients
soient clairement informés de la réalité
de la médecine.
Lhomme étant tellement bizarre, ne verra-t-on
pas un jour fleurir une organisation militante de sauvegarde
des cliniciens perdus ? Après tout, on la
déjà fait pour les pandas et les baleines
bleues. Ce serait quand même savoureux de rencontrer
un jour de jeunes et beaux torses arborant fièrement
dans tous les lieux publics des maillots portant un
slogan du genre : Nos cliniciens, on y tient
.
Naturellement, privilège de la jeunesse, sans
avoir conscience de la haine destructrice quentraîne
obligatoirement chez les puissants lexistence
de gens quil est impossible de faire marcher au
pas.
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver,
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