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 N° 447
 
 
 
    8 mai 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Faut-il avaler cette pilule ?

Nicole Bétrencourt, psychologue Lui écrire

Faut-il vraiment effacer les mauvais souvenirs avec la pilule de l’oubli ? C’est ce que proposent certains spécialistes de la mémoire : la pilule dite “anti-trauma ” donnée après un événement traumatisant pour gommer  des souvenirs trop douloureux.

retrouver la confiance

Des  essais cliniques concluants ont démontré que certaines molécules prises  après un événement stressant seraient susceptibles de réduire les  risques de SSPT, résistants aux traitement classiques. Les symptômes du stress post-traumatique   (SSPT) se manifestent, entre autres, par des souvenirs  perturbants, récurrents et intempestifs: images, pensées, impressions,  rêves. Et de nouvelles générations de médicament permettraient d’éliminer ces manifestations.   Pour les neuroscientifiques, le SSPT s’explique par un excès d’hormones de stress qui impriment le souvenir trop profondément dans le cerveau.  Pour y remédier,  le principe est de bloquer les effets de ces  hormones pour éviter l’encodage pathologique du souvenir traumatique par l’amygdale hyperactivée. Car des mois et des années après  l’événement, un son, une image, une odeur pourra réveiller la mémoire amygdalienne (la mémoire émotionnelle),  laissant la personne en proie à ses terreurs.

restaurer la conscience

Dans le cadre d’une étude pilote réalisée au Massachusetts Hospital,  le Dr Roger Pitman a sélectionné 19 patients ayant subi récemment un traumatisme.  Pendant 10 jours, ils ont reçu soit du Propranolol - un  bêtabloquant utilisé  contre l’hypertension mais qui agit sur les récepteurs du cerveau impliqués dans le stockage du souvenir - , soit  un placebo.
Trois mois après, ceux qui avaient reçu du Propranolol  ont manifesté moins de symptômes de stress que ceux ayant pris le placebo.  Mais parfois le SSPT remonte à des années. Et pour voir si la pilule de l'oubli est aussi efficace,  Roger  Pitman, Karim Nader et Alain Brunet de l’université McGill, ont  recruté dans la région de Montréal une vingtaine de personnes ayant subi un traumatisme (mauvais traitement  pendant l’enfance,  agression sexuelle ou accident)  il y a vingt ou trente ans ,  et leur ont prescrit du Propranolol avec des résultats également probants.
 
Les médias l'ont surnommée improprement "pilule de l’oubli". Le but est n'est pas d’effacer les mauvais souvenirs de l’événement mais de diminuer  leur charge émotionnelle, pour la rendre  accessible aux thérapeutiques traditionnelles, psychothérapie et  traitement psychiatrique.  Seulement voilà, jusqu'où a -t-on le droit d’effacer les souvenirs pénibles et quel est le revers de la  médaille?

renforcer la compétence

Malgré les essais  cliniques concluants, cette génération de médicaments suscite la controverse sur d'éventuels problèmes éthiques.  Le risque  serait d’abord qu’elle soit prise à tort à tort et à travers comme le sont les psychotropes, et que cette pilule de l'oubli devienne un  substitut  à tout échange verbal avec les acteurs de la santé ou avec son entourage. Et  jusqu’où peut- on manipuler la mémoire chimiquement sans manipuler mentalement? Pour certains psychologues, émousser les émotions ne serait pas la  meilleure solution car les victimes du SSPT sont maintenues dans  un état de dissociation entre leur vécu et la neutralité  émotionnelle, ce qui rendrait difficile l’intégration de leur  expérience, aussi pénible soit-elle. Ce qui signifie qu’ils sont en état altéré de conscience sur une longue période de temps.  Retrouver la paix de l’esprit ne se réduit pas à avaler une pilule  miracle. Être à la recherche du temps perdu n'est pas une simple affaire de molécules chimiques qui robotise notre part  d'humanité. Bons ou mauvais, les souvenirs font partie intégrante de notre personnalité. La pilule de l’oubli: un  concept marketing ou  une réelle avancée scientifique? La quête du bonheur à tout prix serait-elle aujourd'hui uniquement artificielle?
Sources:
Sciences et Avenir, Mai 2006, La pilule Anti-trauma, Elena Sender
Le Courrier International -no 800-2 mars 2006, Une pilule qui efface les mauvais souvenirs, Amkjha, The Guardian
Le Courrier International -no 709-3juin 2004, A-t-on le droit d?effacer les souvenirs pénibles, Steven Rose, The Guardian



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