Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore
déclarait savamment notre cher confrère,
le Dr Knock ( Le triomphe de la médecine,
comédie de Jules Renard, 1923, NDLR )
et deux articles récents nous conduisent à
nous poser enfin des questions
dérangeantes.
1 / Les médecins posent-ils trop de diagnostics
et traitent-ils trop? ( www.CyberSciences.com de
juin 2006 )
Le cancer fait peur. Trop peur pour rien! Cest
un médecin qui le dit. Le docteur Fernand Turcotte,
64 ans, prêche par lexemple: "Je nai
jamais subi de test de dépistage du cancer de
la prostate. Si je suis atteint, je ne veux pas le savoir!
"
Cet épidémiologiste, professeur à
lUniversité Laval, est convaincu que cette
peur nous entraîne sur une pente dangereuse. On
fait trop de dépistage, estime-t-il, et cela
a des conséquences très fâcheuses
: tests et traitements inutiles, anxiété,
etc.
Il vient de traduire le livre dun confrère
américain, le docteur Gilbert Welch, dont le
titre donne le ton: Dois-je me faire tester pour le
cancer? Peut-être pas et voici pourquoi.
À son âge, le docteur Turcotte aurait déjà
subi au moins 6 ou 7 tests sil sétait
plié aux recommandations en vogue visant à
sassurer de la bonne santé de la prostate
des Québécois de plus de 50 ans. Sil
nen a rien fait, ce nest pas quil
naime pas la vie. Cest plutôt que
le cancer de la prostate nest pas ce tueur redoutable
que lon craint. " Pour la majorité
des hommes, cest une pseudo- maladie: ça
ne les tue pas et ça ne les rend même pas
malades!" affirme le médecin
2 /" Pour vendre des médicaments, inventons
des maladies " ( Le Monde diplomatique numéro
626 )
Le Monde diplomatique publie un extrait du livre de
Ray Moynihan, journaliste, et Alan Cassels, chercheur
en politique des médicaments à luniversité
de Victoria, au Canada, intitulé " Selling
Sickness. How Drug Companies Are Turning Us All Into
Patients ", Allen & Unwin, Crows Nest.
Les deux auteurs écrivent ainsi que " les
stratégies marketing des plus grosses firmes
pharmaceutiques ciblent dorénavant les bien-portants
de manière agressive. Les hauts et les bas de
la vie de tous les jours sont devenus des troubles mentaux,
des plaintes somme toute communes sont transformées
en affections effrayantes, et de plus en plus de gens
ordinaires sont métamorphosés en malades
".
" Au moyen de campagnes de promotion, lindustrie
pharmaceutique [
] exploite nos peurs les plus
profondes : de la mort, du délabrement physique
et de la maladie changeant ainsi littéralement
ce quêtre humain signifie ", poursuivent
Ray Moynihan et Alan Cassels.
Les auteurs remarquent que " lépicentre
de ce type de vente se situe aux Etats-Unis ",
et notent que le " rugissement du marketing samplifie
" et " lemprise des multinationales
sur le système de santé se consolide ".
Que sommes-nous devenus, en vérité ? Qu'entend-on,
dans les moindres conversations, au coin des rues, dans
les réunions amicales ou de voisinage ? très
fréquemment, les mots magiques " mon médecin,
le labo, les radios, le scanner, l'IRM, la scinti, la
SÉCU, le bilan
" On a fabriqué
une population d' inquiets, les laboratoires d'analyses
et les cabinets de radiologie croulent sous le nombre
de patients, les feuilles de maladie s'accumulent, les
pharmaciens délivrent de plus en plus de produits,
les labos pharmaceutiques prospèrent, l'attente
anxieuse augmente insidieusement, les conseils anti-ceci
et anti-cela pullulent, censés nous enseigner
et nous protéger contre presque tout
sauf
contre la peur de vieillir et de mourir, terme normal
et terme final à toutes nos angoisses, justifiées
ou non.
Le Dr Turcotte, 64 ans, ne veut rien savoir ? Votre
exmédien de service ( qui ne fut jamais médecin
de sévices !), 72 ans, se moque royalement de
ses lendemains à venir et vit normalement, sainement,
sagement, et se contente d'attendre, sans crainte, sans
obsession, ce que demain ou après-demain il aura
à connaître et à subir.
Au secours ? Non, pour une fois cet Os peu court conclura
ce propos.
NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal
pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver,
ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît,
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FMM, webmestre.
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