EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 456
 
 
 
    10 juillet 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

Douleur et mémoire

Docteur François-Marie Michaut Lui écrire

Comme bien souvent, le sujet de cette LEM a été inspiré par tout un ensemble de débats très animés qui ont eu lieu sur notre liste interne de discussion Exmed-1 à la suite de la LEM 454 de Gabriel Nahmani du 25 juin : Ça fait ... maal ( accès ) qui était consacré à l’organisation en France de la lutte contre la douleur. A cette occasion, les différentes stratégies thérapeutiques pour juguler les phénomènes douloureux ont été évoquées. L’une de ces méthodes est l’utilisation, principalement à titre préventif pour des actes médicaux douloureux de benzodiazépines par voie injectable.

retrouver la confiance

Pour nos lecteurs non médecins, la classe pharmacologique des benzodiazépines correspond presqu’entièrement à ce qu’on nomme les anxiolytiques ou ... tranquillisants. Vous savez, ces produits qui n’ont pas toujours bonne presse, parce qu’on nous accuse en France d’en consommer environ 30% plus qu’ailleurs en Europe. Il est vrai que leur prescription par les médecins traitants est inversement proportionnelle à leur maîtrise de la dimension psychologique et, ou, psychiatrique des maladies qu’ils soignent. Au cours des études, essentiellement ou presque orientées vers ce qui est somatique ( c’est à dire qui relève du corps), une sorte de réflexe conditionné semble depuis fort longtemps s’établir. Si quelque chose de “psy” est suspecté, faute d’être diagnostiqué de façon claire par manque de formation psychiatrique quasi généralisé, le médecin a tendance à prescrire une benzodiazépine. Insomnies, prévention des crises d’épilepsie, contractures musculaires sont autant d’utilisations banales de ces molécules, dont la tolérance et la faible toxicité aigüe est assez remarquable.

restaurer la conscience

Il a fallu des dizaines d’années d’usage intensif pour que les médecins prennent conscience de trois effets jusque là négligés. Le premier est l’instauration de phénomènes de dépendance dans un certain nombre de cas chez des utilisateurs habituels. Une telle dépendance se manifeste par le fait que le sujet se sent très mal, avec de sévères manifestation d’anxiété, des insomnies et des douleurs musculaires quand il n’a pas sa dose habituelle. Dans ces conditions, il ne faut guère s’etonner du nombre considérable de personnes agées consommant régulièrement des benzodiazépines ( BDZ) depuis des années, sans aucune indication médicale actuelle ni ré-évaluation d’un éventuel bnéfice thérapeutique.
Le deuxième est la survenance de chutes, du fait de la baisse de vigilance et de l’effet de relaxation musculaire de ces substances. Inutile d’insister sur la gravité et les risques de telles chutes chez des personnes âgées. Le dernier effet constaté a été celui de l’atteinte de la mémoire chez les patients. Là encore, le vieillissement aggrave logiquement les symptômes.

renforcer la compétence

Alors, quand on utilise les BDZ pour limiter la douleur, une question se pose. Ne serait-ce pas l’effet amnésiant qui permettrait au sujet de ne plus se souvenir clairement et surtout plus tard de la douleur subie ? La question se complique quand on connait l’incroyable mémoire de notre organisme, comme en témoigne le phénomène des membres fantômes ? Tous les médecins ont pu constater, s’ils ont eu la curiosité de le rechercher, que les anciens blessés de guerre avaient régulièrement une recrudescence de leurs séquelles à la date même de leur blessure. Enfin une question se pose. Celle du mécanisme même de l’action des BDZ sur l’anxiété. Amoindrir la mémoire ne contribuerait-il pas à rendre moins sensibles des souvenirs réels ou imaginaires quand ils ont tendance à nous submerger ? Et cette fameuse anxiété que nos “tranquillisants” sont censés juguler, quand elle nous touche, n’aurait-elle vraiment rien à voir avec des choses qui se sont stockées dans notre mémoire, qu’elle soit consciente ou inconsciente ? Nos difficultés à dormir sont-elles étrangères à des souvenirs que nous ne pouvons pas chasser ? Les véritables courts circuits de l’activité électrique cérébrale que révêlent à l’enregistrement électrique les crises d’épilepsie ne seraient-ils pas eux-mêmes une sorte de bien curieux souvenirs organiques ? Beaucoup de questions, en vérité, et pas de réponses. Juste une grande admiration de cette notion de mémoire, qui dépasse infiniment le domaine de notre petit système nerveux animal auquel on semble restreindre le champ de nos investigations.
_____________________________________________________________________________________________________________

NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« J’ai une mémoire admirable. J’oublie tout. »
Jules Renard


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________
Lire la LEM 455 Systémiquement parlant(2) de François-Marie Michaut

Lire la LEM 454 Ca fait maaal... de Gabriel Nahmani

Lire la LEM 453 Systémiquement parlant(1) de François-Marie Michaut