Comme
bien souvent, le sujet de cette LEM a été
inspiré par tout un ensemble de débats
très animés qui ont eu lieu sur notre
liste interne de discussion Exmed-1 à la suite
de la LEM 454 de Gabriel Nahmani du 25
juin : Ça fait ... maal ( accès ) qui était consacré à
lorganisation en France de la lutte contre la
douleur. A cette occasion, les différentes stratégies
thérapeutiques pour juguler les phénomènes
douloureux ont été évoquées.
Lune de ces méthodes est lutilisation,
principalement à titre préventif pour
des actes médicaux douloureux de benzodiazépines
par voie injectable.
Pour nos lecteurs non médecins, la classe pharmacologique
des benzodiazépines correspond presquentièrement
à ce quon nomme les anxiolytiques ou ...
tranquillisants. Vous savez, ces produits qui nont
pas toujours bonne presse, parce quon nous accuse
en France den consommer environ 30% plus quailleurs
en Europe. Il est vrai que leur prescription par les
médecins traitants est inversement proportionnelle
à leur maîtrise de la dimension psychologique
et, ou, psychiatrique des maladies quils soignent.
Au cours des études, essentiellement ou presque
orientées vers ce qui est somatique ( cest
à dire qui relève du corps), une sorte
de réflexe conditionné semble depuis fort
longtemps sétablir. Si quelque chose de
psy est suspecté, faute dêtre
diagnostiqué de façon claire par manque
de formation psychiatrique quasi généralisé,
le médecin a tendance à prescrire une
benzodiazépine. Insomnies, prévention
des crises dépilepsie, contractures musculaires
sont autant dutilisations banales de ces molécules,
dont la tolérance et la faible toxicité
aigüe est assez remarquable.
Il
a fallu des dizaines dannées dusage
intensif pour que les médecins prennent conscience
de trois effets jusque là négligés.
Le premier est linstauration de phénomènes
de dépendance dans un certain nombre de cas chez
des utilisateurs habituels. Une telle dépendance
se manifeste par le fait que le sujet se sent très
mal, avec de sévères manifestation danxiété,
des insomnies et des douleurs musculaires quand il na
pas sa dose habituelle. Dans ces conditions, il ne faut
guère setonner du nombre considérable
de personnes agées consommant régulièrement
des benzodiazépines ( BDZ) depuis des années,
sans aucune indication médicale actuelle ni ré-évaluation
dun éventuel bnéfice thérapeutique.
Le deuxième est la survenance de chutes, du fait
de la baisse de vigilance et de leffet de relaxation
musculaire de ces substances. Inutile dinsister
sur la gravité et les risques de telles chutes
chez des personnes âgées. Le dernier effet
constaté a été celui de latteinte
de la mémoire chez les patients. Là encore,
le vieillissement aggrave logiquement les symptômes.
Alors, quand on utilise les BDZ pour limiter la douleur,
une question se pose. Ne serait-ce pas leffet
amnésiant qui permettrait au sujet de ne plus
se souvenir clairement et surtout plus tard de la douleur
subie ? La question se complique quand on connait lincroyable
mémoire de notre organisme, comme en témoigne
le phénomène des membres fantômes
? Tous les médecins ont pu constater, sils
ont eu la curiosité de le rechercher, que les
anciens blessés de guerre avaient régulièrement
une recrudescence de leurs séquelles à
la date même de leur blessure. Enfin une question
se pose. Celle du mécanisme même de laction
des BDZ sur lanxiété. Amoindrir
la mémoire ne contribuerait-il pas à rendre
moins sensibles des souvenirs réels ou imaginaires
quand ils ont tendance à nous submerger ? Et
cette fameuse anxiété que nos tranquillisants
sont censés juguler, quand elle nous touche,
naurait-elle vraiment rien à voir avec
des choses qui se sont stockées dans notre mémoire,
quelle soit consciente ou inconsciente ? Nos difficultés
à dormir sont-elles étrangères
à des souvenirs que nous ne pouvons pas chasser
? Les véritables courts circuits de lactivité
électrique cérébrale que révêlent
à lenregistrement électrique les
crises dépilepsie ne seraient-ils pas eux-mêmes
une sorte de bien curieux souvenirs organiques ? Beaucoup
de questions, en vérité, et pas de réponses.
Juste une grande admiration de cette notion de mémoire,
qui dépasse infiniment le domaine de notre petit
système nerveux animal auquel on semble restreindre
le champ de nos investigations.
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