EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 457
 
 
 
     31 juillet 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

Docteur Esope

Docteur François-Marie Michaut Lui écrire

A vrai dire, nous ne savons pas grand chose sur Esope. Ce personnage de légende, est surtout connu comme l’auteur de fables animalières que Jean de la Fontaine sut remettre au goût du jour du Grand Siècle. Dans la Grèce des 7èmes et 6ème siècle avant JC, on parlait d’un esclave, laid et boiteux comme le dit son nom de « pieds inégaux», bègue et bossu de surcroît pour parachever le tableau. Le plus extraordinaire est que ce célèbre fabuliste n’aurait jamais écrit le moindre texte de sa vie !

retrouver la confiance

Pourquoi alors l’interpeller ici en lui donnant le titre de médecin, de docteur, c’est à dire celui qui sait ou ... est censé savoir ? Tout simplement parce qu’il nous a appris une chose indispensable, à nos yeux, pour mieux nous aider à nous soigner, de quelque côté du stéthoscope que les événements de notre vie nous aient situés. Souvenons-nous de cet adage si souvent cité du sage Esope, que nous formulons le plus souvent par : « La langue est la meilleure et la pire des choses ». La tradition médicale, elle-même héritière de multiples savoirs ésotériques antiques, a pendant fort longtemps conservé l’usage du latin et du secret. Molière a suffisamment fait rire les honnêtes hommes depuis son 17ème siècle avec l’usage que nous faisions de ce jargon incompréhensible pour la plupart des gens. Ne sourions cependant pas trop vite de ce travers : le langage technique médical qu’affectionnent les médecins actuels dans leurs échanges d’information, aussi indispensable soit-il devenu avec l’état actuel des connaissances et des pratiques médicales, n’est guère plus accessible aux profanes. Vous voyez, le mot profane surgit de lui-même sous la plume, comme si son contraire était ,de quelque façon que ce soit, sacré. Quand on constate la façon dont toutes les religions, des plus grandes aux plus confidentielles, savent utiliser le mystère pour aiguiser la confiance ( le fait d’avoir la foi en leurs croyances) de leurs fidèles, il est possible de comprendre à quel point la médecine peut aussi être tentée par une telle recette pour accroître son pouvoir sur ses patients.

restaurer la conscience

 Combien de fois, dans un cabinet médical, le médecin s’adresse à son patient exactement comme il parlerait à un de ses confrères ? Sans même se poser la question : que peut donc bien comprendre la personne en face de moi, dans ce que je pense être des explications ou, au moins des informations ? Quel sens le malade donne-t-il à mes mots qui se veulent scientifiques et précis ? Quel contenu imaginaire est-il alors amené à créer, même - peut-être surtout - s’il me répond en tentant d’utiliser lui-même le langage médical. Il y a alors une communication aussi apparente que trompeuse pour les deux parties. Vous êtes naturellement en droit d’en douter.
Ouvrons simplement les oreilles à ce que disent nos malades. Bien souvent, au cours d’une visite médicale, le praticien prend la peine d’expliquer plus ou moins longuement au malade hospitalisé de quelle pathologie il souffre. Si vous l’interrogez plus tard, il vous affirmera volontiers qu’il a bien vu le médecin. Et à votre question sur ce qui lui alors été dit, la réponse a de fortes chances d’être un troublant et laconique : « Il ne m’a rien dit . ». Le praticien a eu le sentiment de faire tout son devoir professionnel. Il est persuadé d’avoir donné le plus possible d’informations à son malade. Or ce dernier n’a rien entendu, rien n’est parvenu à son entendement à lui, c’est à dire qu’il n’a rien compris.

renforcer la compétence

Dans un tel système de malentendu bilatéral, de monologue de fait, les effets les plus bizarres et les plus pervers de la parole sur l’état de santé du malade peuvent, hélas s’observer. Car, si chacun le sait par expérience personnelle, des paroles, même très simples, même très brèves, peuvent nous aider à passer un mauvais cap de notre vie, d’autres expressions, mêmes très savantes, même très solidement étayées au point de vue technique, même très logiquement développées peuvent nous faire souffrir.
Peut-être nous manque-t-il, à nous médecins, un pan important au cours de notre apprentissage ? Nous qui avons été formés à pérorer “doctoralement”, et à donner obligatoirement une réponse à n’importe quelle question à propos de la santé, une compétence n’a pas été suffisamment renforcée chez nous. Pour la formuler de la façon la plus simple, je ne vois rien de mieux que l’expression triviale suivante : Apprendre à la fermer. Ce qui, je partage totalement votre avis sur ce point, n’est pas une mince affaire du tout !
_____________________________________________________________________________________________________________

NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« Rien de plus sale que l’amour propre. »
Marguerite Yourcenar


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________
Lire la LEM 456 Mémoire et douleur de François-Marie Michaut

Lire la LEM 455 Systémiquement parlant(2) de François-Marie Michaut

Lire la LEM 454 Ca fait maaal... de Gabriel Nahmani