Un petit
reportage de midi (Journal de TF1 - JT, lundi 4 septembre
2006) sur Lécole Saint Thomas de Strasbourg
ma tout à coup incitée à
réfléchir sur la Beauté et limpact
quelle peut ou doit avoir sur la santé.
Une ballade de quelques heures sur la Toile ma
permis de mettre à jour quelques connaissances
philosophiques et de donner chair à ces quelques
lignes.
En
repensant à cet édifice superbe présenté
au JT et surtout aux réflexions des élèves
fiers de leur établissement et exprimant sans
réserve la conscience de la chance quils
avaient de travailler dans un endroit exceptionnel,
jai tout à coup réalisé à
quel point la beauté était absente dans
le monde de la santé.
Mais me direz-vous, selon le discours politiquement
correct ambiant : « à chacun ses goûts
». Autrement dit la beauté nexisterait
pas, seule subsisterait lémotion esthétique.
Un petit détour par lart me paraît
nécessaire. Pendant longtemps lart classique
se fondait sur une opposition entre les uvres
dart et les uvres techniques. Nétait
art que ce qui nétait pas utile. Et lart
ne pouvait quêtre lié à lintention
consciente. Une uvre de nature nétait
pas belle puisque dans limpossibilité dêtre
intentionnellement consciente de sa beauté.
Puis lart dit contemporain a fait entrer les WC
au musée. Autrement dit deux versions de lart,
et donc de lémotion esthétique saffrontent.
Linutile ou le conceptuel. Le tout pour lart
ou lart dans le tout.
Sil est difficile de définir lart,
plus encore la Beauté. Et cest un challenge
terrible à relever en ce début de Millénaire
: Nous avons un tel besoin de nous libérer des
tensions que nous portons en nous, quil nous faut
de lénorme, de la puissance, de la violence
pour dénouer nos troubles et arriver enfin à
lapaisement de la beauté. Pour rencontrer
la beauté, lesprit doit sêtre
vidé de ses tensions et doit avoir rencontré
lhumilité. ( lEssence de la beauté
de Serge Carfantan, Philosophie et spiritualité)
Tout un programme
surtout pour les toubibs.
Et
si nous demandions à Platon sa définition
de la Beauté : Au sommet de lAmour réside
la compréhension de la Beauté, car la
Beauté est ce que lAmour découvre,
quand il sest dégagé de ses limites
sensuelles, quand il sest purifié de ce
qui lalourdit et le limite.
En lisant ces dernières lignes, il est évident
quun (e) malade, polarisé sur sa pathologie,
à fortiori si elle est grave, aura beaucoup de
difficultés à penser à lAmour
et à la Beauté.
Comment peut-il, même sil ressent lAmour
dont parle Platon, le vivre purifié de ce qui
lalourdit et le limite ? Dexamens souvent
invasifs en traitements qui ravagent le corps, sans
oublier la peur qui sidère lesprit, comment
réveiller cet Amour, source de vie et despoir,
comment redonner le goût de la Beauté à
un visage sans cheveux ?
Toute notre société semble par son oubli
de lAmour avoir banni la Beauté.
Quy a-t-il de beau dans nos établissements
de soins ? De la « fonctionnalité »
pour permettre aux soignants daller plus vite,
déviter les risques, les infections. Même
les fleurs sont de plus en plus déconseillées.
Le malade dans sa souffrance na que le sourire,
rare malheureusement, des blouses blanches. Uniformité
des couleurs, des murs, des meubles. Rien pour maintenir
le vivant, pas de possibilité de repos, de retrait,
juste le son des machines, des sonnettes, de la respiration
si courte.
De quelle compétence sagit-il ? Est-ce
que nous ne serions que des automates, soucieux du bon
diagnostic ou du traitement adéquat ? Que nous
manque-t-il alors pour que les malades puisent en nous
une aide véritable ? Celle qui leur indiquera
le chemin de lAmour et de la Beauté ? Même
et surtout sils savent leur vie presque au terme.
Si nous suivons les prescriptions de Serge Carfantan
il nous faudrait dabord, nous même, les
soignants, vider notre esprit des tensions et agir avec
humilité. Pour Platon nous devons aimer.
Car il faut être en paix et aimer pour construire
des hôpitaux qui ne ressemblent pas à des
prisons, saimer pour être beau et rayonner,
aimer encore pour que chaque visite devienne un rayon
de soleil, aimer pour écouter nos patients, là
où ils sont et pas là où nos propres
peurs voudraient quils soient.
La séparation entre le beau et le technique et
lorientation désespérément
scientiste de la médecine ont limité celle-ci
au mortifère. La mort existe, la maladie aussi,
alors pourquoi vouloir isoler les malades dans le laid
? Lart nest peut-être pas en tout
mais la médecine a nié son art. Peut-on
imaginer que la Beauté repousse les limites de
la souffrance ?
Je veux le croire, je le crois, je le veux. Et vous
?
NDLR : La publication de ce texte consacré à
la beauté le jour anniversaire même du
drame du 11 septembre nest pas un simple hasard
du calendrier, mais une volonté délibérée
de ce site. Comprenne à sa façon ce rapprochement
dallure paradoxale chaque lecteur qui le pourra.
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