J’en
appelle à vos consciences, à vos sentiments
à tous, quel est le grand péril de la
situation actuelle ? L’ignorance, l’ignorance
encore plus que la misère.
L’ignorance
qui nous déborde, nous assiège, qui nous
investit de toutes parts. C’est à la faveur
de l’ignorance que certaines doctrines fatales
passent de l’esprit impitoyable des théoriciens
dans le cerveau des multitudes. Et c’est dans
un pareil moment, devant un tel danger, qu’on
songerait à attaquer, à mutiler, à
ébranler toutes ces institutions qui ont un but
spécial de poursuivre, de combattre, de détruire
l’ignorance !...
On
pourvoit à l’éclairage des villes,
on allume tous les soirs, et on fait très bien,
des réverbères dans les carrefours, dans
les places publiques ; quand donc comprendra--t-on que
la nuit peut se faire aussi dans le monde moral et qu’il
faut allumer les flambeaux pour les esprits.
Pour
arriver à ce but, Messieurs, que faudrait-il
faire ? Il faudrait multiplier les écoles, les
chaires, les bibliothèques, les musées,
les théâtres, les librairies. Il faudrait
multiplier les maisons d’études pour les
enfants, les maisons de lectures pour les hommes, tous
les établissements, tous les asiles où
l’on médite, où l’on s’instruit,
où l’on se recueille, où l’on
apprend quelque chose, où l’on devient
meilleur ; en un mot il faudrait faire pénétrer
la lumière dans l’esprit du peuple ; car
c’est par les ténèbres qu’on
le perd.
Ce résultat vous l’aurez quand vous voudrez.
Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique
mouvement intellectuel ; ce mouvement vous l’avez
déjà fait [...]
(*) Ce texte, qui, hélas, n’a pas pris
une ride, et demeure plus que jamais de portée
mondiale, a été prononcé par Victor
Hugo à la séance du 10 novembre de l’Assemblée
Nationale. Il nous a été aimablement donné
par André Raynaud, éditeur et imprimeur,
“ Rumeurs des Âges “ 7 rue Dupaty,
17000 la Rochelle ( France ). Le titre est de la rédaction
d’Exmed, tout comme les intertitres qui accompagnent
traditionnellement toutes nos LEM.
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