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La soumission chimique est une réalité rendue possible par les progrès des neurosciences et de la psychopharmacologie de ces dernières décennies. Il est devenu réalisable de faire obéir et de rendre docile quelqu’un sans faire usage de la contrainte physique ou morale.
La soumission chimique se définit comme l’administration de substances psychoactives à des fins criminelles ou délictueuses. En abolissant les réflexes de protection et ses réactions de défense, il devient facile de profiter sans scrupules de la diminution des performances intellectuelles ou physiques de quelqu’un, de l’amener à agir contre ses intérêts, de le contrôler. En un mot l’assujettir, le mettre sous emprise mentale et physique. Les substances utilisées à des fins de soumission chimique mettent souvent en jeu des mécanismes cérébraux inhibiteurs responsables des troubles de la vigilance et de la mémoire. Dans le cerveau, le degré de vigilance est commandé par le cortex frontal, partie antérieure de l’encéphale, connectée elle même à un autre centre, le thalamus, qui reçoit notamment les informations visuelles et auditives de l’extérieur. Pour diminuer la vigilance, il y a des actions complexes du thalamus qui agissent sur le cortex frontal, soit en l’excitant, soit en l’inhibant .
C'est ce que font certaines molécules de soumission chimique comme le gamma-OH, la fameuse drogue des violeurs. Cette dernière substance agit sur le siège de la volonté en diminuant l’activité de la partie frontale du cerveau. L’action de ce type de molécules sur le cortex a une autre conséquence chez les victimes de cette soumission chimique. Bien souvent, une victime violée sous l’emprise d’une substance chimique ne va pas garder le souvenir du viol. Le souvenirs correspondant au temps d’action de la drogue ne seront pas stockés, ce qui va rendre difficile d’identifier les auteurs de ces forfaits.
Il est possible avec certaines molécules comme la vasopressine et l’ocytocine, des neuropeptides, qui peuvent être diffusés sous forme de spray, de créer artificiellement un comportement de confiance vis à vis d’autrui, plus amical, susceptibles également de favoriser la fidélité et la monogamie. Les travaux de Peter Kirsch, à l’Université de Giessen, en Allemagne, ont récemment prouvé que l'ocytocine agirait sur la perception de la peur.
Par la soumission chimique, il devient possible d’inspirer confiance à une proie sexuelle, un client potentiel. Le neurobiologiste américain Antonio Damasio s’est interrogé sur l’utilisation de ce type de molécules en campagne électorale. Pourquoi ne pas lui emboîter le pas, en nous livrant nous aussi, à un scénario de fiction politique en nous demandant si les candidats à la présidentielle de 2007 ne pourraient pas être tentés d’asperger généreusement l’électorat de France et de Navarre d’ocytocine pour remporter l’élection ?
La soumission chimique est devenue également un procédé psychosectaire en pleine expansion. Comment est-elle possible?
Nombre de personnes en recherche sont séduites actuellement par la pratique du chamanisme. Des charlatans vont leur proposer des pseudo-pratiques chamaniques conjuguées à des drogues puissantes sous couvert de développement personnel ou de psychothérapie.
Ce faux chamanisme s'inspire d'authentiques traditions chamaniques qui utilisent des drogues dans leurs rituels. Notamment, celle de l’Amazonie avec son hallucinogène puissant, l’ayahuasca. Les Indiens d’Amazonie le surnomme la « Liane de la Mort». Ses effets sont proches de ceux du L.S.D., le psychoactif de référence. De nombreuses personnes sont tombées sous l’emprise chimique et sectaire de l’ayahuasca. En Europe, la drogue amazonienne est diffusée par des micro-groupes, fonctionnant en « système clos », et a acquis le statut d’un outil chimique de manipulation redoutable définis sur le mode de groupes totalitaires, d’officines sectaires. Le pharmacologue Gilbert Pépin a mis en exergue la double soumission - chimique et sectaire - des victimes de l’ayahuasca. Avec l'ayahuasca consommée dans ce contexte sectaire, on a observé des décompensations psychiatriques, des suicides quelques mois après l’avoir prise, des comas et des morts par overdose.
Dans le même registre, les observateurs constatent également la montée en puissance préoccupante de l’iboga, un bois sacré hallucinogène originaire du Gabon, de la tradition des Bwitis. Il est aussi appelé le L.S.D. africain, ce qui évoque sans détour sa parenté pharmacologique avec la molécule chimique du même nom. Dans son édition du 1er août de cette année, le journal le Parisien rapporte la mort d’un jeune toxicomane alsacien de 26 ans, qui au cours d’un stage de chamanisme africain en Ardèche, avait consommé de l’iboga.
De nombreuses substances permettent d’assujettir autrui. « Au regard des progrès fulgurants de la soumission chimique, la plus grande vigilance est de rigueur » constate le Dr Patrick Barriot, enseignant à la faculté de médecine de Montpellier, responsable du Département Risque technologique et chimique de la Société Point-Org-Sécurité de Montpellier.
Sources
Dr Patrick Barriot
Soumission chimique, Cerveau et Psycho n°18
http://www.cerveauetpsycho.com/
Communication, société de médecine légale et de criminologie de France, séance
du 11 septembre 2000: “Un Nouvel hallucinogène en Europe: l’ayahuasca ou vin de l’esprit”, G.Pépin, M.Chèze, F.Billaut, Y.Gaillard.
In annales de Toxicologie Analytique, vol XVI, n°1, 2004, “Ayahuasca: liane de l'âme, chamans et soumissions chimiques “Ayahuasca: liane de l’âme, chamans et soumission chimique”, G.Pepin, M.Chèze, F.Billaut, Y.Gaillard.
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