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Et voilà que ça recommence et c’est le journal “Ça m’intéresse” qui s’y colle ! Une fois n’est pas coutume, j’ai sorti 2 € de ma bourse pour acheter ce fleuron de Prisma Presse. De Géo à Capital en passant par Femmes Actuelles ce groupe de presse édite annuellement plus de 280 millions d’exemplaires et celui qui … nous intéresse est diffusé à 242.755 (source Prisma).
A la une du mois passé : Votre médecin est-il à la hauteur ? Et pour l’occasion comme le sujet est polémique le magazine est en promotion !
Comme moi, vous vous demandez certainement à la hauteur de qui ou de quoi. Des patients bien sûr et de leurs attentes.
Pour ce qui est de la confiance ce n’est pas trop mal. Finalement nos concitoyens sont 87% à faire confiance à leur généraliste. L’analyse de ces chiffres est intéressante (et c’est un euphémisme). En résumé si vous faites confiance à votre toubib c’est parce qu’il est un référent… traduction quelqu’un qui ne peut et ne doit pas se tromper. Encore mieux si vous ne changez pas de médecin (52% ont le même depuis 6 ans et plus) c’est parce que de toute façon ce ne serait pas mieux ailleurs et que vous avez peur d’être infidèles. Reconnaissez que les généralistes ont de la chance dans un monde où même l’amour finit une fois sur deux devant les tribunaux.
Les choses se compliquent quand 62% des sondés sont plus confiants dans les résultats d’examens que dans l’auscultation. Un médecin qui écoute et prescrit des examens sera plus fiable que celui qui prend le temps de l’examen clinique… ça ne va pas intéresser notre ministre Xavier Bertrand !
Comme nous ne sommes pas à un paradoxe près, 30% seraient prêts à abandonner la vilaine médecine pure et dure pour la médecine douce.
Pour ce qui est d’aborder les sujets délicats : sexualité, violence, alcoolisme, 78% affirment qu’ils se sentent suffisamment bien pour les aborder … mais seulement 29% des jeunes de moins de 35 ans. L’anthropologue Sylvie Fayzang commente ce dernier chiffre : Peut-être le signe que la fonction de confident du médecin décline. Faut dire que les médias font tout ce qu’ils peuvent pour ça. Entre Mireille Dumas et Bataille Fontaine les confidences se font nationales.
Pour qu’il y ait conscience il me semble important de faire une analyse critique de ce genre de sondage. Les instituts de sondage qui se déchaînent en ce moment sur les présidentiables en profitent aussi pour mettre la pression sur tout ce qui peut réveiller « la conscience » des citoyens. Autrement dit tirer des conclusions sur des chiffres, à un instant T, sur un panel de … au bout de cinq bonnes minutes à lire consciencieusement chaque page, je découvre tout en bas que cette étude a été réalisé sur un échantillon de 952 personnes « représentatives ». Ouf, je me sens représentée : femme active de plus de 50 ans.
Un petit coup d’œil rapide sur les 8 pages que contient ce dossier : ça démarre fort, 104.556 généralistes dont 14% travaillent à temps partiel, 47% se disent victimes de burn-out… et qui gagnent en moyenne 62.000 €. On se demande vraiment comment ils peuvent se plaindre ! Après ces deux pages aussi palpitantes qu’un annuaire nous entrons dans le vif du sujet : l’enquête et les commentaires. (voir plus haut)
La suite est franchement bluffante : Comment travaille l’omnipraticien ? Que soigne-t-il : les bobos et les affections longue durée … entre deux rendez-vous chez le spécialiste. Et bien voilà vos compétences, chers confrères généralistes, reconnues à … leur hauteur ! La suite est de la veine : comment pose-t-il un diagnostic, comment choisit-il vos médicaments (ben il donne toujours les mêmes…), en tout cas il bosse puisqu’il doit remplir des tâches administratives pendant deux heures en plus des consultations. Clou de l’information : A quoi sert l’Ordre des médecins ? Outre le fait que le serment d’Hippocrate n’a aucune valeur légale, sa présentation me semble légèrement tendancieuse : on ne jure plus par Apollon, Esculape et Hygie et il n’est plus interdit de pratiquer l’avortement mais restent les objectifs sociaux et humanistes. Dans le débat actuel sur l’euthanasie et face à la pétition qui circule sur Internet, mieux vaut zapper certains passages comme « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». mais sans oublier de préciser que tout un chacun peut saisir les conseils départementaux.
Vous savez maintenant comment travaille votre généraliste alors quelques conseils pour lui parler. Pratiques et judicieux : virez belle maman ou votre conjoint, laissez lui faire son métier, préparez votre consultation, aucune question n’est ridicule… Il est à craindre que vos futurs patients n’arrivent avec le protocole du « bien parler » en main. A moins que l’on ne voit fleurir des “coachs” pour les aider à être bien soignés.
Voilà un exemple type de la perversion de ce genre d’information. Quelques grammes de vérité dans un monde d’approximations. Il est évident que la relation médecin-malade n’est pas de tout repos. Interroger les patients sur leur ressenti peut être utile aux médecins afin de leur montrer toute l’ambiguïté qui existe dans la relation duelle. Le médecin généraliste perd peu à peu son rôle d’accompagnant de toute une vie au profit d’une relation de type commercial : la satisfaction du besoin. Sauf que le besoin du patient est difficilement identifiable. Souvent caché sous une plainte ou projeté sur le toubib qui ne pourra pas y répondre.
Vouloir comprendre comment travaille un omnipraticien en se basant sur ce qu’il fait sans tenir compte des parties infiniment plus mystérieuses de l’exercice de son art : l’intuition, la rigueur, la persévérance, est une caricature grossière. Nous ne nierons pas que certains médecins sont meilleurs que d’autres, comme dans toute profession, mais il est à craindre que ce genre d’article amène à faire un portrait robot du « bon généraliste » c'est-à-dire celui qui se conforme à ce qui est marqué dans le journal.
Chers confrères et consoeurs spécialistes en médecine générale, ne vous inquiétez pas. Les prochains numéros passeront en revue les dermatos, ophtalmos, cardios, rhumatos, gastro-entéros et pédiatres. Réjouissez vous vous aurez été les premiers, vous aurez eu un numéro pour vous tous seuls et vous êtes à la une. Les nouveaux people !
(*) Ndlr : le vocable britannique people est utilisé ici dans son acception française actuelle. Cela veut signifier simplement les gens dont on parle.
Finalement les people c’est plus expressif que les GDOP que donnerait une abréviation de gens-dont-on-parle.
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