| xxxActuellement et de plus en plus, sous prétexte de « didactique », on assiste en France à une débauche d’images et d’expositions dont le corps est le point central. L’exposition itinérante « Our body » en est un exemple, sorte de science-reality, mettant en scène des corps écorchés, figés dans de la résine, livrés sans explication à notre voyeurisme morbide, tels les veaux formolés de Damien Hirst (1).
xxxAutre manifestation : l’affichage de photos géantes , au courant du mois d’octobre, sur cinq cents mètres carrés de façades du Parlement, de femmes ayant été opérées d’un cancer du sein, sous le titre « J’ai un cancer du sein. Et après. »
Là aussi sous le prétexte de sensibiliser. Et en espérant, probablement, que cela puisse redonner confiance aux personnes atteintes de ce cancer dont elles osent encore si peu parler. Cette démarche officielle, pourtant, déclenche une rafale de questions à notre conscience de citoyen ordinaire.
- Qu’apporte donc la vision du corps, devenu simple objet et mis en scène ?
- La démarche consistant à nous jeter en pâture ces images est-elle scientifique ?
- Est-elle didactique ?
- Est-elle esthétique ?
- Est-elle artistique ?
- Obtenons-nous des réponses à nos questions existentielles au terme de ces expositions ?
- Et ces questions, les organisateurs se les posent-ils ?
Madame la ministre Bachelot, qui organise ce placardage géant, ne s’est vraisemblablement pas interrogée non plus, pour savoir si ces clichés , tout bonnement, respectent celui ou celle à qui ils sont imposés.
- En effet, tout le monde est-il prêt à pouvoir ou vouloir les regarder ?
- Songeons nous aux enfants, et aux craintes qu’ils peuvent avoir pour ce qui peut arriver à leur mère à eux ?
xxxCes femmes ne représentent d’ailleurs en aucun cas le « après » de la fameuse maladie, mais bien le « pendant », et risquent bien plus d’effrayer ou d’incommoder. Le « après » du cancer du sein n’est pas visible, il réside dans la peur des contrôles ultérieurs, l’angoisse de la récidive, la pénibilité des traitements suivis. Dans la perte irréversible de la confiance aveugle en un corps qui n’avait encore jamais trahi. Il n’est pas sûr que l’objectif affiché de cet exhibitionnisme soit atteint. Quant à la dimension « artistique », aussi bien de l’exposition sur le corps par l’intermédiaire de réels cadavres, que de ces photographies de femmes opérées , réalisées par Florian Launette, elle paraît bien discutable. Picasso prétendait qu’une œuvre d’art réussie devait pouvoir guérir un homme d’une rage de dent ; là, on vous collerait plutôt des révulsions d’estomac. L’étalage d’images, mal dont souffre notre siècle, ne répondra pas à nos questions humaines et ne nous rassurera pas, tant la réflexion et le recul sur lesdites images sont nécessaires. S’il vous plaît, ne parlons pas de la sacro-sainte information. En vérité ce ne sont là que des extraits, des embryons d’information, car il faut en plus donner au spectateur la possibilité d’en découvrir le sens, lui donner les éléments, par un commentaire réflectif, de comprendre ce qu’il voit, car au-dessus de tendons et de muscles fixés dans une pose éternelle, au-dessus d’un sein, l’être humain possède aussi autre chose : un cerveau.
(1) NDLR : Cécile Bour est une familière des arts graphiques, comme en témoignent, entre autres, ses peintures sur ce site chaque fin de semaine. Elle illustre, de façon totalement bénévole comme tous nos rédacteurs, la force du dessin comme outil d’expression médicale.
Tous nos lecteurs ne connaissant pas obligatoirement l’artiste britannique Damien Hirst peuvent consulter ce lien pour en savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Hirst
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