La langue française est belle, nous disent nos linguistes.
Je la trouve bien ardue, pas tendre pour les fumistes.
Harmonieuse et concise, elle permet de tout dire :
Parfois en l’écrivant, j’irai bien la maudire.
Ses nuances sont infinies, pleines de subtilités
Mais il faut soupeser ses douces difficultés.
Il nous en a fallu, des efforts pour l’apprendre,
Notre chère langue gauloise avec tous ses méandres !
Locutions et proverbes y sont source de richesse ;
Une mine infinie qui fait toute sa finesse.
Vous avez dit nuances ? Pardi, oui ! Elles existent !
Encore faut-il savoir, sans être perfectionniste,
Comment bien les manier, choisir le terme exact,
Pour de notre pensée, rendre le sens intact.
A ceux qui vous diraient que tout ça coule de source,
Ou que ceux qui s’y perdent ne seraient que des ours,
Je vous propose ci-dessous en petit exercice
Un panel d’expressions qui font notre délice.
Ces charmantes locutions que je vous cite en vrac,
C’est bien du bon français, nullement un micmac.
Mais elles font réfléchir, se poser des questions
Et nous font, à la longue, douter des convictions.
Ce sont des expressions qui, à travers les âges,
Ont cent fois évolué pour prendre leur usage.
Alors, plongez-y donc, attachez vos ceintures !
Montrez à vos enfants ce qu’est cette aventure,
D’apprendre ce doux français qui est notre culture,
Mais que les temps modernes veulent priver d’écriture :
Si je file à l’anglaise, en poudre d’escampette,
Beaucoup de bruit pour rien, pour partir en goguette
Abondance de biens, on le dit, ne nuit pas
Chose promise est chose due, alors pas d’langue au chat !
J’annonce la couleur, j’enfourche mon dada,
J’amuserai la galerie, souvent à hue à dia.
Sans mettre la charrue, parfois avant les bœufs,
Sauter du coq à l’âne, c’est ma règle du jeu.
J’aime coincer la bulle ou peigner la girafe,
Me tenir à carreau ou rester en carafe,
M’en mettre plein la lampe, amuser le parterre,
Ou battre le pavé sans cheville ouvrière.
Je tire au cul, au flanc, et sans un sou vaillant,
Aucun bien au soleil, rien à mettre à l’encan,
Ainsi, je prends mon pied, sans faire du potin,
Sans me fouler la rate ni avoir du tintouin.
J’en mets ma main au feu, je prends ma chance aux ch’veux
Je s’rai encore de la r’vue, si j’reste canard boiteux.
Bon sang ne peut mentir et bon chien chasse de race
En guise de coups d’Jarnac, mon ignorance est crasse
Je ne suis pas faux j’ton, je joue cartes sur table
Connu comme le loup blanc, j’mets personne sur le sable
Je n’vire pas ma cuti, ne tourne pas casaque
Ni retourne ma veste : je suis toujours d’attaque.
S’il est tombé des cordes, c’est pas la mer à boire
J’aurai chat dans la gorge et je broierai du noir
Si faisais ce que dois, adviendra que pourra :
Je sais bien qu’à bon chat on trouvera bon rat.
Pas de douche écossaise ; contentement passe richesse.
Dans le doute, je m’abstiens, seule la vérité blesse.
Attendre la Saint-Glinglin n’est pas ma tasse de thé,
Se dorer la pilule, c’est trop collet monté.
Chaque jour suffit sa peine, pas d’chandelle à deux bouts,
Chose promise est chose due : ménageons chèvre et chou.
Pas de bouillon d’onze heures : ce s’rait faire buisson creux,
Nécessité fait loi, pas de fumée sans feu.
Celui qui craint les feuilles, qu’il n’aille pas au bois
Au pays des aveugles, les borgnes sont tous rois !
Alors de but en blanc, au diable tout l’saint-frusquin,
J’ai jeté mon bonnet par dessus les moulins !
J’bois à tire-larigot, j’laisse pisser l’mérinos
Ma vie de patachon ne m’f’ra pas de vieux os …
Trop de parties carrées ? Une vie de barreaux d’chaise ?
A faire tant de fredaines, je vais sucrer les fraises !
Si je sable le champagne, je monte au septième ciel,
Mon cœur bat la breloque pour la dive bouteille …
Parfois un coup de foudre, me met dans de beaux draps,
J’en vois trent-six chandelles et en fait tout un plat.
En pincer pour quelqu’un, me met le vent en poupe,
Me fait faire le mariole : par ici la bonne soupe !
Aux mains froides, les cœurs chauds, je sais faire les yeux doux.
Autre temps, autres mœurs, on n’court plus le guilledou !
Si elle fait sa sucrée, ce n’est pas une vraie touche
Mais si tout sucre tout miel, serait-ce une sainte nitouche ?
A trop conter fleurette, je vais ronger mon frein,
A trop longtemps du gringue, ça devient du béguin
Je deviens chaud lapin, vais me faire blackbouler !
Les grandes douleurs sont muettes quand on traîne un boulet.
Avoir un gros ticket, décrocher la timbale,
Me monte au septième ciel quand elle renvoie la balle.
Ça vaut son pesant d’or, c’est pas piqué des vers
Je brûlerai le pavé pour m’envoyer en l’air !
L’argent n’a pas d’odeur, occasion fait larron
Toute erreur n’est pas compte s’il faut boire le bouillon.
Mes espèces sont sonnantes et même trébuchantes
Ce n’est pas monnaie d’singe : petite pluie quand il vente.
Fortune vient en dormant, la nuit porte conseil
Autant emporte le vent, metr’ Paris en bouteille.
Mais tomber dans l’panneau me fait prendre la mouche,
Je monte sur mes grands chevaux sans trop faire la fine bouche.
Je tire à boulets rouges à en perdre la boussole,
Je défraye la chronique et me pousse du col.
Des goûts et des couleurs, il ne faut discuter,
Commencer par soi-même est bonne charité.
Qui aime bien châtie bien et qui s’y frotte s’y pique
Mais c’est bien dans le ton qu’on y voit la musique !
Même si les chiens aboient, c’est caravane qui passe …
Mauvaise herbe croît toujours, il faut bien qu’on trépasse !
Voir passer l’arme à gauche, dévisser son billard,
Il faut du cœur au ventre pour finir au rancart.
La fin des haricots, ce s’ra l’échec et mat !
Pour fausser compagnie sans s’éclater la rate,
Faudra vider son sac quand au bout du rouleau,
Je s’rai au pied du mur et rest’rai sur l’carreau …
Si vous avez des doutes, si croyez que j’invente,
Oyez pour toute réponse, cette phrase éloquente.
Elle ne mâche pas ses mots, mais dite en vieux françois,
Elle prend le mors aux dents en parler d’autrefois.
Elle vient du fond des âges, comme tous les mots ci-dessus ;
La langue est une cuisine d’où ces plats sont issus.
« Que le feu Saint-Antoine vous arde le fondement
Si voyez en mes dires foutaises ou boniments. »
Droits réservés
NDLR : Le feu de Saint-Antoine, ou mal des ardents, est une conséquence de l’ergotisme. Intoxication par un champignon des graines de céréales contaminées par l’ergot de seigle ( claviceps purpurea ), donnant des manifestations physiques ( crises de type épileptique ) et psychiques impressionnantes à type d’hallucinations, jadis volontiers rattachées à la sorcellerie ou à la possession. On utilise en médecine l’alcaloïde responsable sous le nom de dihydroergotamine, en particulier dans les migraines sévères.