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L'acétaminophène (comme elle est connue en Colombie) ou paracétamol et l'ibuprofène sont les « reines des molécules » prescrites comme les médicaments uniques et miracles pour presque toutes les pathologies jusqu'au le cancer (sic).
Lors des premiers cas de grippe AH1N1, les patients qui se présentaient aux urgences ont été renvoyés chez eux avec une prescription de paracétamol. Se représentant aux urgences le lendemain ou surlendemain, ils étaient de nouveau renvoyés avec la « reine des molécules » pour finir parfois à la morgue quelques jours plus tard.
Le premier cas a été identifié en mai 99 et 5 mois plus tard il y avait déjà 118 morts. Nombre de ces décès auraient cretainement pu être facilement évités. Et lorsque le paracétamol et l'ibuprofène ne sont pas prescrits, ce peut être des cachets contre la nausée du voyageur pour une surdité subite d'origine virale avec acouphènes, vertiges, etc, pourtant parfaitement diagnostiquée par un service d'urgences hospitalières.
A croire que les EPS ont trouvé les molécules panacée pour toutes les maladies, mais sont trop modestes pour postuler au Nobel de médecine.
Voilà quelques mois, lors d'une conférence donnée dans une université par le ministre de la santé, les étudiants l'on reçu aux cris « d'assassin » et avec des banderoles lui prescrivant de l'acétaminophène.
Le prix des médicaments et la dérégulation
En 2006, le gouvernement de l'ex président Alvaro Uribe (2002-2010) a mis fin à la régulation et au contrôle des produits pharmaceutiques. Depuis cette date, les médicaments en Colombie sont plus chers que dans les pays voisins. Parfois même plus qu'en Suisse, qu'aux États-Unis et qu'en Allemagne.
Une étude comparative du prix de l'antibiotique générique de la ciprofloxacine dans 93 pays[1] démontre qu'en Colombie ce produit est vendu jusqu'à 200 fois plus cher que dans 5 pays asiatiques : 500 milligrammes coûtent 131 dollars (environ 100 €[2]).
En ce qui concerne les médicaments les plus coûteux, les laboratoires pharmaceutiques les vendent en Colombie jusqu'à trois fois plus cher que dans les pays voisins, le revendeur prend, lui, une marge allant jusqu'à 200% et les EPS les facturent à Fosyga (lorsqu'il y a eu un recours en tutelle ou auprès d'un CTC) jusqu'à sept fois plus que ce qu'elles les ont achetés.
Ainsi, il n'est pas étonnant que le gouvernement d'Alvaro Uribe ait décrété en décembre 2009 « l'état d'urgence sanitaire et sociale » pour cause de faillite du système de santé. Mais peu après, la Cour constitutionnelle a annulé le décret argumentant que l'existence de la crise n'était pas due à des causes "extraordinaires" comme les termes du décret tentaient de le justifier.
Renvoyant de la sorte le gouvernement face à ses propres responsabilités dans la mauvaise, et non moins surprenante, gestion du système de santé.
La manne des transnationales pharmaceutiques
Les traités de libre commerce (TLC) signés entre la Colombie, les États-Unis et l'UE –Union Européenne- comportent un chapitre relatif au droit de propriété et de brevet[3] sur les médicaments qui concèdent aux multinationales pharmaceutiques un monopole sur la fabrication et la vente de leurs produits durant 20 ans et 5 ans de plus pour la « seconde application thérapeutique ». Le coût additionnel de cette clause est estimé à 1118 millions € soit 1 milliard 118 millions€[4].
Cela n'étant pas suffisant, les multinationales pharmaceutiques tentent d'obtenir l'élargissement de la durée à 30 et 10 ans respectivement.
Mais leur voracité n'ayant pas de limite, elles cherchent aussi à s'approprier des infrastructures hospitalières publiques ainsi que de la biodiversité botanique, animale et humaine grâce à d'autres clauses qui leur octroient l'exclusivité du domaine sur ces connaissances.
En d'autres termes, elles cherchent à légaliser ce qu'il faut bien nommer la biopiraterie[5].
NDLR :Le lecteur est invité à lire, du même auteur, les deux premières LEM consacrées à la santé en Colombie : «Dengue» la santé en Colombie du 13 décembre 2O10 et Plan obligatoire de santé du 10 janvier 2011.
Notes de l'auteur
[1] Health Action International, novembre 2009.
[2] Le Smic colombien en 2010 est de 205€ par mois.
[3] 95% des brevets sont accordés à des industries pharmaceutiques étrangères.
[4] Source : Recalca - Red Colombiana de Acción frente al Libre Comercio y el ALCA-, Bogotá, mayo 3 de 2010
[5] Amérique latine La biopiraterie dans les relations Nord-Sud - http://www.globenet.org/archives/web/2006/www.globenet.org/horizon-local/dial/2135.html
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