Sommeil
BAILLEMENTS

8 août 2011
Jacques Grieu
lui écrire

Vous me la baillez belle, avec vos préventions :
Laissez dormir Etienne ; c'est sa grande passion !
Si l'excès de repos, personne n'a blessé.
Il n'est pas de douleur que le sommeil n'ait tué.
Mon ami, les yeux clos, dans son hamac paresse,
Pendant que de Morphée, il goûte la caresse ...
La fréquence des sommes en fait un spécialiste,
C'est un sérial-dormeur, un grand récidiviste.
Mais cet homme paisible, en étant agacé,
Ne tuerait une mouche, et même une tsé-tsé.

Loin de l'horrible vice dit par les moralistes,
Le sommeil est vertu et plaisir de puriste.
Sa surdose est d'abord très sage provision,
Et contre la fatigue, avance et précaution.
Car comme l'écureuil pour les faims de l'hiver,
On stocke du sommeil pour les nuits buissonnières.
Sa pénurie chronique est si grave carence,
Que son entreposage est lucide prudence,
Et qu'en mettre en conserve en vue de transfusions,
Serait en médecine une bénédiction.

L'insomnie, c'est connu, est grave maladie,
Et la sieste au hamac sa meilleure thérapie.
Rêver, dormir ? L'autre n'empêche pas l'un.
Et même est nécessaire … Suffisant ? Pas certain !
Si dormir sans rêver se produit sans remords,
L'inverse n'est pas vrai : si tu rêves, tu dors.
Sauf pour cette race, appelée somnambule,
Qui s'éveille en rêvant et alors déambule.
On peut rêver dix heures et avoir mal dormi ;
Etienne rêve-t-il qu'il dort, à moitié endormi ?
Néfaste est ce soupçon, peu propice au sommeil,
Pour ce doute lever : se pincer comme réveil.
S'il rêve qu'il se pince, aucun réveil, alors ?
Car si vraiment il rêve, il est bien sûr qu'il dort !

Le rêve n'est-il pas, le gardien du sommeil ?
Qu'il soit « paradoxal ou normal, c'est pareil !
Et s'il rêvait qu'il rêve ? Ou s'il reprend sans trêve,
Qu'il rêvait qu'en rêvant, c'est justement qu'il rêve ?
Ah, ce sommeil béni ! que c'est long pour qu'il vienne,
Chez ceux qui sont moins doués que mon ami Etienne !
Et qu'à de vains efforts il nous faut s'essayer,
Quand les heurts de la vie nous font trop gamberger !
Quand le grand crû de Graves, hier soir chez Untel,
Vous a fait dépasser vos bornes culturelles !
Quand un motif obscur fait que votre éditeur,
Pour votre beau roman, retarde l'imprimeur.
Quand les yeux de velours d'une dame YZ,
Par leur discours troublant toutes vos nuits obsèdent.

Pour le sommeil du juste, il faut passer par là ;
Mais, alors, les injustes, avec quoi font-ils ça ?
L'un doit être léger comme la plume au vent,
L'autre est sommeil de plomb, lourd comme un éléphant.
S'il y a cent recettes pour rester en éveil,
Il en existe peu pour trouver le sommeil.
Et espionner le sien serait comme un prodige,
Puisque pour l'observer, à dormir il oblige !

Faut-il donc s'en remettre aux moyens de nos pères ?
Nous ne parlons pas là des cachets somnifères,
Qui vous laissent au matin, en bouche, un goût amer.
Mais en plus raffiné, on eut Schopenhauer,
Qui disait, convaincu : si je veux, donc je peux.
En serrant fort les dents, j'essayai donc ce jeu,
Sans plus de résultat qu'une vraie déception …
Le comptage en moutons n'ayant pas plus d'action,
Je voulus rénover un si vieux monopole,
Compter aussi les vaches et même des bestioles.
Tous les risques prenant, j'essayai les scorpions ,
Les rhinocéros noirs et j'allai jusqu'aux lions :
Sans plus d'endormissement qu'avec ce cher Arthur
(qui de Schopenhauer est le prénom, bien sûr)

Revenons aux moutons, c'est le conseil commode,
Que donnent aux ignorants ceux qui savent les méthodes
Tête sur l'oreiller, je me dis, in petto
Que chercher le sommeil n'est pas de tout repos.
Si de l'homme on voit là sa plus belle conquête,
D'un moyen infaillible, il faut me mettre en quête.
Comment faisaient Einstein, Confucius, et Platon ?
Ceux qui vite dormaient comme Napoléon ?
Sur un simple signal de leurs puissants esprits,
Ils baissaient les paupières et, hop, c'était parti !

 

 

 

Pour pouvoir compter mieux, sans boulier, sans machine,
Ils parquaient leurs moutons pour qu'ils s'agglutinent ?
Génialement rangés : cent têtes en vingt secondes,
Assurent à chacun une sieste profonde ?
Mais, j'y pense, soudain : la couleur des moutons ?
Il en existe en bruns ! Eux, auraient le vrai don ?
Pour leur viande et leur laine, ils ne seraient pas bons ;
Oui mais, pour somnifères ? Ils seraient des champions ?
Car comme l'a dit Mao (qui ronflait comme souche) :
Peu comptent quels moutons, s'ils endorment à la louche.

Autre essai à tenter si l'insomnie persiste,
Ecouter les conseils d'un autre spécialiste :
Le café fait dormir si vous n'en prenez pas.
Si vous le faites fort, ça marche à tous les cas.
Mais souvent, épuisé, à la fin de la nuit,
J'essaie de m'inculquer que trop de repos nuit :
Combien c'est fatigant, quand les autres reposent
Que de voir leur bonheur que ce sommeil expose !

Mais d'un autre côté, si cela nous fatigue,
C'est pour notre sommeil, un bienfait qu'on prodigue …
De ne rien faire, il faut, parfois, se reposer.
Et la fatigue alors peut souvent nous aider.
Et si la vie n'était, que rêverie sans sommeil,
Un songe camouflé en illusion d'éveil ?
Comme la mort serait, un sommeil plein de rêves, 
Pour que l'éternité, à nous, semble plus brève ?

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Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence

Os court : «Béni soit celui qui inventa le sommeil !»
Miguel de Cervantès
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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