Le mois de janvier s'achève. Avec lui se clot la période traditionnelle des voeux de bonne année, et, n'en déplaise aux intérêts légitimes des soignants, de bonne santé.
Bien étrange période de l'année que celle de ces voeux rituels, du plus modeste citoyen jusqu'à la tête de notre État drapé de tricolore, personne n'y coupe. Jusqu'à l'écoeurement, parfois, tant tout ce bien qu'on nous souhaite pour la prochaine année semble peu crédible.
Posons alors la question iconoclaste : est-ce que ces voeux, ça sert vraiment à quelque chose? Ou bien ce n'est que la survivance d'une croyance dépassée ?
Il est courant, nous dit-ton, que dans les hôpitaux américains, les infirmiers et les médecins prient pour et avec leurs malades. Crime de lèse laïquat en France !
Vouloir guérir, vouloir que les autres guérissent, cela influence-t-il l'évolution de nos maladies ? La question n'est pas illégitime. Nous observons depuis toujours la variabilité extrême, de la santé apparente à la mort, de nos affections des plus bénignes aux plus graves. Sans pouvoir en donner la moindre explication scientifique sérieuse. Une fois de plus, cet effet placebo qui ne répond à aucune causalité rationnelle classique, se dresse devant nous. Nos amis chirurgiens voient chaque jour combien les suites opératoires sont différentes selon la façon dont leurs patients envisagent leur avenir. Lourdes, La Mecque, Jérusalem ou Bénarès, bon an mal an, font toujours le plein.
L'idée s'impose d'elle-même. Les mêmes causes, si tant est qu'on les connaisse toutes, ne produisent pas les mêmes effets chez tous. L'humanité aurait disparu depuis longtemps de ses grandes épidémies. Nous avons une certaine marge de manoeuvre, grâce à nos intentions, pour modifier ce qui nous arrive. Dit d'une autre façon, notre futur subit l'influence de notre présent .
Pour tenter d'illustrer ce propos, le futur se présente comme la bifurcation vers une des branches d'un vaste faisceau d'éventualités possibles. Beaucoup dépendent de facteurs purement mécaniques bien explorés par les sciences. C'est le déterminisme que nous connaissons bien. Mais pas toutes, et dans une proportion encore ignorée.
Les souhaits que nous pouvons faire, à haute ou à basse voix, ne sont pas une simple manifestation de gentillesse mièvre. Ou de méchanceté absolue, si c'est du mal que nous voulons aux autres. Parce que les voeux, ça marche dans les deux sens, comme on l'oublie trop souvent. Oui, on a oublié que jusqu'au XVIIIème siècle la malédiction était un acte terrible. Capable de sceller la destinée dramatique du maudit. La bénédiction, sans doute affadie sous nos cieux par des déluges d'eau bénite, en est une autre expression plus familière.
Me voici contraint de donner à ceux qui m'ont fait l'honneur de me lire, une réponse claire à la question soulevée par le titre de cette LEM. Oui, les voeux que les hommes font chaque jour servent à quelque chose : à infléchir, même imperceptiblement, notre futur à tous. Bonne nouvelle : nous ne sommes pas que des marionnettes mues par un hasard aveugle.
Os court :
« Tous les hommes font la même erreur, de s'imaginer que bonheur veut dire que tous les voeux se réalisent. »
Léon Tostoï