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 N° 437
 
 
 
    27 février 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Aimer ce qu’on fait

Docteur François-Marie Michaut Lui écrire

Tous nos spécialistes des chiffres semblent d’accord sur un point. Plus nos jeunes gens peuvent se prévaloir d’un itinéraire scolaire de bon niveau, plus grande est leur chance de trouver un emploi. Toutes choses dans les handicaps habituels à l’embauche étant égales, par ailleurs. Que n’avons-nous entendu à en devenir sourds ce slogan, sous forme d’invocation quasi magique : Formation, formation, formation ! La question cependant reste entière, pour ne pas dire incongrue : se former certes, mais à quoi et surtout pourquoi ?

retrouver la confiance

La grande machine de l’enseignement happe nos tout petits afin de les brasser en tout sens pour ne les laisser échapper qu’à regret bien après la fin de leur croissance physique. Telle une machine automatisée, elle ne semble obéir qu’aux programmes concoctés dans le secret d’un laboratoire puis exécutés par les exécutants de terrain. Certes, fidèles à une antique tradition, nous subissons à l’école l’acquisition d’un grand nombre de connaissances livresques réparties en “matières”. En vérité, quelle chance nous avons de pouvoir en un temps si bref nous initier à ce que l’humanité mit tant et tant de siècles à découvrir laborieusement ! Que de temps gagné pour chacun de nous ! Mais, une fois encore, pourquoi ? Juste pour accumuler comme un collectionneur les connaissances des autres ? C’est bien peu attrayant.
Alors, si vous voulez bien, inversons les choses. Au lieu de laisser la parole aux responsables de nos sociétés, prenons la question du côté des enfants. Si nous prenions la peine de l’observer en silence, chaque enfant, quelles que soient ses capacités, aime faire certaines choses. L’adulte qui le constate a le plus grand mal à ne pas porter un jugement. “ Comment, ce que tu aimes avant tout, c’est jouer au ballon avec tes camarades ? Pense donc d’abord à bien travailler à l’école “. Et voilà sapée la confiance que le petit peut avoir en la valeur de son jugement personnel sur ce qui est important pour lui. Pourquoi ne pas cultiver une autre attitude ? “ Je suis content de voir que tu aimes le foot. Alors, vas-y, fais le mieux que tu le peux dans cette voie. Documente-toi au mieux là dessus, rencontre des gens qui en savent plus que toi là-dedans, pose-leur toutes les questions qui te viennent à l’esprit, demande-leur comment réussir au mieux dans cette activité. Peut-être découvriras-tu ainsi que c’est finalement autre chose que tu as vraiment envie de faire. Tu vois que tu n’as aucune crainte d’échec à avoir, j’ai confiance en toi, fais-toi toujours confiance dans tes choix “.

restaurer la conscience

S’agit-il là d’une attitude d’une complaisance excessive de la part d’un adulte s’il se risquait à agir ainsi ? La question mérite d’être examinée de près. Chacun de nous, adulte, se souvient probablement d’avoir subi le poids de la pression de ceux qui ont voulu nous imposer leur volonté à eux pour orienter notre vie personnelle. Nous nous souvenons très bien combien nous avons souffert de nous contraindre à devenir qui nous devions être à leurs yeux. Ou des efforts épuisants que nous avons accompli pour échapper à leur manipulation. Car, finalement nous sommes restés fondamentalement les mêmes que quand nous étions petits. Voilà où nous pourrions en arriver dans notre perception des choses si nous acceptions vraiment de restaurer notre conscience, au lieu d’obéir à des slogans idéologiques, sociaux, politiques, philosophiques ou religieux qui nous sont extérieurs. Oui, favoriser le commencement de tout apprentissage humain par ce que l’on aime n’est-il pas la seule méthode pour ne pas nous éteindre avant même d’avoir vécu ? Ces foules de jeunes, fréquentant de ruineuses écoles, qui ne savent pas ce qu’ils aimeraient faire, quels adultes cela peut-il donner ? Des humains bien dans leur peau et dans leur tête ou des citoyens robotisés cherchant en permanence à fuir leur vide intérieur, au besoin dans la maladie. La pression constante de tous ceux qui exercent un pouvoir fait que c’est la deuxième solution qui triomphe, pour notre plus grand malheur personnel.

renforcer la compétence

Comme l’organisation actuelle de notre vie sociale fait que c’est en milieu scolaire que nous vivons le plus longtemps avec des adultes, c’est là où nous devrions être le plus exigeants. Car c’est à l’école, au milieu de ceux qui ont notre âge, et en contact direct avec les personnes chargées par la société de notre éducation que se trouve le seul lieu où il nous soit possible de renforcer notre compétence. Oui, je dis bien la renforcer, pas la créer de toutes pièces, pas l’imposer au nom de tel ou tel principe collectif camouflé sous l’étiquette trompeuse de la pédagogie. L’embryon de notre compétence personnelle a jailli dans la famille, dans la rue, n’importe où, vraiment cela ne compte pas. Cette étincelle, c’est elle qu’il faut tout faire pour qu’elle ne s’éteigne pas. Comment ? Certainement pas par des discours. Nos oreilles juvéniles, rappelons-nous, ont une telle facilité pour ne pas entendre ce qui nous ennuie ou ne sonne pas juste. Peu importe que les adultes chargés de l’enseignement disposent de telle ou telle qualité, ou au contraire soient atteints de tel ou tel défaut. Pas plus que tout autre humain, pas plus que tout parent, ils ne peuvent être des gens parfaits. Il n’est pas raisonnable de leur demander de se comporter comme des modèles à imiter. Alors qu’attendons-nous donc de nos enseignants ? Quelque chose de tellement simple qu’on semble l’oublier. Tout simplement qu’ils aiment la discipline qu’ils enseignent. Si un professeur d’histoire aime vraiment l’histoire, ou un instituteur l’orthographe ou le calcul, ses élèves immédiatement le perçoivent. Comment ? Parce qu’il va transmettre tout naturellement son amour, sans effort et sans violence. Il aime alors en vérité ses élèves, il les respecte. Les enfants sentent fort bien si c’est authentique, et là, leur respect se créée naturellement. Un peu plus tard, au cours de nos études supérieures, les seuls professeurs qui nous ont laissé une empreinte durable, et quel que soit notre intérêt personnel pour leur discipline, ont été ceux qui aimaient vraiment le métier qu’ils faisaient. Aimer,aimer quoi que ce soit, il n’y a pas d’énergie plus contagieuse. Il n’y a pas d’énergie plus irremplaçable.
A l’inverse les foules innombrables de ceux qui se sont orientés, ou pire encore ont été orientés de force par le niveau de leurs performances cognitives, vers les études réputées les plus prestigieuses, les plus sûres pour obtenir un emploi à vie ou qui rapporte le plus d’argent , d’honneurs, de pouvoir sont condamnées au terrible sort de morts vivants. Une vie qui n’a pas de sens, un travail qui est un fardeau permanent : quel programme de non vie. Malheureux eux-mêmes, ils ne peuvent semer que le malheur et la destruction autour d’eux. Avec une fois encore toutes les répercutions sur la santé de la société comme de tous ses membres que cela génère obligatoirement, ce qui ne nous laisse pas du tout indifférents sur ce site.

NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

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